Le nouveau Premier ministre, Ali Larayedh, reçu hier soir par le président Moncef Marzouki L'alliance en place, outre Ennahda, regroupe deux partis laïques de centre-gauche, le CPR, et Ettakatol. M. Ghannouchi veut inclure le Wafa, dissident du CPR et les islamistes indépendants de «Liberté et dignité». Les tractations devaient reprendre hier en Tunisie sur la composition d'un nouveau gouvernement sous la houlette de l'islamiste Ali Larayedh, désigné Premier ministre la veille, et qui a la lourde tâche de trouver une formule à même de juguler une profonde crise. Le chef du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi a indiqué dans la nuit de vendredi à samedi à l'agence officielle TAP que les négociations visaient à élargir l'actuelle coalition de trois partis à deux autres. L'alliance en place, outre Ennahda, regroupe deux partis laïques de centre-gauche, le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki et Ettakatol. M.Ghannouchi veut inclure le Wafa, composé de dissidents du CPR et les islamistes indépendants de «Liberté et dignité». Mais de son propre aveu, la question clé des ministères régaliens - Intérieur, Justice, Affaires Etrangères - n'est pas réglée, alors qu'une large part de la classe politique réclame qu'ils soient confiés à des indépendants. «Les questions de la neutralité des ministères régaliens et des candidatures des membres du nouveau gouvernement ne sont pas encore tranchées», a-t-il dit. Ettakatol et le CPR ont signifié nombre de fois que leur soutien passait par l'indépendance de ces portefeuilles. «Suite à un accord de principe, nous soutenons (le futur) gouvernement. Nous souhaitons commencer ce soir les consultations pour aboutir à un accord final (...) respectant les promesses de neutralité des ministères de souveraineté», a rappelé hier à la radio Mosaïque FM, Imed Daïmi, haut responsable du CPR. Ennahda, dont le refus d'un gouvernement de technocrates a poussé le Premier ministre Hamadi Jebali à la démission, a confié au ministre de l'Intérieur, Ali Larayedh, la formation d'un cabinet à même de sortir le pays de la profonde crise provoquée par le meurtre de l'opposant anti-islamiste Chokri Belaïd le 6 février. Le nouveau Premier ministre, qui a promis vendredi de former un gouvernement pour «tous les Tunisiens et Tunisiennes», devra concilier les positions des durs de son parti - peu enclin à céder du pouvoir -, des partenaires en place et tenter de satisfaire des demandes de l'opposition laïque. Car si la crise actuelle déstabilise la Tunisie depuis près de trois semaines, la vie politique est quasi-paralysée depuis des mois faute de consensus à l'Assemblée nationale constituante sur la future Constitution, en cours de rédaction depuis 16 mois. Cette impasse bloque aussi la tenue de nouvelles élections. Par ailleurs, si M.Larayedh est considéré comme un homme de dialogue et un modéré au sein d'Ennahda, tout comme son prédécesseur, son bilan mitigé au ministère de l'Intérieur le place dans une position difficile, relevaient hier les journaux. Son ministère est vivement critiqué pour son incapacité ou son manque de volonté à s'attaquer à l'essor d'une mouvance salafiste violente et pour la répression de manifestations sociales, comme celle des émeutes de Siliana (nord-est) en novembre qui a fait 300 blessés. «Le Tunisien est sans doute prêt à se montrer indulgent à l'égard d'un bilan peu reluisant si à travers la physionomie du prochain gouvernement, il ressent un réel souci de dépasser les logiques partisanes», note le quotidien La Presse. M.Larayedh doit aussi s'assurer que l'assassinat de Chokri Belaïd soit élucidé. Il n'a jusqu'à présent qu'évoqué des arrestations, sans plus de précisions.