La crise économique dans la rive Nord a fait son effet C'est l'histoire de trois journalistes françaises qui ont fait une immigration inversée en posant leurs valises à Alger la Blanche. Elles s'appellent Melanie, Chloé, Nedjma ou Amina. Elles ont, toutes les trois, un point en commun, celui d'avoir quitté la France pour devenir journalistes en Algérie. Mais qu'est-ce qui a poussé ces femmes à rejoindre un pays dont les clichés sur les droits des femmes donnent froid dans le dos? Voici leur histoire: Mélanie Matarese est journaliste à l'hebdomadaire El Watan Week-end. Elle fait depuis plus de 6 ans le bonheur de la presse nationale. Pourtant, rien ne lui prédisait un avenir algérien, malgré le fait qu'elle se soit intéressée tôt au Monde arabe. «Comme tous les Français, je connaissais bien le Maroc et la Tunisie mais pas du tout l'Algérie», rapporte-t-elle. «J'avais eu plusieurs fois l'occasion d'y venir. Mais à cause de concours de circonstances je n'ai jamais pu», assure-t-elle en avouant que les clichés qu'elle avait de l'Algérie font partie de ces circonstances. «J'ai fait des études sur le Monde arabe et mon professeur d'arabe qui était pourtant une Algérienne m'a vivement encouragée à faire un petit voyage en Algérie. Mais j'ai jamais osé sauter le pas», souligne-t-elle. «Un jour, alors qu'elle devait venir à Alger, elle a insisté pour que je l'accompagne. J'ai accepté Et c'est là qu'a commencé mon histoire d'amour avec l'Algérie», raconte t-elle avec nostalgie. «Je suis de suite tombée amoureuse d'Alger et de sa baie», ajoute Mélanie, les yeux pétillants. «Tous les matins en ouvrant ma fenêtre qui, par chance, donne sur la baie d'Alger, je suis impressionnée comme au premier jour par la beauté de la ville qui est pour moi l'une des plus belles au monde.» Toutefois, ce n'est pas que la beauté de la ville qui a attiré Mélanie. Un pays chaleureux Mais également la bonté de ses habitants. «Les Algériens dégagent une chaleur et une convivialité que je n'ai pas vues ailleurs», assure-t-elle en me faisant remarquer la différence avec la Tunisie et le Maroc dont, dit-elle, les relations avec les étrangers ont été perverties par l'argent. Installée donc à Alger, Mélanie débute comme rédactrice en chef au magazine Dziriet, avant de rejoindre le quotidien El Watan. Mélanie, après être tombée amoureuse de l'Algérie, tombe amoureuse de l'un de ses enfants avec qui elle fonde une famille. «On est aujourd'hui parents d'une belle petite fille», dit-elle en souriant. «Je ne vais pas mentir pour dire que la vie est rose en Algérie. Le quotidien est très difficile. J'affronte comme tous les Algériens les difficultés de la vie. Ce n'est pas simple d'organiser sa vie en Algérie, on ne sait jamais ce que demain nous réserve», avoue-t-elle. Mélanie l'Algérienne semble être plus heureuse que Mélanie la Française. «J'ai laissé le luxe de la France pour les difficultés de l'Algérie. Mais je m'amuse, je me suis fait beaucoup d'amis.», avoue-t-elle non sans préciser qu'elle a appris un autre sens de la vie. «En Algérie, chaque jour est un défi...Mais je suis heureuse», fait-elle savoir avec un sourire qui parle de lui-même. Plus d'opportunités Nedjma Chloé Rondeleux, elle, est Franco- Algérienne. Après des études de journalisme dans une faculté de Bordeaux et un bref passage de six mois au quotidien français la Croix, Nedjma ne voit aucune perspective se profiler à l'horizon. Elle pense alors tenter sa chance à l'étranger. Le pays de sa mère, qu'elle n'a jamais visité. «J'ai toujours voulu venir en Algérie, mais pas juste pour faire du tourisme. Je voulais découvrir les profondeurs du pays de ma mère. Et comme je ne trouvais pas d'opportunités du point de vue professionnel, j'ai décidé de tenter ma chance en Algérie», relate-t-elle. Nedjma se met alors à la recherche et lecture de tout ce qui est algérien. Une rencontre va changer sa vie. L'écrivain et journaliste algérien Akram Belkaïd était de passage en France pour dédicacer l'un de ses ouvrages sur l'Algérie. Elle va lui demander une dédicace et en profite pour lui parler de son projet de s'installer en Algérie. «Il m'a rassurée et encouragée, en plus de m'avoir donné de suite des contacts de journaux algériens», témoigne-t-elle. Et c'est le début d'une nouvelle vie pour elle. Nedjma se fait recruter au site électronique d'information Magreb Emergent où elle y travaille depuis un an. «Ce n'est que du bonheur», assure-t-elle toute souriante. «J'ai découvert mes racines. J'ai aussi découvert un nouveau pays avec de nouvelles traditions. Et en plus, l'Algérie ma permis d'avoir des opportunités que je n'aurais jamais eues en France où le métier est saturé», se réjouit-elle. «Certes on rencontre des difficultés en Algérie, mais les gens sont solidaires et surmontent les difficultés ensemble, ce qui n'est pas le cas en France», estime Nedjma. «J'ai été agréablement surprise par l'Algérie qu'on m'avait diabolisée. On m'a dissuadé de venir en affirmant qu'une fille seule ne pouvait survivre dans cette jungle. Or, c'est tout à fait le contraire que j'ai découvert. Depuis un an que je suis ici, je n'ai eu aucun problème mis à part quelques petites remarques par-ci par-là dans la rue. Mais ce n'est rien, je ne comprends pas l'arabe (rire)», témoigne avec humour cette jeune fille au physique européen. Nedjma s'est donc bien adaptée à sa vie algéroise qu'elle compte savourer encore longtemps. «Pour le moment je suis très épanouie, donc aucune raison de partir», rétorque-t-elle. Les clichés qui s'évaporent une fois à Alger Autre jeune fille, autre histoire! Amina Boumazza est, elle aussi, Franco-Algérienne. Elle était déjà venue en Algérie avant de s'y installer durablement. «Mais jamais à Alger. Enfant, je venais tous les étés à la ville natale de mes parents à Guelma», précise-t-elle. Comme Nedjma, les difficultés de trouver un travail stable de journaliste en France ont contraint Amina à penser à l'immigration. «Mais mes pensées allaient plutôt vers le Canada», avoue-t-elle. Ironie du sort, comme Nedjma, Amina fait une rencontre qui va changer sa vie et la faire venir dans son pays d'origine. «Comme je suis pigiste, je suis venue faire un reportage en Algérie pour un quotidien. Le hasard a fait que je rencontre mon patron actuel qui me propose de venir travailler avec lui. Au début, je n'étais pas chaude à cette idée mais après trois mois de réflexion j'ai fini par accepter», raconte-t-elle. Un certain mois de septembre 2012, Amina débarque donc en Algérie pour travailler au portail Net d'information Algérie Focus. C'est le début de l'aventure. «Durant mes premiers jours à Alger, j'avais très peur car j'avais ramené avec moi beaucoup de clichés qui se sont vite évaporés», affirme-t-elle avec un large sourire. «Mes amis, mes proches m'ont diabolisée l'Algérie. On me l'a décrite comme un véritable enfer. Ma mère avait très peur de cette aventure, elle était même furieuse. Elle m'a reproché le fait que je parte dans un pays qu'elle a quitté pour s'assurer un meilleur avenir; j'allais donc tout gâcher. Seul mon père était fier que je choisisse de rentrer au pays», témoigne-t-elle. «A peine quelques jours après mon arrivée à Alger, je les appelle pour leur dire que l'Algérie de maintenant n'est pas celle qu'ils ont laissée. Elle a beaucoup évolué», poursuit Amina qui soutient avoir trouvé un épanouissement qu'elle n'avait pas en France. «Cela en plus de l'évolution professionnelle. Il y a plus d'opportunités en Algérie qu'en France. J'ai trouvé un travail stable avec un salaire qui me permet de vivre mieux que ce qui était le cas en France étant donné que j'étais pigiste. En plus, je suis plus libre dans mes mouvements et dans mes écrits. Je fais plus de travail de terrain et j'ai plus de considération», sont quelques avantages professionnels qu'Amina a trouvés à Alger. Pour ce qui est des difficultés qu'elle a rencontrées, Amina indique qu'elle a souffert pour trouver un appartement. «Cela a été un véritable parcours du combattant. Les propriétaires refusent de louer à des jeunes filles seules», se désole-t-elle. L'humour algérien, une thérapie Mais cette difficulté passée, elle s'est très vite adaptée. Elle est devenue comme toutes les jeunes filles algériennes de son âge. Preuve en est, de temps à autre elle déprime et pense à quitter le pays, mais comme les Algériennes, c'est juste passager. «La vie en Algérie est une thérapie. Les Algériens arrivent à surmonter toutes les difficultés avec leur humour. J'adore ça. Dès que je déprime, il suffit que je parle à mon épicier ou un chauffeur de taxi ou quelqu'un dans la rue pour qu'il me remonte le moral avec son humour», tient-elle à souligner. En plus de l'humour, c'est la chaleur que dégagent les Algériens et leur solidarité qui l'impressionnent. «Les gens sont très accessibles tu peux parler à n'importe qui dans la rue, ils te répondent. Ils sont aussi très serviables et solidaires. C'est peut-être normal pour vous, mais ça l'est moins pour moi, quand j'ai emménagé dans mon immeuble mes voisins sont venus spontanément chez moi pour me dire qu'ils étaient là si j'avais besoin de quelque chose», dit-elle très émue. Tout comme Melanie et Nedjma, Amina qui dit enfin se sentir dans son pays, semble vouloir y déposer ses valises pour un bon moment, si ce n'est pour de bon. Voila donc le destin croisé de trois femmes qui ont cassé un tabou en faisant une immigration inversée. Melanie, Nedjma et Amina sont donc le symbole d'une Europe trop idéalisée...