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Les témoignages qui accablent la police
DES JEUNES FILLES SOUMISES AU TEST DE VIRGINITE À ALGER
Publié dans L'Expression le 20 - 03 - 2013

Ayant pris connaissance des faits, le ministre de l'Intérieur n'a pas caché son courroux
Des documents en notre possession prouvent que de graves dépassements ont été effectués par certains policiers zélés.
«Alors, elle est comment?», interroge le policier qui insistait pour connaître le résultat du test de virginité que venait de subir une jeune fille. «Ça ne vous regarde pas!», rétorque fermement le médecin. Ce bref échange qui a eu lieu dans un hôpital entre un médecin gynécologue et un policier renseigne sur le zèle exagéré de certains éléments de la police. «Le verdict» du gynécologue doit être rendu dans une enveloppe fermée et cachetée. Malgré cela, le policier qui accompagne la fille demande à connaître «ce verdict». Mais la transgression ne s'arrête pas à ce niveau. Elle atteint des proportions graves quand on écoute les témoignages et on lit les documents attestant ces dépassements.
Lesdits documents, en notre possession, en disent long à propos des agissements au niveau de la police relevant de la sûreté de daïra de Chéraga. Elle confirme ce que nous avions rapporté dans notre édition du 9 mars dernier. De ce côté de la capitale, l'on s'amuse à vérifier la virginité des filles «surprises» en compagnie d'amis. Deux jeunes filles, âgées de 17 ans, avaient le tort de se trouver avec leurs copains dans une voiture, de retour d'un anniversaire à 4h du matin.
L'officier de la police judiciaire chargé de la permanence au niveau de la sûreté de daïra de Chéraga, à travers un document titré «Attribution personnelle» et dont nous détenons une copie, s'est mu en «police des moeurs».
L'officier en question a confié aux gynécologues de l'hôpital des jeunes filles pour contrôle de virginité. Il est mentionné clairement dans cette attribution personnelle, compte tenu de l'article 49 du Code de procédure pénale, «il est demandé au médecin de permanence au niveau de l'hôpital de procéder à un examen médical pour prouver l'innocuité de la virginité, d'acte sexuel ou tout outrage public à la pudeur...»
Abus d'autorité caractérisé de la police judiciaire? L'article 46 du Code de procédure pénale stipule que «s'il y a lieu de procéder à des constatations qui ne puissent être déférées, l'officier de la police judiciaire est apte à faire recours à toute personne qualifiée».
Or, pour s'appuyer sur cet article, il faut qu'il y ait un dépôt de plainte au préalable suite à un viol pour ce genre de test. En l'occurrence, il n'y a eu ni viol, ni dépôt de plainte.
Contacté, l'avocat, Maître Zaidi Amar, est catégorique. «L'officier de la police judiciaire n'a pas le droit de dépasser ses prérogatives ou il est qualifié d'abus d'autorité.» «Même dans le cas d'un viol avec dépôt de plainte, la fille doit être examinée par un médecin légiste et non pas un gynécologue. Le procureur de la République est ensuite tenu de la diriger vers des médecins légistes agréés auprès des tribunaux et de la cour», explique l'avocat.
Ayant pris connaissance des faits, le ministre de l'Intérieur n'a pas caché son courroux.
«Pour moi c'est illégal. C'est une mesure tout à fait illégale, inconvenante et inacceptable. C'est ce que vous voulez que je vous dise?», s'est-il emporté à notre interpellation quant à ces tests de virginité commis sur des jeunes filles «surprises en couple» que d'aucuns considèrent comme véritable parti de l'Inquisition digne d'actions relevant de la «police des moeurs».
Daho Ould Kablia se ressaisit et ajoute: «Ce n'est pas encore vérifié et ce n'est pas avéré! En tout cas, aucune autorité supérieure n'a donné des instructions dans ce sens.» Il insiste cependant sur l'illégalité de ces actions.
«Cette semaine, j'étais absent, mais nous allons voir ça avec le directeur général de la Sûreté nationale», a concédé M.Ould Kablia.
Pour les spécialistes du droit, une enquête administrative aurait été nécessaire en pareilles circonstances. C'est même pour certains un minimum pour barrer la route à des comportements zélés de certains agents censés pourtant protéger la loi et surtout les libertés individuelles. C'était du moins ce que suggérait notre insistance auprès du ministre de l'Intérieur.
Ce dernier donnera-t-il suite, dans les jours à venir, par une réaction ferme? En tous cas, notre interrogation n'a pas laissé indifférent Daho Ould Kablia. «Il ne peut être question pour les autorités publiques de porter atteinte à la vie privée des citoyens ou de faire dans la morale. Si de telles actes sont avérés, ils ne peuvent être que des initiatives individuelles qui seront sanctionnées si elles s'avéraient non conformes à la réglementation.»
Nous avions relaté les faits et témoignages à l'appui, de cette histoire de jeunes filles soumises à une réquisition d'examen d'hymen, répandue au niveau de la police relevant de la sûreté de daïra de Chéraga.
De l'avis des juristes, ces pratiques sont donc tout simplement illégales. Pire, comme nous l'avions déjà mentionné, elles portent atteinte à la dignité des personnes. A présent que le «premier flic» du pays est interpellé, il est légitimement attendu une réaction et des suites à donner. Affaire à suivre de très près.


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