«Dans un contexte de pauvreté et de marginalisation, les valeurs de liberté et de démocratie peuvent ramener la dictature», a prévenu M. Marzouki La Tunisie doit mettre en place un nouveau modèle de développement pour faire sortir de la pauvreté deux millions de Tunisiens en cinq ans, a affirmé le président Moncef Marzouki, en écho au FSM qui s'achevait hier. «L'objectif est d'affranchir de la pauvreté deux millions de Tunisiens au cours des cinq prochaines années», a déclaré M. Marzouki en inaugurant un colloque en marge du FSM, réunion altermondialiste annuelle organisée depuis mardi à Tunis. Le président a plaidé pour «une nouvelle approche en rupture avec l'ancien modèle de développement», estimant que les libertés acquises par les Tunisiens n'auraient «pas de valeur» sans la satisfaction de leurs droits économiques et sociaux. «La Tunisie se doit de mettre au point un nouveau modèle de démocratie, du moins d'améliorer le système existant en cherchant de nouvelles voies pour combattre la pauvreté, qui constitue l'ennemi principal contre lequel s'est soulevé le peuple» a-t-il insisté. Plus de deux ans après le soulèvement qui a renversé le régime de l'ex-président Ben Ali, la Tunisie reste confrontée à des conflits sociaux parfois sanglants. Dans ce pays de plus de dix millions d'habitants, la pauvreté est exacerbée par un renchérissement du coût de la vie dans un contexte de crise, et le chômage reste très élevé dans les régions déshéritées. «Dans un contexte de pauvreté et de marginalisation, les valeurs de liberté et de démocratie peuvent ramener la dictature», a prévenu M. Marzouki. «Croire que l'économie de marché, libérale ou néo-libérale, est à même d'affranchir les Tunisiens de la pauvreté, dès le départ, est une idée fausse et périmée», a-t-il estimé, en prônant un «partenariat vital, réel, pragmatique et honnête» entre l'Etat et une société civile affranchie. Moncef Marzouki, défenseur des droits de l'Homme dont le parti (Congrès pour la République) est l'un des deux alliés laïques d'Ennahda au pouvoir, est critiqué par l'opposition qui l'accuse de se soumettre à la volonté des islamistes. Par ailleurs, le Forum social mondial (FSM) qui s'achevait hier à Tunis était destiné à «exprimer la solidarité du monde entier avec le peuple tunisien dans son combat pour la liberté», a déclaré l'économiste Gustave Massiah, membre du Conseil présidant à la réunion altermondialiste. «Les organisateurs ont voulu rendre hommage à la Tunisie, saluer le courage de son peuple qui a renversé la dictature et exprimer la solidarité du monde entier avec ce peuple dans son combat pour la liberté», a déclaré M. Massiah, cité par l'agence tunisienne TAP. Organisé dans un pays arabe pour la première fois depuis sa création en 2001 au Brésil, ce FSM aura permis «d'engager un large débat pour faire parvenir la voix des sans-voix», a-t-il jugé. Interrogé sur les menaces aux droits de femmes face à la montée en puissance de mouvements islamistes, M. Massiah a soutenu que ces droits étaient «aussi menacés en Europe, et partout dans le monde» et qu'il revenait aux femmes «de lutter pour s'imposer et protéger leurs droits». Selon lui, le forum a été aussi marqué par la présence «des mouvements de réfugiés, des apatrides et des migrants» et a relancé le débat sur la ratification de la convention internationale des droits des migrants et de leur famille (1990) et des protocoles sur la libre circulation des personnes. Durant le FSM, plusieurs dizaines de réfugiés, Africains et Palestiniens, ont manifesté pour réclamer leur réinstallation dans un pays occidental, alors que les autorités tunisiennes et le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugies vont fermer fin juin le camp de transit de Choucha (sud). Le conflit israélo-palestinien a occupé également une bonne place au FSM, a indiqué en outre Gustave Massiah en rappelant: «Il faut d'abord mettre fin à la colonisation, défendre les réfugiés pour permettre au peuple palestinien de recouvrer ses droits nationaux». Le FSM s'achevait hier par une marche de «solidarité avec le peuple palestinien», coïncidant avec «la Journée de la terre» qui commémore chaque 30 mars la mort en 1976 de six Arabes israéliens lors de manifestations contre la confiscation de terrains par Israël.