Peuvent-ils constituer une menace sérieuse pour les partis politiques, lors des prochaines échéances électorales? Oui, si on prend en considération les propos avancés, jeudi dernier, par le secrétaire général du RND, M.Ouyahia, qui redoute un retour du parti dissous sous la carte indépendante. Il est certain que le raz de marée du parti dissous, lors des élections communales, en 1990, et sa victoire dans le premier tour des législatives de 1991, continuent à hanter les mémoires de certains partis politiques, qui redoutent ainsi l'accession des islamistes au pouvoir. La dernière confrontation entre le RND et les partis islamistes, à l'Assemblée sur l'élection du membre de l'APN au Conseil constitutionnel, est une preuve du fossé politique qui sépare le parti d'Ouyahia du courant islamo-conservateur. Même si certains ex-responsables du parti dissous sont déchus de leurs droits civiques et qu'ils sont soumis à des restrictions juridiques qui les empêchent de sortir du territoire national, cela ne leur interdit nullement de participer au débat sur la scène politique. D'ailleurs, plusieurs leaders de l'ex-FIS avaient participé au front contre la réforme de l'Ecole auquel avaient appelé Ennahda, El-Islah et le MSP de Mahfoud Nahnah. C'est le cas, notamment, d'Ali Djeddi et d'Abdelkader Boukhamkham. Ce dernier s'est notamment illustré par ses écrits dans la presse ou encore ses interviews où il ne se donne aucune limite pour critiquer le pouvoir et les hommes politiques. Dans sa dernière sortie médiatique, il est allé jusqu'à demander au Président de la République d'écarter Ouyahia, considéré comme un éradicateur, du ministère de la Justice et ce, dans le but de favoriser la réconciliation nationale. Les islamistes espèrent, d'ailleurs, faire du thème de la réconciliation nationale un fonds de commerce rentable qui leur permettra de prendre la majorité à la prochaine Assemblée. Mais sans cela, le courant islamiste constitue une force politique incontournable dans le paysage politique et la place de seconde force, acquise par le MSP de Nahnah lors des dernières législatives avec plus de 18% des voix et 69 sièges derrière le RND, devançant ainsi le FLN avec 64 sièges, en est la parfaite illustration. Sans l'appui de l'administration, le RND n'aurait probablement jamais pris la première place à l'Assemblée et c'eût été le parti de Nahnah, qui aurait remporté le premier tour des élections de 1997, et ce, malgré une campagne politique très agressive où les islamistes étaient considérés par l'ensemble des partis en course comme les premiers responsables de la tragédie dans le pays. Avec l'entrée dans les prochaines élections du mouvement El-Islah d'Abdallah Djaballah, le courant islamiste va être renforcé, surtout que ce mouvement, agréé par le ministère de l'Intérieur à la veille des élections présidentielles, ratisse large dans le foyer électoral proche de l'ex-FIS. Djabalah espère surtout prendre sa revanche politique sur son frère ennemi Adami, qui, au terme d'un compromis politique avec le pouvoir, lui a ravi le mouvement Ennahda. Adami, avec le MSP de Nahnah, constitue, quant à lui, le courant nationalo-islamiste proche du Président de la République et qui a inscrit dans son programme le soutien au plan de réforme économique. Mais le développement de la situation politique risque de faire basculer ces deux formations dans le camp de l'opposition islamiste, déjà occupé par El-Islah, et former ainsi une force politique capable de tous les retournements de situation. Ajouté à cela, le parti Wafa qui, malgré son interdiction par le ministère de l'Intérieur, peut sortir de son hibernation et lancer ses comités de soutien sur les urnes pour donner ses voix au courant islamiste guidé par Djaballah et ses alliés. Il est évident que, devant l'absence d'une alliance FLN-RND, d'un rassemblement de démocrates ou d'une coalition des partis nationalistes, le courant islamiste peut constituer une force tranquille qui, lentement mais sûrement, peut remporter la majorité à l'Assemblée et préparer soigneusement son entrée à El-Mouradia.