Dans un monde audiovisuel ouvert, la bataille des productions entre certains pays du Sud est devenue incontournable. Et les pays qui inondent le marché audiovisuel arabe depuis quelques temps sont la Turquie et l'Iran. La Turquie en matière de feuilleton romantique et l'Iran en matière de feuilletons historiques et surtout religieux. Paradoxalement, ces deux pays sont gouvernés par une doctrine politique islamiste, calquée sur la Charia islamique. L'Iran est une République islamique et la Turquie est un exemple réussi de démocratie islamiste. Et pourtant, les deux pays sont issus de grandes civilisations très puissantes qui ont défié les empires byzantins et romains. Aujourd'hui, en 2013, l'Iran et la Turquie ne s'affrontent pas sur le terrain militaire, mais bien sur le terrain audiovisuel. Et chaque pays expose ses meilleurs feuilletons. Mais l'avantage de la durée reste turc, puisque contrairement à l'Iran, la Turquie produit plus de feuilletons durant l'année alors que l'Iran préfère se spécialiser dans le cinéma et la production des films religieux qui remportent un succès sans frontières dans les pays arabes ces dernières années durant le mois sacré de Ramadhan. Pour faire face à la concurrence, l'Iran n'hésite pas à barrer la route et à bloquer les chaînes iraniennes qui diffusent des feuilletons turcs. En Iran, le gouvernement a interdit depuis 1994, la diffusion des programmes étrangers et cela afin de lutter contre l'invasion culturelle occidentale. Et pourtant, des millions de foyers iraniens auraient accès à des centaines de chaînes, dont plusieurs dizaines en langue persane, basées à l'étranger, notamment dans les pays du Golfe et relayées par satellites. Le gouvernement iranien a lancé les chaînes-maison, Sahar, Press TV ou Hispan TV sur les réseaux satellitaires pour contrer les programmes étrangers et procède à un brouillage régulier des chaînes étrangères. Le 13 janvier 2013, c'est la chaîne GEM TV, basée à Dubaï (Emirats arabes unis) qui n'était subitement plus accessible sur sa fréquence habituelle. Largement répandue dans le Moyen-Orient, elle est une des plus regardées en Iran. Essentiellement axée sur le divertissement, GEM TV diffuse des programmes occidentaux, des séries américaines et des téléréalités à succès, mais est surtout appréciée pour sa spécialité: les feuilletons turcs. Des feuilletons qui montrent des femmes musulmanes très libérales, émancipées et surtout sans hijab. Fin décembre 2012, la voix persane d'un personnage important dans un film turc avait été changé tandis que deux semaines plus tôt, un site d'information iranien annonçait l'arrestation de plusieurs doubleurs de la série turque à Téhéran. Si le site Internet de GEM TV a été réactivé 24 heures après sa coupure, la chaîne est toujours inaccessible en Iran pour une durée indéterminée. GEM TV confirme que la diffusion n'a toujours pas repris en Iran et assure tout faire pour y remédier, sans plus de précisions. Mais derrière cette coupure, se cache une concurrence cachée entre deux grandes nations du cinéma et de la télévision. La religion et la politique sont intervenues pour freiner la création qui donner libre cours à l'imagination et à l'amour dans toute leur dimension. [email protected]