Ce soir, une ombre se projettera forcément sur la demi-finale de Ligue des Champions entre le Bayern Munich et le FC Barcelone: celle de Pep Guardiola, ancien entraîneur multi-couronné du Barça qui s'apprête à prendre la saison prochaine les rênes du club bavarois. Depuis l'annonce de son nom en janvier, comme remplaçant de Jupp Heynckes à partir du 1er juillet sur le banc des champions d'Allemagne, Guardiola alimentait déjà toutes les conversations outre-Rhin. L'entraîneur catalan ne s'est pourtant pas montré ni exprimé en Allemagne depuis l'officialisation de sa signature au Bayern, mais son nom était présent sur toutes les lèvres. Une tendance qui s'est encore accentuée avec le tirage au sort des demi-finales de C1. Il y a ainsi ceux qui sont persuadés que «Pep» révélera une partie de ses secrets sur le Barça à «Jupp». L'entraîneur de Dortmund, Jürgen Klopp, dont le club se trouve lui aussi dans le dernier carré face au Real Madrid, était de ceux-là: «Je suis prêt à parier que le Bayern appellera Guardiola pour que celui-ci les renseigne sur le Barça», avait assuré, espiègle, «l'entraîneur du peuple». Et puis, il y a ceux qui font assaut de protestations, la main sur le coeur. A commencer par l'un des principaux intéressés, Jupp Heynckes, qui prenait cette supposition presque comme une insulte. «Appeler Pep? Je n'ai jamais demandé conseil à un autre entraîneur avant d'affronter une équipe. Je vous prie de respecter mon travail», s'était indigné l'entraîneur bavarois. Son patron Karl-Heinz Rummenigge abondait dans son sens, rappelant que l'actuel coach «connaît déjà parfaitement le football espagnol» en raison de sa trajectoire comme entraîneur de plusieurs clubs ibériques (Athletic Bilbao, Tenerife et Real Madrid). Matthias Sammer, le directeur sportif du club rouge et blanc, surfait lui sur la ligne éthique: «Pep a Barcelone dans son coeur. Ca poserait un problème de l'interroger (sur le Barça). On ne va pas lui imposer cette contrainte morale de divulguer des infos sur son grand amour». Mais l'ex-légende bavaroise, Franz Beckenbauer, se montrait nettement moins gêné aux entournures: «Il connaît parfaitement les joueurs du Barça, des choses qu'on ne voit pas à la vidéo, quelques petits tuyaux, et c'est très important pour mettre toutes les chances de notre côté». Entraîneur des Blaugrana de 2008 à 2012, le technicien de 42 ans est à l'origine des 14 titres sur 19 possibles conquis par les Barcelonais durant cette période - un record absolu. Guardiola est même le principal créateur du logiciel de jeu des Catalans, avec Johan Cruyff, sous les ordres duquel il a d'ailleurs remporté, en tant que joueur, la première Ligue des Champions du club, en 1992. Amoureux du jeu, intarissable au moment de se lancer dans de grandes tirades sur le jeu en combinaisons de son Barça, perfectionniste au point d'avoir fait espionner un temps ses joueurs «à la Guy Roux», on peut compter sur Pep pour tout savoir sur ses anciens pupilles. Guardiola maîtrise d'autant plus son sujet que le jeu des Catalans, confié après son départ à son ancien bras droit Tito Vilanova, a peu changé. Quelques modifications ont certes vu le jour: l'abandon de la défense à trois, l'utilisation plus fréquente d'Iniesta comme ailier et non comme milieu. Mais dans l'ensemble, rien de neuf sous le soleil du Camp Nou. S'il était finalement sollicité par son futur employeur, il est vraisemblable que Guardiola, en professionnel pointilleux qu'il est, livrerait une partie de son savoir. Mais peut-être ne dirait-il pas tout, par égard pour ses anciens protégés, laissant ses futurs joueurs découvrir la «méthode Barça».