«Maintenant que vos fils et vos filles vont la main dans la main / Faire l'amour ensemble et l'Europe de demain.» Georges Brassens Les deux oncles Les commémorations sont toujours des moments de grande solennité surtout lorsque l'hommage qui est rendu aux morts est sincère et que le présent tient compte des erreurs du passé. La télévision nous a montré les images d'un président de la République réanimant la flamme du Soldat inconnu ou fleurir le monument de l'un des chefs de la Résistance. C'est rappeler un peu que la Seconde Guerre mondiale avait fait plus de cinquante millions de morts dont plus de la moitié soviétiques. Mais les pays occidentaux semblent avoir oublié l'ennemi d'hier: le parti nazi a pourtant été porté au pouvoir d'une manière démocratique, par la voix des urnes: les partis bourgeois ont préféré un parti de l'extrême droite à une gauche, même modérée. Et les recherches historiques ne vont toujours pas dans le sens de la responsabilité historique de cette catastrophe humaine dont seul le lobby sioniste en a retiré un fonds de commerce juteux. Défense de mettre en doute le fameux chiffre des six millions de morts que la légende moderne a écrit en lettres de sang sur le dos des Palestiniens. Et pourtant, la falsification historique est si aisée pour ceux qui contrôlent les médias: «Dieu, que le son du cor est triste le soir au fond des bois.» Ce premier vers d'une poésie épique du réactionnaire Alfred de Vigny a longtemps bercé les oreilles des nationalistes français ou des militants du christianisme combatif. Louis Aragon dans son essai La Diane française a démontré que la poésie ne s'accommodait pas de la vérité historique quand celle-ci n'arrangeait ni l'esthétique, ni la pensée poétique... Si la poésie ne s'accommode pas de la vérité historique, l'intérêt économique lui tord simplement le cou; la construction de l'unité européenne en est un exemple patent. Les Allemands ont payé les dommages de guerre (à presque toute l'Europe sauf la Grèce) et n'arrêtent pas de demander des excuses. Ce qui n'est pas bon pour la poésie et l'économie, l'est encore moins pour la politique. Ainsi, j'ai été surpris par une déclaration de Jacques Chirac à l'occasion de la commémoration de la bataille de Diên Biên Phu. Il déclarait en substance: «Hommage à la mémoire des hommes qui ont transformé les batailles de Diên Biên Phu et de Roncevaux en épopées...» Mettre Roncevaux et Diên Biên Phu sur le même pied est une hérésie. Il est bien connu que Roncevaux n'a jamais été une bataille entre Maures et Francs, mais un épisode malheureux de l'aventure des troupes de Charlemagne dans les Pyrénées. Un chef de troupe franc ayant mis à sac un village basque, les populations de ces montagnes se sont vengées en massacrant une patrouille menée par le neveu du grand Charles. Ce n'est qu'au début du XIIIe siècle qu'un moine copiste, sur les directives d'un supérieur «éclairé» ecclésiastique a transformé cette mort peu héroïque, en épopée, inventant un traître à la nation (Ganelon) et imputant cette mort aux ennemis de toujours: les musulmans. Il faut dire que cette falsification historique a été opérée au temps des premières croisades. Le poème d'Alfred de Vigny, lui, sera composé quand l'Europe chrétienne soutiendra la lutte de libération de la Grèce du joug ottoman. Et, depuis, les exemples ne manquent pas pour illustrer que toutes les raisons sont bonnes pour détourner ou masquer les faits: le coup d'éventail pour conquérir l'Algérie, l'incursion de bandits tunisiens pour occuper la Tunisie, l'incident du golfe du Tonkin pour coloniser l'Indochine, l'incendie du Reichstag pour arrêter les opposants au régime nazi, l'assassinat de Abane Ramdane transformé en mort héroïque au champ d'honneur... Quant aux victimes du 8 Mai 1945, dont les chiffres varient selon le côté de la Méditerranée où l'on se trouve, je vois mal un ministre algérien, qui a transporté ses pénates sur les bords de la Seine, demander les yeux dans les yeux des excuses à son homologue français....