Asghar Farhadi On le savait pourtant que depuis la guerre «étymologique» autour de l'appellation d'un Golfe avoisinant les côtes iraniennes, que cette querelle ressemblait à bien des égards à celle de Troie, elle remonterait donc,à la nuit des temps, ou tout au moins à une certaine Antiquité. Mais là, sous les paillettes de Cannes et les sunlights, on avait cessé, depuis belle lurette, de s'interroger sur la dénomination exacte: Golfe Arabique ou Persique? Et voilà que L'Iranien Asghar Farhadi, oscarisé, en 2012, avec ́ ́Une Séparation», allait insidieusement remettre les couverts, ébréchés par l'Histoire, sur la table des sournoiseries. L'occasion? Le tournage l'an dernier du «Passé», loin de l'environnement naturel, iranien, mais en région parisienne où le tapis rouge a été déroulé. Pareil tapis a donc recouvert, les marches de Cannes, où le cinéaste iranien a montré son oeuvre très attendue, consacrée par certains, pour ne pas dire porter au pinacle, avant même sa diffusion. On connaissait le réalisateur Téhéran ais habile de ses neurones, excellent «tricoteur» d'intrigues qui ont fait de ses canevas scénaristiques précédents de véritables «master-pieces»!... Cette fois c'est dans un contexte français qu'il a choisi de transposer son thème de prédilection: la famille, ses joies, ses peines et ses non-dits... Et ce, à travers un éprouvant drame familial, lesté de non dits et d'acrimonie et dont ils chargent jusqu'à l'insupportable ses interprètes: Bérénice Béjo (Marie), César de la meilleure actrice pour ́ ́The artist ́ ́, révélée par Abdelkrim Bahloul dans «Les Soeurs Hamlet» et où Gad el Maleh fit sa première apparition! Marie, donc, qui tient bout de truelle et de pinceau, un pavillon de banlieue en restauration, sans compter ses deux filles d'une précédente union avec un Belgeainsi que celui de son nouveau compagnon, Fouad, dont le père Samir (Tahar Rahim) n'attend plus que le divorce de Marie avec Ahmad (Ali Mosaffa), l'Iranien, pour épouser celle qui porte son futur bébé dans son sein, depuis deux mois. Ahmad débarque de Téhéran à cet effet. Mais comme toujours chez Farhadi, si le premier obstacle est franchi, sans trop de complication, c'est la suite qui compliquera le reste. Samir aura à faire face au suicide de sa femme, à l'hostilité de la fille ainée de sa dulcinée, Marie, ce qui amènera Ahmad à puiser dans sa «sagesse persanne» pour essayer le noeud de colères et d'intrigues afin d'aplanir la situation. Mais aussitôt cette tempête apaisée, que surgit un autre problème encore plus inextricable: Les mails d'amour de la mère à Samir, que la fille a envoyés à la femme du Maghrébin, n'ont en fait été expédiés à la Maghrébine, Naïma, (Sabrina Ouazzani), employée sans papier dans le pressing de Samir! Et c'est Ahmad le Persan qui va avec sa patiente sagesse intervenir pour calmer tout cela et tenter de ramener une paisibilité qui avait été éprouvée par le comportement toxique de ces deux Maghrébins (Samir et Naïma). A grands coups de pinceaux Fahradi dépeint une galerie de caractères qui tout en prêtant le beau rôle à l'Iranien au grand coeur et à l'intelligence qui va avec, affublera les deux «Arabes» de vils comportements et des plus antipathiques. Il y a du Camus dans l'air, dans cette esquisse et à grands traits, de cet «atavisme chez l'Arabe» fait de veulerie et de fourberie qui seront et en permanence en contrepoint de l'attitude, plus civilisée et humanitaire, de l'homme de Téhéran, Ahmad qui saura lui prendre de la hauteur. Fahradi, malgré son talent avéré, semble ne pas s'empêcher de rappeler que l'Arabe est toujours celui de quelqu'un et même d'un Iranien! On comprend mieux le propos de Bérénice Bejo qui ne voulait sans doute pas corroborer ce qui est dit plus haut: «Ashgar parle souvent des immigrés, il dit que la culture iranienne est très différente de la nôtre et que souvent les Iraniens qui viennent en France n'arrivent pas à se faire à notre mode de vie». Certes «Le Passé» esthétiquement est très réussi (mais pas forcément juste!), il dénote d'un haut esprit de synthèse et de construction mentale qui fait que le cinéaste n'est jamais pris en défaut. Son cadre, américain, malgré tout, est fort attrayant et maintient à bonne équidistance le fait, le sujet et le spectateur. Mais le problème c'est que ce savoir-faire, dans ce film «français d'inspiration» est truffé de trouvailles qui l'étouffent plus qu'elles en aèrent la construction dramaturgique. Ce qui plombe plus que parfois la narration. Ajouter à cela cette vision de l'Arabe que ne désavouerait nullement Meursault, dans «L'Etranger» d'Albert Camus! Fahradi disait hier, à Cannes, que trop souvent les acteurs le qualifient de... marionettistes! Si c'est du tireur de ficelles dont en parle, nous ne pouvons que le confirmer!