Fidèle à son image de festival engagé mettant à l'honneur les œuvres d'auteurs, la Berlinale a porté en triomphe le cinéaste iranien Asghar Farhadi, qui a raflé l'Ours d'or pour son long métrage Nader et Simin, une séparation, et primé l'ensemble de ses acteurs en leur octroyant les Ours d'argent des meilleures actrices pour Leïla Hatami et Sarina Farhadi et acteurs pour Peyman Moadi, Shahab Hosseini et Sareh Bayat. Le grand lauréat de ce 61ème Festival du film de Berlin revient sur la complexité de la société iranienne et explore ses fractures, son conservatisme religieux et son appareil judiciaire tout en entretenant la tension d'un thriller à travers un poignant drame familial. Dans un article élogieux, la critique du magazine américain spécialisé Hollywood Reporter soulignait qu'«alors qu'il semblait impossible que les cinéastes iraniens s'expriment de manière sensée pour cause de censure, il arrive et prouve le contraire».Asghar Farhadi, qui avait déjà reçu, en 2009, l'Ours d'argent du meilleur réalisateur pour A propos d'Elly, dira lors de la rencontre avec la presse après la cérémonie qu'il était avant tout «un cinéaste, pas un héros». «Si j'avais dit quelque chose de politique sur scène (en recevant mon prix), cela aurait-il changé quelque chose ? Mais mon film peut changer quelque chose.» Le réalisateur, dont le tournage avait été brièvement suspendu par les autorités iraniennes en septembre dernier, a évoqué son pays en recevant l'Ours, et son compatriote Jafar Panahi, réalisateur lourdement condamné en déclarant : «Je veux avoir une pensée pour Jafar Panahi. Je pense vraiment que ses problèmes seront bientôt résolus et j'espère qu'il pourra venir ici l'an prochain.»Pour rappel, la Berlinale avait invité Jafar Panahi à siéger au sein du jury et lui avait réservé une chaise, restée vide lors des cérémonies d'ouverture et de remise des prix. La présidente du jury, Isabella Rossellini, avait lu une lettre de Panahi en ouvrant le festival, puis une journée d'hommage lui avait été réservée le 11 février dernier, journée anniversaire de la révolution iranienne.Accusé d'avoir voulu faire un film sur les manifestations d'opposants en 2009 à Téhéran, Panahi, 40 ans, a été condamné à six ans de prison et 20 ans d'interdiction de travailler par la justice iranienne. Il a fait appel de ces condamnations et attend la décision, assigné à résidence à Téhéran. L'ambassadeur d'Iran en Allemagne, Alireza Sheikh Attar, écrit dans l'hebdomadaire allemand Der Spiegel à paraître aujourd'hui qu'il espère que «le cinéaste iranien Jafar Panahi [pourra] à nouveau exercer son métier, si ses problèmes juridiques sont réglés», ajoutant qu'«il ne pouvait pas être à la Berlinale, car il devait comparaître devant le tribunal». Le jury de la 61ème Berlinale a aussi mis en avant le cinéma européen, en attribuant l'Ours d'argent, ou grand prix du jury, au long métrage le Cheval de Turin, un film en noir et blanc du grand cinéaste hongrois Bela Tarr. Le film prend pour point de départ un incident traumatisant dans la vie du philosophe allemand Friedrich Nietzsche pour raconter l'histoire de deux paysans et de leur cheval. Deux prix ont également été attribués à l'Allemagne, dont l'Ours d'argent du meilleur réalisateur à Ulrich Köhler pour la Maladie du sommeil. Quant à l'Ours d'argent du meilleur scénario, il a été attribué à Joshua Marston et Andamion Murataj pour The Forgiveness of blood. S. A.