Une scène du film Un certain regard de Omar Comment dit-on une «bronca» en japonais? Car Takashi Miike la méritait amplement... Et il n'est pas le seul. Paolo Sorrentino lui disputerait bien la timbale du «ridicul award»... Un milliardaire japonais offre une prime à celui qui aurait la peau de l'assassin et violeur de sa petite fille qui n'a plus qu'une seule alternative, se mettre sous la protection de... la police. Ubuesque? Peu probable, car cela laisserait entendre que le cinéaste japonais disposerait d'une certaine culture... Mais ce n'est pas du tout le cas! La série «Z», dans la classification cinématographique, est réservée aux films de piètre qualité, et Warta no state risquerait bien de ne pas être qualifiable même pour cette catégorie. Reste alors à se demander comment ce «navet filmique» a atterri à Cannes? Des centaines de critiques s'étaient posé pareille question, sans trop souhaiter de réponse... Et pour Paolo Sorrentino, l'Italien multirécidiviste cannois (cinquième sélection!), on se contenterait de lazzis pour accompagner cette enflure de film, La Grande Bellezza, une injure faite à La Dolce Vita de Federico Fellini, dont il a eu l'outrecuidance de vouloir lui emboîter le pas. Triste époque. Certes, les statues du Commandeur sont faites pour être déboulonnées, encore faut-il en avoir l'envergure... Chez Fellini, Marcello Mastroianni était un jeune chroniqueur mondain (avec des velléités d'écriture). Chez Sorrentino, le quelconque Toni Servillo est lui aussi un journaliste (qui a commis un seul roman) et qui musarde dans les milieux où le métier de certains c'est... «d'être riche», comme le dit dans une réplique une des protagonistes!... On quitte la salle aussi désabusé que le personnage principal de ce film qui a la prétention de concourir pour la Palme d'or. Décidément, Rome oscille vraiment entre grandeur et décadence... Alors on quitte la salle de projection, sans demander son reste, en essayant autant que possible, de positiver autrement cette journée. Et cette méthode Coué fonctionne! Car, il y a eu quand même, un très intense grand moment de souvenirs, en hommage à Maroun Bagdadi, le cinéaste libanais, qui s'est tué accidentellement, en 1993, à Beyrouth où il était revenu pour des repérages. C'est Unifrance qui a offert l'hospitalité aux ami(e)s de Maroun, en mettant les petits plats dans les grands. Nous y reviendrons très prochainement! Et puis, il y a eu la projection à Un Certain regard de Omar, le dernier film de Hany Abou Assad. En 2005, le cinéaste palestinien nous avait déjà donné un aperçu de son talent avec Paradise Now, qui racontait, en un mot, les péripéties d'un kamikaze, qui, une fois «ceinturé» d'explosifs change d'avis! A la clé, une haletante course contre la mort... Avec Omar, un degré supplémentaire dans la réflexion est franchi, par rapport à la violence. Plutôt par rapport à NOTRE rapport à la violence, pour être plus clair. Omar, (Adam Bakri), jeune Palestinien est «shakespearien» quand il revêt l'habit de l'amoureux et «cornélien» lorsqu'il se trouve devant un dilemme, une fois accusé de complicité de meurtre par les Israéliens. L'équation est de taille. Un challenge pour un cinéaste. Sauf que lorsqu'on est Palestinien et que l'on vit entre la rigueur affichée du Fath et le rigorisme de Hamas. Et sous la menace perpétuelle de Tsahal, on n'a pas forcément droit à l'erreur, pire, à afficher sa réelle pensée. La balle destinée à liquider les traitres n'est pas là pour réviser les procès en mouchardage, mais pour faire appliquer une sentence qui a la particularité de ne pas avoir été pesée à l'aune de la raison, par exemple. Ce qui «trahirait» l'humanité de l'être, en l'occurrence l'acte d'aimer serait perçu dans ce cas, comme une «preuve» à charge. Un facteur cardinal de suspicion. Alors autant le dynamiter de l'intérieur! Et l'on se retrouve, une fois de plus, terriblement partagé. Furieux, presque, de sentir que les hésitations multiples, chez le cinéaste, sont si manifestes, qu'elles confineraient à la lâcheté. Mais par ailleurs, on ne peut s'empêcher d'afficher sa sympathie, voire une certaine admiration pour le courage dont a fait montre Hany Abou Assad en choisissant pareil sujet! «De la peur de tous, naît, sous la tyrannie, la lâcheté du plus grand nombre» Abou Assad, traite, en vérité, d'un principe philosophique kantien qui se penche sur ceux qui sont, leur vie durant, dans l'incapacité de se servir de leur entendement sans la direction d'autrui». «Aie le courage de te servir de ton propre entendement!» suggérait Kant, à quelques nuances près, Abou Assad ne dit pas forcément autre chose! Les tuteurs ne sont pas forcément les payeurs, cela paraitrait comme une règle dans la démarche constante du cinéaste palestinien et qu'il imprime de toutes ses forces à ses personnages. Dans son refus de ne pas diaboliser les protagonistes de son histoire, Abou Assad réussit la gageure de les transformer en victimes de leurs propres agissements que coupables aux «mains sales» dans le plein sens sartrien du terme. Dommage que la théâtralisation à outrance ait desservi une mise en scène qui dictait un filmage dans l'urgence avec une caméra enfiévrée, au cadrage trahissant un déséquilibre qui serait propre à ces jeunes militants d'une cause déjà gagnée devant l'Histoire.