Tout aussi spontanément qu'ils l'ont triomphalement accueilli, des jeunes ont scandé la rengaine «Manach m'lah, donnez-nous des visas». «Wahran fiha z'hou ou Paris eddate chiaâ» (Alors que l'ambiance se trouve à Oran, c'est Paris qui a eu les honneurs). Voilà une expression locale qui résume parfaitement l'état d'esprit des Oranais. Ils sont génétiquement fêtards dit-on. Ils font de toute occasion une fête et l'occasion d'hier n'est pas des moindres. La capitale de l'Ouest a reçu son président. Aussi subjectif que l'on puisse être, on ne peut omettre de relever le fait que l'accueil réservé par les Oranais au président de la République a été triomphal. Les Oranais sont sortis, qui par conviction, qui par curiosité, accueillir le président loin du carnaval que s'apprêtaient à organiser des comités de soutien et des redresseurs véritablement minés par des dissensions. Déçu ou peut-être renforcé dans ses certitudes, un militant du FLN pro-Benflis a eu cette réflexion en voyant la foule en délire. «En Irak, Sahaf nous a longtemps bernés avec des images de citoyens scandant la vie de Saddam, une fois l'heure de vérité sonnée, on a bien assisté en direct à des images de citoyens qui détruisent la statue du dictateur.» Des dizaines de milliers de personnes, pour la majorité des jeunes, ont attendu tôt dans la matinée, M.Bouteflika à M'dina J'dida au niveau de la placette Tahtaha. Les universités, les lycées, les collèges, les écoles et les centres de formation professionnelle ont été mis au repos pour faire partie de ce méga gala de la ville. Le président de la République qui donnait, hier, l'impression d'être submergé par ses émotions, a sillonné le boulevard de l'Indépendance pendant vingt minutes et avec un large sourire. Mais avant d'entamer son bain de foule, le chef de l'Etat a consacré un temps plus long, trente minutes, pour «embrasser» les représentants des autorités locales, les membres des comités de soutien, les députés de la wilaya, les élus locaux, ainsi que les représentants des zaouïas alignés sur plus de 100 m. En plus des badigeonnages de rigueur habituels, la ville s'est fardée de sa plus belle tenue sous les chants du défunt Ahmed Ouahbi. C'était plutôt les «One two Tri viva l'Algérie» que les «Ouada tania» qui ont dominé les cris de la foule en délire. Dans une première pause, M.Bouteflika a fait une halte au niveau du siège de l'APC d'Oran. Une halte symbolique portant un message à qui de droit. L'ex-président de cette commune, Djellouli, un fervent défenseur du secrétaire général du FLN, Ali Benflis, est actuellement en prison «pour une affaire de corruption selon ses détracteurs». «Il paye ce tribut pour ses opinions politiques» rétorquent les pro-Benflis au siège de la commune accompagné du prince du raï Cheb Mami. Le président de la République s'est vu remettre les clefs de la ville par le nouveau maire fraîchement installé et a salué longuement la foule. Le message politique accompli, le président en recevra un autre à son tour, celui de soutien au Mausolée de Sdi El Houari au niveau duquel il s'est recueilli dans une deuxième halte avant de se voir faire lire une motion de soutien à sa candidature dans la zaouïa aâllouia. «Regardez cette jeunesse, comme elle est enthousiaste, comme elle revendique son Algérie. Elle ne revendique plus les visas!» s'est exclamé le ministre de l'Agriculture, Saïd Barkat. Vingt minutes plus tard, une nuée de jeunes foncent vers les deux poids lourds transportant les journalistes et apportent un démenti aux propos de M.Barkat. «Manache m'lah, El visa ya Bouteflika, mazal essah ibane» (On n'est pas bien, donnez-nous des visas M.Bouteflika, la vérité va paraître) scandaient ces jeunes tout aussi spontanément qu'ils ont accueilli le président...Dans l'après-midi, le président de la République a effectué pas moins de quinze points. Pose de la première pierre du complexe immobilier du Millinium, inauguration de logements, d'infrastructures touristiques, sanitaires, routières et d'une mosquée. La première journée de la quatrième visite qu'il effectue à Oran depuis son investiture en 1999, s'est terminée à 21h 30. Le tour est laissé au ministre de l'Intérieur pour animer une conférence de presse. Noureddine Zerhouni sera interpellé par les journalistes, surtout sur les incidents qui ont émaillé la Coupe d'Afrique en Tunisie, où un supporter algérien a été tué et des milliers d'autres blessés, sur l'élection présidentielle et le retrait des candidats, l'échec du dialogue entre le gouvernement et le mouvement citoyen de Kabylie et surtout sur les «exactions policières» que subit le quotidien Le Matin depuis la parution du livre Bouteflika, l'imposture algérienne, écrit par le directeur du journal Le Matin, Mohamed Benchicou.