Les «seigneurs de la guerre» reviennent à la charge en tirant dans le tas C'est plutôt des «épines» que les «révolutionnaires» ont offert aux Libyens, qui ne demandent que la stabilité et que leur sécurité ne soit pas menacée par ceux-là mêmes censés la leur assurer. L'anarchie s'installe dans la durée en Libye. Depuis la chute du régime de Mouammar El Gueddafi, les milices armées font la loi. Institutions et populations ne sont pas épargnées par le diktat de ces bandes organisées qui ont imposé un pouvoir de fait à l'armée régulière. Après avoir pris en otage le Parlement et plusieurs départements dont ceux de la défense et de l'intérieur, les «seigneurs de la guerre» reviennent à la charge en tirant dans le tas. Pas moins d'une trentaine de morts et une centaine de blessés, est le bilan macabre des affrontements ayant opposé samedi dernier, dans la ville de Benghazi, manifestants et ex-rebelles. Aux cris de «le sang des martyrs n'a pas été versé en vain», plusieurs centaines de personnes ont participé, hier, aux funérailles dans le cimetière d'al Hawari non loin du centre de Benghazi. Les funérailles se sont déroulées dans le calme, mais plusieurs jeunes se sont donné rendez-vous en fin d'après-midi dans le centre-ville, pour protester contre «le massacre des civils par les milices». Il est clair que même à l'ère de l'ancien régime, on n'a pas tué des manifestants avec un tel sang-froid. C'est plutôt des «épines» que les «révolutionnaires» ont offert aux Libyens, qui ne demandent que la stabilité et que leur sécurité ne soit pas menacées par ceux-là mêmes censés la leur assurer. Côté officiel, les nouveaux maîtres de Tripoli se contentent d'annoncer l'ouverture d'une commission d'enquête et d'appeler au calme. Dans un communiqué, le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique du pays, a appelé, hier «toutes les parties à la retenue et à privilégier l'intérêt national». Il affirme être «en contact avec le gouvernement et les organes de sécurité», en vue de prendre des «mesures décisives». Il convient de rappeler que des dizaines de manifestants «anti-milices», dont certains armés, ont tenté samedi de déloger une brigade du «Bouclier de Libye» de sa caserne, provoquant un affrontement entre les deux groupes qui ont fait usage d'armes. Les protestataires affirment vouloir déloger les «milices» armées de leur ville, appelant les forces régulières à prendre le relais. Les brigades du «Bouclier de Libye», formées d'anciens rebelles ayant combattu le régime de Mouammar El-Gueddafi en 2011, relèvent formellement du ministère de la Défense. Les autorités, qui peinent à former une armée et une police professionnelles, ont régulièrement recours à ces ex-rebelles pour sécuriser les frontières ou s'interposer dans des conflits tribaux. «Bouclier de Libye» est la brigade la plus importante en termes d'armement et d'effectif. Elle est commandée par Wissam Ben Hamid, un ex-rebelle d'une quarantaine d'années, connu pour ses liens étroits avec les islamistes. Dans la nuit de samedi à dimanche, le Premier ministre Ali Zeidan a annoncé que «Bouclier de Libye» avait quitté sa caserne et que l'armée régulière avait pris possession des lieux et des armes lourdes qui s'y trouvaient. Hier, le chef d'état-major a annoncé que les forces régulières allaient prendre possession de quatre sites militaires occupés par «Bouclier de Libye» à Benghazi, selon un porte-parole de l'armée. Cette décision ne devrait pas conduire toutefois à la dissolution de cette brigade. Selon Mohamed al-Maâdani, un universitaire de Benghazi, «l'Etat ne peut pas se passer de ces brigades d'ex-rebelles, sauf dans le cadre d'une stratégie de long terme». La situation sécuritaire n'est pas totalement rétablie en Libye, tant que le gouvernement n'aura pas définitivement mis un terme aux comportements des milices armées qui, en plus de l'important arsenal d'armes d'assaut en leur possession, compteraient quelque 800 blindés.