Michelin quitte l'Algérie. Enfin pas tout à fait. Il arrête sa production, ferme son usine mais ne lâche pas le, trop juteux, marché algérien. Exit l'industrie au profit du commerce. Finalement, Michelin n'est revenu en Algérie en 2002, après son premier départ en 1993, que pour mieux préparer son départ définitif en 2013. Un départ bien organisé et à même de préserver au mieux ses intérêts. Bien préparé car son unité de production de Bachdjarrah a été maintenue en l'état durant les dix années qui se sont écoulées depuis. Pas d'investissement. Aucun programme d'extension ou de modernisation. Rien. Les quelques millions d'euros dépensés en dix ans et dont parle son DG, Igor Zyemit, auront juste permis à l'usine de ne pas s'arrêter avant le moment opportun. Moment qui semble aujourd'hui arrivé. Bien organisé car c'est la première fois qu'un accord d'association débouche sur un arrêt d'activités. En général, lorsque des associés se mettent sur un projet c'est pour lancer une activité et non l'arrêter. Cette fois, Michelin s'est associé avec Cevital pour faire l'économie d'un plan social. Grâce à l'entrée de Cevital dans le capital (67% puis 100% à l'arrêt total de production, trois mois plus tard) de Michelin Algérie, l'employeur change forcément. «Bibendum» peut repartir sans crainte tout en laissant sur le carreau ses 600 travailleurs algériens qui n'auront pour seul choix que de se reconvertir en menuisiers dans l'unité de fenêtres de Cevital située à...Bordj Bou Arréridj. Comme si c'était simple pour des centaines de familles de déménager à des centaines de kilomètres. En contrepartie de ce transfert de «fardeau», Cevital gagnera la commercialisation exclusive des pneus Michelin en Algérie. En clair, les pneus Michelin cesseront d'être produits en Algérie mais seront importés par Cevital pour être revendus en l'état sur le marché local. Ce qui n'est rien d'autre qu'un accord de désindustrialisation au profit du commerce. Le plus curieux est que Cevital sauve des usines à l'étranger (il vient de racheter une usine, de portes et fenêtres, menacée de fermeture en France) et aide à la fermeture de celle qui se trouve en Algérie. Et cela à quelques jours, seulement, d'intervalle. Il est très difficile de croire que Cevital qui doit sa prospérité à l'Algérie ait pu se laisser entraîner dans cet étrange partenariat. Malgré tout, il n'est pas du rôle de Cevital et encore moins de Michelin de défendre l'industrie algérienne. C'est à l'Etat de le faire. Le protectionnisme n'est plus un complexe pour personne. L'Allemagne vient de décider de ne pas suivre la décision de l'Union européenne de taxer les panneaux solaires chinois pour préserver ses exportations en direction de ce pays. La France est sur la même voie pour protéger sa production de vins. Chaque pays trouve la formule pour défendre ses intérêts. L'adhésion à l'OMC n'a jamais empêché un pays de se protéger. Michelin a décidé de partir. Qu'il s'en aille! A charge pour notre gouvernement de ne pas rester les bras croisés. La défense des intérêts du pays et des Algériens relève de ses missions. Des entreprises étrangères présentes en Algérie seraient tentées de suivre l'exemple. Elles sont nombreuses celles qui maintiennent leur niveau de production locale à minima. Juste pour avoir le droit d'importer en grandes quantités les produits de leurs filiales installées à l'étranger. Elles existent. Les moyens de les rappeler à l'ordre aussi. Nous gardons, dans notre histoire, de bien tristes souvenirs de manoeuvres économiques. Quelques tonnes de blé mal négociées ont débouché sur la colonisation du pays. La guerre économique n'est pas une vue de l'esprit. C'est une réalité. Les moyens de défense existent. Il faut stopper les dérives!