Les abeilles, piliers de la pollinisation, disparaissent massivement dans de nombreuses régions du monde «Le livre de Marie-Monique Robin découvre une réalité qui fait mal aux yeux et qui serre le coeur, celle d'une entreprise à l'arrogance bien trempée, surfant avec désinvolture sur la douleur des victimes et la destruction des écosystèmes.» Nicolas Hulot préface du livre «Le Monde selon Monsanto» Un débat récurrent dans le droit fil de l'agroalimentaire et des moyens d'augmenter les rendements rend incontournable l'appel aux engrais et, mieux encore, aux organes génétiquement modifiés que sont les OGM du maïs du blé du coton... Qu'en est-il exactement? Sommes-nous ingrats vers ses sauveurs d'un monde qui aura de plus en plus faim ou est-ce dangereux d'introduire sans beaucoup de recul ces variétés au lieu et place de semences qui ont mis des millénaires à s'établir, certes avec des problèmes notamment de sécheresses, de microbes ou de virus qui affectent dangereusement les récoltes. Il est vrai aussi que les firmes qui s'occupent des OGM (nouvelles semences) et même celles qui proposent des agents chimiques de lutte promettent le paradis, mais ne nous disent rien sur l'addiction voulue ou forcée de ceux qui mettent le doigt dans l'engrenage de la dépendance. Dans ce combat de géants des multinationales BASF, Bayer, Monsanto se détache. Le Monde selon Monsanto C'est le titre d'un documentaire et d'un ouvrage réalisé par Marie Monique Robin. L'auteur démonte avec brio toute la mécanique de Monsanto et son emprise sur le monde. Elle prend quelques exemples et décrit la stratégie de l'entreprise qui fait l'objet d'enquêtes et d'actions en justice concernant à la fois les produits chimiques ou issus du génie génétique qu'elle met sur le marché et ses méthodes de lobbying. Elle est accusée de promouvoir des produits nocifs pour la santé et l'écosystème et de falsifier les résultats d'enquêtes scientifiques. L'auteure nous rappelle le passé de Monsanto et son implication dans la guerre du Vietnam en fournissant un défoliant: «Concernant l'agent orange herbicide et défoliant utilisé par l'armée américaine pendant la guerre du Viêt Nam, qui s'est révélé être cancérigène, Monsanto s'est vue intenter des procès par des vétérans américains et sud-coréens ainsi que par une association de victimes vietnamienne, dont certains ont abouti à une condamnation de la société. Tout le monde a en mémoire les dangers du PCB fabriqué par Monsanto: «En 1966, l'étude du Suédois Soren Jensen montre que le PCB est responsable de problèmes environnementaux majeurs en Europe du Nord à cause de sa capacité à s'accumuler tout au long de la chaîne alimentaire (...)» (1) De son côté, forte de son bon droit, Monsanto attaque des fermiers qui réutilisent ses OGM sans sa permission: «Du milieu des années 1990 à 2004, Monsanto avait poursuivi, en Amérique du Nord, 147 agriculteurs et 39 entreprises agricoles pour violation de brevet en relation avec des OGM. La majorité de ces procès concerne l'utilisation d'une partie de la récolte comme semence pour l'année suivante. Cette pratique est possible avec le soja qui s'autoféconde. Selon un rapport du Center for good safety, quelques cas concernent des cultures de plantes qui auraient été, d'après les agriculteurs concernés, contaminées par dissémination. Le plus célèbre est Monsanto contre Percy Schmeiser qui a été condamné une fois la démonstration faite qu'il avait volontairement récolté sur une petite surface en bordure de route, traité et semé sur l'ensemble de son exploitation des graines qu'il savait OGM.»(1) La liste des méfaits est longue La charité bien ordonnée doit donner selon Monsanto à un retour sur investissement: «Suite au tremblement de terre du 12 janvier 2010 à Haïti, Monsanto a annoncé qu'il allait donner gratuitement 475 tonnes de semences aux paysans haïtiens (...). Un économiste haïtien a déclaré que «les paysans haïtiens ont traditionnellement la capacité de produire et de reproduire leur propre semence, organique et locale, à destination de leur famille et du marché de proximité. Monsanto veut intégrer les agriculteurs sur un marché qu'ils ne contrôlent pas en matière de qualité de semence et de prix [et] faire du paysan haïtien un assisté plutôt qu'un producteur.»(1) Enfin, une clause diabolique problématise l'avenir des agriculteurs utilisant les semences Monsanto: «Le soja transgénique rendu tolérant à l'herbicide RoundUp de Monsanto, dit soja SRR est légalement commercialisé depuis 2004 au Brésil. Depuis cette date, Monsanto a déterminé les règles de production des semences SRR. Les agriculteurs produisant les semences ont des contrats exclusifs sur une variété bien précise avec un distributeur unique et ont donc l'obligation de vendre la totalité de leur production à ce même distributeur Il s'agit en effet d'un contrat de licence que les distributeurs fixent avec Monsanto. Ces distributeurs, souvent des filiales de Monsanto, fournissent les semences OGM, les engrais et les pesticides de la maison mère. Monsanto récupère ensuite des royalties, à l'achat des semences puis lors «d'un droit de commercialisation» lors du stockage etc... correspondant à 15% de la valeur des grains (1) «Avec le Monsanto Act, écrit Olivier Berlanda le géant de l'agroalimentaire américain vient encore de franchir une étape dans la domination mondiale et la monopolisation agricole. Le savoir-faire de centaines de générations de cultivateurs sera demain effacé avec l'aide des gouvernements européens et nord-américains au profit d'un géant vert qui n'a rien d'amical. Chronique d'une inéluctable fin d'un monde: la mort programmée des paysans par une firme qui a sans doute le plus lourd pédigrée en matière de nocivité. (...) L'amendement dit «Monsanto protection Act» à la loi américaine (Plant Protection Act) précise que «sur simple demande d'un cultivateur, exploitant ou producteur, le ministère de l'Agriculture doit accorder une autorisation, ou une dérogation, même si l'autorisation a été précédemment annulée ou invalidée». (...) Monsanto devient en quelque sorte une exception à la règle universelle faisant du pouvoir judiciaire le garant de l'ordre public.» (2) Dans les années 1980: «On retrouve Monsanto dans ce qui se fait de pire: l'hormone de croissance bovine, les PCB hautement cancérigènes (désormais interdits), les insecticides et herbicides dont le tristement célèbre «Round-up» accusé entre autres d'être la cause de la mort de 60% des abeilles aux USA, mais aussi en Europe; ce phénomène particulièrement alarmant remet en cause tout simplement le rôle primordial des abeilles dans l'agriculture.Le coup le plus réussi de cette firme est sans doute, pour l'instant, la céréale «round up Ready» savant mélange d'une plante génétiquement modifiée pour résister à l'herbicide total «round up «aussi commercialisé par Monsanto qui fait un coup de maître en vendant non seulement le poison mais également son antidote. Toutes les plantes sont détruites par Monsanto, sauf celles commercialisées par Monsanto. Le résultat est le suivant; le maïs OGM fut suivi par le colza, le soja et même le coton «round up ready» qui dominent actuellement le marché étasunien, mais s'attaquent également aux pays émergents (...)La mort des paysans, comme la disparition des abeilles, préfigurera l'ère du génétiquement manipulé: du précuit, du prémâché, du prédigéré, du précancéreux. Bref, le goût du cadavre dans la bouche»(2). La diplomatie au service des OGM C'est par ce titre que Christian Noisette nous décrit comment les diplomates américains jouent le rôle de facilitateurs pour imposer les multinationales américaines dans le marché des multinationales de l'agroalimentaire. Nous lisons: «En 2010, quand ont été publiés, sur le site WikiLeaks, des milliers de «câbles» étasuniens, la diplomatie de ce pays s'est révélée être au service des industries nationales et notamment de la promotion des plantes génétiquement modifiées (PGM). Inf'OGM écrivait alors: «Au Vatican, à Madrid, à Paris, mais aussi à Rome, au Caire, etc., les ambassades des Etats-Unis cherchent à imposer les PGM: c'est ce que nous confirment les dernières fuites obtenues par WikiLeaks». Ce rôle de lobbyiste qu'a endossé le département d'Etat étasunien vient, à nouveau, d'être confirmé par une étude approfondie menée par l'ONG Food and Water Watch. Cette dernière a en effet sélectionné les 926 câbles diplomatiques destinés à quelques 113 pays entre 2005 et 2009 qui contenaient le mot «biotech» ou «GMO.»(3) L'auteur détaille ensuite quelques méthodes qui ont fait leur preuve quant à imposer d'une façon soft les PGM américains: «La diplomatie s'est aussi immiscée dans les colloques en les organisant, les finançant, ou en plaçant comme intervenants ses experts. (...)Une autre technique, connue elle aussi depuis des lustres: les voyages d'affaire «tous frais payés (...) D'autres câbles montrent que les Etats-Unis agissent pour éviter que des pays rendent obligatoire l'étiquetage des produits contenant des OGM.(3) La destruction des abeilles:une conséquence tragique de la manipulation génétique. Depuis l'Antiquité, l'Homme écrit Christian Magdelaine, a domestiqué les abeilles pour en récolter le précieux miel, mais depuis quelques années, les sources de dégradation de leur environnement et les atteintes à leur santé sont telles qu'il pourrait s'agir d'une combinaison de facteurs qui surpassent la capacité de résistance des abeilles. Dans un article du journal Le Monde du 29 août, M.Neumann, explique ainsi: «On peut supporter séparément une maladie, une mauvaise alimentation, un empoisonnement aux pesticides, mais quand tous les facteurs se conjuguent, il arrive un moment où la limite de résistance est atteinte». Or l'abeille est un excellent témoin de la qualité de l'environnement dans lequel elle évolue... Les abeilles, piliers de la pollinisation et donc de la présence des fleurs, fruits et légumes disparaissent massivement dans de nombreuses régions du monde (...) Le «syndrome d'effondrement des colonies» («colony collapse disorder» ou CCD) était né. (...) Une étude de fin mars 2012 de l'Inra poursuit Christian Magdelaine, a démontré que, même à une dose non létale, les abeilles sont mortellement désorientées par cet insecticide.» (4) La destruction des abeilles est devenue une source potentielle de conflit au point que la Russie a protesté vigoureusement auprès de l'Administration américaine contre les agissements de ses multinationales. Nous lisons: «Au centre de cette dispute entre la Russie et les USA, annonce ce rapport du Mrne, sont les «preuves incontestées» qu'une gamme d'insecticides neuro-actifs liés à la nicotine, connue sous le nom de néo-nicotinoïdes, détruisent la population d'abeilles de notre planète, ce qui, laissé en l'état, pourrait anéantir la capacité de notre monde à faire pousser assez de nourriture pour nourrir ses populations. Cette situation est devenue si sérieuse, rapporte le Mrne, que la Commission européenne dans son ensemble a institué une interdiction de précaution de deux ans (devant commencer le 1er décembre 2013) sur l'usage de ces pesticides «tueurs d'abeilles«(...) Il est important de noter, dit ce rapport, que Syngenta, avec les géants de la bio-tech Monsanto, Bayer, Dow et DuPont contrôlent maintenant presque 100% du marché global de pesticides et de semences et plantes génétiquement modifiées. Relevable également à propos de Syngenta, poursuit le rapport, en 2012 (...) «Un seul grain de maïs enduit d'un néo-nicotinoïde peut tuer un passereau,» (..) «L'Union Européenne a voté une interdiction de deux ans de l'usage d'une classe de pesticides, associée avec la disparition des abeilles. Le rapport du gouvernement US, par contre, trouva des causes multiples à la disparition des abeilles mellifères.» (5) Le fipronil, matière active du pesticide Régent de BASF, présente «un risque aigu élevé» pour la survie des abeilles lorsqu'il est utilisé en tant que traitement des semences de maïs, prévient l'autorité européenne pour la sécurité des aliments. (...) L'Autorité européenne pour la sécurité des aliments (Efsa) a rendu lundi 27 mai un avis dénonçant le risque «aigu élevé» du fipronil pour la survie des abeilles.(6) Pour ajouter à l'impunité des géants de l'agroalimentaire, une étude du professeur Gilles eric Seralini a montré la dangerosité à long terme des pesticides. Nous l'écoutons: «En partant du postulat que plus un principe est actif, plus il peut avoir des effets secondaires, il est impossible d'avoir un gros impact sur une cellule, sans avoir d'effets secondaires». Ainsi, cent mille mesures ont été testées sur les rats, via des pesticides dilués tel qu'ils le sont dans l'eau du robinet. C'est comme si nous mesurions l'impact de l'eau du robinet sur l'organisme d'une personne qui en a bu toute sa vie» explique le chercheur. Les résultats sont alarmants: après deux années d'expérience, seulement quatre-vingt-dix rats sur deux cents ont survécu.(...)»(7). Les OGM alliés de la FAO contre la famine Il semble cependant que les OGM ont permis et permettent nous dit-on de sauver des millions de vies humaines de la famine, comme c'est le cas en Inde et en Afrique. Ainsi, la carence en vitamine A affecte, d'après l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) entre 100 et 200 millions d'enfants. Cette carence est responsable de graves troubles oculaires, de cécité infantile et du décès de plus d'un million d'enfants chaque année. C'est pourquoi des chercheurs ont travaillé sur l'enrichissement en vitamine A, (ou en précurseurs de vitamine A) de composants de base de certains régimes alimentaires. C'est le cas d'un riz transgénique appelé «riz doré». Par l'introduction de trois gènes dans du riz, des chercheurs allemands ont réussi à restaurer une voie de biosynthèse du bêta-carotène.Une fois assimilé, le corps humain transforme le bêta-carotène en vitamine A. (8) À divers degrés, l'invasion des transgéniques et l'adoption de lois sur les semences et la propriété intellectuelle renforçant le contrôle des entreprises sur l'agriculture se répandent dans l'ensemble du continent Il est clair que ces produits chimiques ont le potentiel d'affecter des chaînes alimentaires entières. La persistance dans l'environnement des néo-nicotinoïdes, leur propension au ruissellement et à l'infiltration dans les eaux souterraines, et leur mode d'action cumulatif et grandement irréversible chez les invertébrés soulèvent des inquiétudes écologiques sérieuses. A vouloir jouer les apprentis sorciers l'éthique en prend un coup. Mais que reste t-il de cette dernière dans un monde où le laminoir de la prédation fait fi du patrimoine génétique de la faune et de la flore de l'humanité pour le plus grand bien de ces mercenaires du vivant et pour le plus grand malheur du monde. 1.Le Monde selon Monsanto Encyclopédie Wikipédia 2.http://www.legrandsoir.info/monsanto-massacre-a-la-moissonneuse.html 3. http://www.mondialisation.ca/etats-unis-la-diplomatie-au-service-des-ogm/53359582105 4.C.Magdelainehttp://www.notreplanete.info/actualites/actu_1312_abeilles_disparition.php 5. Will Summer La Russie avertit Obama: une guerre globale sur la disparition des abeilles menace Mediapart 15 mai 2013 6. Thomas Stüberhttp://www.actu-environnement.com/ae/news/avis-efsa-pesticide-fipronil-abeilles-regent-basf-18611.php4#xtor=EPR-128 mai 2013 7.http://lesmoutonsenrages.fr/2013/05/26/gilles-eric-seralini-les-compositions-des-pesticides-sont-secretes-cest-une-honte-scientifique/ 8.http://www.ogm.org/OGM%20et.../OGM%20et%20pays%20en%20voie%20de%20d%C3%A9veloppement/la-production-de-vitamine-a-par-du-riz-transgenique.html