Des dizaines de milliers de partisans de Mohamed Morsi se sont rassemblés vendredi en Egypte pour réclamer le retour du président islamiste déchu, après une mise en garde de l'armée affirmant qu'elle était prête à intervenir en cas de violences. Des cortèges partis de dix-huit mosquées du Caire à l'appel des Frères musulmans ont convergé dans l'après-midi vers deux sites que les islamistes occupent depuis près de trois semaines: la mosquée Rabaa al-Adawiya dans un faubourg de la capitale, et les abords de l'Université du Caire, plus proche du centre-ville. A Rabaa al-Adawiya, la foule brandissait de pancartes sur lesquelles on pouvait lire « où est passé mon vote? », en référence au scrutin qui avait porté M. Morsi au pouvoir en juin 2012, première élection présidentielle démocratique en Egypte. «Je suis sûr que Morsi va revenir comme président, si Dieu le veut. Le peuple aura le dernier moté, affirmait Mohammed, un manifestant de 45 ans. Cette journée intitulée « briser le coup d'Etat » , allusion à la destitution de M. Morsi par l'armée le 3 juillet, « restera une date importante dans l'histoire du pays », prédisait Farid Ismaïl, un responsable des Frères musulmans. Une partie des manifestants s'est dirigée vers le ministère de la Défense et le quartier général de la Garde républicaine, situés dans les environs de la mosquée, mais ont été empêchés d'y accéder par des barrages de l'armée. Le 8 juillet une cinquantaine de personnes avaient été tuées devant le siège de la Garde. Des avions de chasse et des hélicoptères militaires ont survolé la ville dans l'après-midi. Des manifestations islamistes ont également eu lieu en province, à al-Arich (nord Sinaï), Marsa Matrouh (nord-ouest) Beni Sueif et Minya (Moyenne Egypte), selon la télévision publique. Des rassemblements des adversaires de M. Morsi sont également annoncés sur la place Tahrir et près du palais présidentiel dans la soirée, faisant craindre de possibles heurts entre les deux camps. La mobilisation des anti-Morsi, dont l'objectif de chasser le président a été atteint, a toutefois été moins forte que celle des islamistes ces derniers jours. « Quiconque a recours à la violence dans les manifestations de vendredi mettra sa vie en danger », a averti de son côté l'armée dans un communiqué diffusé dès jeudi, qui précise que l'appel s'adresse aux « divers groupes politiques ». Le président par intérim Adly Mansour a prévenu quant à lui jeudi à la télévision qu'il mènerait « la bataille pour la sécurité jusqu'au bout » face à la volonté des islamistes de continuer à mobiliser dans la rue. Les violences depuis le renversement de M. Morsi ont fait plus d'une centaine de morts. « Nous sommes à un moment décisif de l'histoire de l'Egypte », a ajouté M. Mansour, en accusant « certains » de vouloir « entraîner dans l'inconnu » le pays le plus peuplé du monde arabe (84 millions d'habitants). Le président par intérim, magistrat de profession, a été désigné par l'armée après la destitution par les militaires de M. Morsi, cible de manifestations de grande ampleur réclamant son départ. Alors que M. Morsi est toujours détenu par l'armée et qu'une vague d'arrestations a eu lieu parmi les membres des Frères musulmans, la confrérie a refusé toute négociation avec M. Mansour et affirmé qu'elle poursuivrait ses rassemblements, pour réclamer le retour de l'ancien président. Outre ces manifestations à risques, le pouvoir est confronté à une nette détérioration de la sécurité dans la péninsule du Sinaï, dans l'est du pays, où sont implantés des groupes islamistes radicaux. Les attaques contre la police et l'armée mais aussi des civils se sont multipliées depuis le 3 juillet dans cette région, où l'armée a renforcé sa présence.