Quelle sera la réaction du ministère de la Culture? «On est en train d'enterrer le Ballet national et nous, on assiste les bras croisés. On ne veut pas qu'il soit enterré» déclare Mme Khadija Choukrouni. Rien ne va plus au sein du Ballet national. On savait cette institution de danse, boîteuse et en déliquescence puisque d'aucuns ne gardent en mémoire d'elle que cette fameuse Farha ouzahaoua qui a fait les belles années de nos danses traditionnelles outremer, mais après ça qu'en reste-t-il réellement? Quasiment rien, si ce n'est un Festival de la danse contemporaine qui peine à prendre son envol en se professionnalisant et en sortant du bricolage. Surtout lorsqu'on confond danse traditionnelle, moderne, folklorique avec la contemporaine. Mais ceci est une autre histoire. Nous savions donc que la danse n'est pas trop le point fort des arts en Algérie, mais la goutte qui fait déborder le vase et nous conforte dans notre impression de ce marasme dont fait l'objet ce ballet, illustré par ce scandale qui vient de le frapper de plein fouet. En effet, la semaine dernière, nous recevions à notre rédaction, un chorégraphe algérien appelé Slimane Habbès, ayant déjà fait ses preuves dans ce domaine. Ce dernier était accompagné de quatre autres personnes ayant déjà travaillé au sein du Ballet national, tous ayant subi, d'après leurs dires, des abus de pouvoir et des renvois illégaux et arbitraires, et se plaignaient ainsi de la mauvaise gestion de cet établissement géré, depuis l'installation, il y a 10 mois, par Mme Namous. D'abord commençons par Slimane Habbès, sollicité il y a quelques mois par Mme Namous pour assurer la chorégraphie d'un spectacle, Algérie ma liberté. Au bout de cinq mois de travail, alors que le spectacle est finalisé à 80% et ne restait que le montage- Il devait être fin prêt pour le 4 juillet en cours. Mme Namous a décidé de rompre le contrat qui la liait à M.Habbès. Celui-ci explique: «Elle a décidé de tout bloquer sous prétexte que j'avais démissionné du projet alors que ce n'est pas vrai. Elle a décidé de mettre fin à notre relation professionnelle.». Outré, M.Habbès veut être indemnisé et rémunéré pour la seconde tranche restante, soit 30% sur le cachet global de trois millions de dinars. Il fait remarquer aussi avoir entrepris le travail alors qu'en arrivant au ballet, il n'y avait «ni texte, ni canevas, ni scénario, ni rien». et d'estimer: «Elle nous a écarté pour accaparer le projet.» Evoquant la thématique du spectacle, Slimane Habbès nous tend à voir un texte de quelques lignes. «On lui a dit c'est impossible de monter un spectacle sur ça. Il a fallu trois mois pour le réécrire scéniquement. Et quand elle a vu qu'il était prêt et qu'il ne restait que le montage, le filage et la générale, elle nous a mis de côté pour faire de la récupération et que ça devienne son spectacle. J'ai fait tout le travail. J'ai des témoins qui ont assisté, c'est ma réalisation. Elle m'a renvoyé sans aucune mesure préalable ou préavis. Pareil pour ma femme qui a été recrutée en tant que danseuse de ballet», martèle le chorégraphe qui, sceptique quant aux compétences de cette directrice, demande à voir son CV. «Qu'a-t-elle fait pendant cette bonne trentaine d'années. Elle était où? On ne la voyait pas. Elle a montré ses limites dans le domaine artistique. Elle n'a jamais écrit son nom dans ce domaine, là. Je peux le certifier. Sur le volet administratif, il n'y a eu que des décisions arbitraires. Il y a des gens qui ont été renvoyés sur prétexte qu'ils ont déposé leur démission alors que ce n'est pas vrai. Cela fait dix mois qu'elle est directrice. Elle prétend avoir à son actif 20 productions depuis sa nomination à la tête du ballet. Lesquelles? Réalisées comment? Chaque deux mois ou chaque semaine? Il y a quand même des lois, des règlements... Elle affirme qu'elle est intouchable, qu'elle est la première et la dernière responsable. Ce n'est pas possible de revenir après une trentaine d'années vers la danse. Je la défie. C'est à peine si elle arrive à gérer le ballet avec l'administrateur qui m'a menacé. Comment peut-on renvoyer une personne sans motif?», se demande, interloqué, notre vis-à-vis. Et Naïmi Nouider conseiller artistique sur Algérie ma liberté de corroborer les dires de Slimane Habbès: «A la base, Slimane Habbès a été appelé pour ses capacités car il a fait ses preuves ailleurs en dehors du ballet. Il a été appelé pour aider cette dernière qui est responsable pour monter un spectacle. Dans son contrat il est stipulé qu'il en est le chorégraphe. Donc c'est reconnu par écrit. Quand je lis autre chose dans les journaux cela laisse confirmer que cette femme veut faire de la récupération sur ce spectacle. Notons que Slimane Habbès ne fait pas partie du ballet. Mais à l'intérieur même du ballet rien ne va lui non plus. Il faut que le ministère de la Culture, la tutelle donc intervienne pour régler tout ça. Il faut lancer un appel pour faire une enquête et trancher. «C'est la deuxième fois qu'elle accapare un projet. C'est un deuxième vol...», nous indique-t-on. Et Khadija Choukrouni, artiste répétitrice au ballet de dénoncer, pour sa part, sa mise à la retraite et les humiliations dont elle a moult fois fait l'objet et ce, même devant ses collègues au sein du ballet. «Elle m'a chassée, elle a trouvé le prétexte de me mettre à la retraite avec 28.000 DA. Elle a commencé par m'humilier devant les autres et a fini par m'écarter» et d'ajouter dépitée: «On est en train d'enterrer le Ballet national et nous, on assiste les bras croisés. On ne veut pas qu'il soit enterré. Le ballet a fait beaucoup pour l'Algérie. Il est en train de sombrer. Avec l'arrivée de cette directrice, il est mort. Elle a accaparé les prérogatives de tout le monde. Elle est directrice, chef du département artistique, chorégraphe, répétitive, maître de ballet.. Elle a écarté toutes les compétences qui ont reçu une formation académique, formées par des maîtres de danse étrangers. Elle a accaparé toutes les tâches. Elle a obligé des gens à venir sans rien faire et partir. Elle nous a interdit l'accès à l'Ismas.» Que va faire la tutelle suite à ces plaintes? Rien ne va plus dans le secteur des arts de la scène en Algérie. Avec ce fâcheux scandale éclaboussant encore son image, le ballet en prend réellement pour son grade. Là, on touche réellement le fond..