Il n'est un secret pour personne que le domaine culturel est loin de constituer la préoccupation principale de nos politiques. L'Année de l'Algérie en France est l'occasion rêvée, un «prétexte» pour remettre les arts en scène. Dire que le métier des arts est moribond serait un euphémisme. Il ne faut pas être un «devin» pour reconnaître, par conséquent, que le secteur de la danse est «sinistré». Car, hormis le Ballet national algérien, quelles sont les autres compagnies de danse qui activent réellement et au sens plein du terme, sur la scène algérienne, actuellement? Quelqu'un peut-il nous citer le nom d'un célèbre danseur ou d'une célèbre danseuse connue sur le terrain? Il y a Messaouda Idami, de l'association Expression d'Algérie et tous les autres qui travaillent dans l'ombre, où sont-ils? Combien sont ces jeunes talents qui sont prêts à exploser pour montrer ce qu'ils sont capables de faire en matière d'expression corporelle et d'exprimer, avec leurs tripes, leur émotion et leur sens de la créativité? Beaucoup d'anciens chorégraphes se sont vu découragés et ont préféré l'exil, partir ailleurs pour «se réaliser» sous d'autres cieux. Cependant, nombreux sont ceux qui n'ont pas eu cette chance. Sans aide concrète ni subventions de l'Etat, ils renoncent la mort dans l'âme, à faire aboutir leurs projets et laissent tomber leur passion professionnelle. Et la relève, où est-elle dans ce cas? Il existe, par ailleurs, «une force agissante», un véritable potentiel créatif qui évolue seul, en dehors des structures, et sans mécanisme de soutien, ni réseau de diffusion digne de ce nom - ce qui fait cruellement défaut en Algérie -. Des artistes continuent, ré mal gré, à créer en bravant tous les obstacles, rencontrés quotidiennement. Ils persistent dans une volonté admirable de produire, à former inlassablement afin de susciter l'étonnement et la réflexion. Il n'y a qu'à voir ces groupes de hip hop ou de danse urbaine qui «s'éclatent» à monter des spectacles, à constater leur enthousiasme et à ressentir surtout leur plaisir à se produire devant un public... Tout cela, c'est bien beau, mais si cette volonté n'est pas entretenue, soutenue même, perdurera-t-elle avec le temps? Jusqu'à quand? Force est de constater, en outre, que le niveau de la danse contemporaine en Algérie est bien faible. Faut-il l'avouer. Il est donc nécessaire et même plus qu'urgent de réhabiliter ce secteur par le redéploiement d'une réelle activité en ce sens. Il existe, par ailleurs, non pas une seule, mais plusieurs formes de danse. A chacun de choisir sa voie. A cet effet, une journée portes ouvertes sur la danse contemporaine a été organisée, mardi après-midi, au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, histoire de nous instruire sur le processus de «fabrication» d'un spectacle ou comment le chorégraphe guide ses danseurs, les amène à exprimer leurs sentiments et dire qui ils sont vraiment par le biais de l'expression corporelle, à dévoiler en fait, leur force intérieure... Pour le directeur général du TNA, M.Ziani Cherif Ayad, un homme de théâtre: «Nous n'avons jamais parlé de la danse en tant que création à part entière, mais plutôt fait dans la rétrospective des danses populaires et ce, depuis l'indépendance...» Il est l'heure donc aujourd'hui, d'avoir une nouvelle approche de la danse et d'y apposer un nouveau regard, plus ancré dans l'ère du progrès... d'où l'intitulé, justement, de la séance de mardi: «L'autre danse». Et l'année de l'Algérie, en France, qui se tiendra en l'an 2003, «n'est qu'un prétexte», comme l'a bien souligné M.Ziani Cherif Ayad, pour remettre «les arts en scène». Il s'agit de faire fructifier l'impact de l'année pour apporter à long terme aide et soutien aux créateurs, institutions et autres associations culturelles. C'est ce que vise le comité organisationnel de l'Année de l'Algérie en France. Il s'agit d'insuffler vie à notre culture et participer à son épanouissement. Ont pris part à cette séance, trois chorégraphes algériens qui nous ont proposé quelques extraits de leurs spectacles, en «avant-goût du futur de notre danse». Le 1er spectacle regroupant une douzaine d'éléments, Adel, Riad, Fayçal, Raïeddine, Antar, Khalil, Salim, Madani... a été assuré par le chorégraphe et professeur à l'Inad, Kaddour Nourreddine, qui a présenté son oeuvre «Ouled El-Djazaïr» sur sa chorégraphie et sa mise en scène en collaboration avec Dahmani Smaïl et assisté par Riad Beroual. Le texte est signé Brahim Chergui. Un peu à la manière de West Side Story, Kaddour a mis en scène la rébellion d'une bande de jeunes gens qui en ont assez de souffrir, en subissant le diktat des autres sans broncher. Leur révolte est exprimée par la danse urbaine (smurf, break...). De la rage qui se transforme en rébellion. Le rythme effréné de la musique qui pénétrait le corps des danseurs, les amène, petit à petit, à prendre conscience de leur condition d'être et les pousser à affirmer leur existence... «Pour ailes» est le second spectacle assuré par le chorégraphe Slimane Habess. Décliné à travers deux pièces (Regard et Poème), sa représentation se fera par l'entremise des danseuses Khadidja Guemiri, Yasmine Sabaou et Samah Smida avec la participation de Sabrina Habess. La musique, quant à elle, est assurée par Tarek Chebli. Ce spectacle est un hommage que le chorégraphe a voulu rendre à la femme algérienne. A cette femme qui sait concilier tradition et modernité... Une création avant-gardiste fortement ovationnée. La dernière réalisation chorégraphique est celle de Nacéra Belaza qui a eu l'occasion, le 7 novembre dernier, de montrer au public ses deux spectacles: Le sommeil rouge et Le feu. Sa création entre dans le cadre d'un travail réalisé en compagnie de jeunes danseurs et chorégraphes algériens (ballet de l'établissement Arts et culture). Elle présentera un extrait de son oeuvre «Paris-Alger» (titre provisoire) exécutée par les danseurs Dalila Belaza (sa soeur), Mokhtar Boussouf, Farès Fettane, Lamine Drici et Farid Haouche. Hormis le rapport au silence et à l'obscurité... qu'on lui reconnaît et cette volonté de développer la spiritualité du corps, «il est question, dans ce spectacle, nous dit Nacéra, d'exposer sa fragilité, ce que beaucoup craignent de faire...» et d'ajouter: «J'ai envie d'attendrir la chair pour que la sérénité y pénètre.» D'autres créations seront mises en chantier incessamment. Une semaine de la danse sera organisée fin avril-début mai, nous apprend-on. On pourra ainsi découvrir d'autres compagnies de danse qui promettent. Le département théâtre et danse profitera de l'occasion pour inviter le plus grand nombre de professionnels français dans les deux disciplines.