Le jeu au poker menteur se poursuit entre Abbas et Netanyahu «Un diplomate palestinien parlant des négociations avec Israël compare ces ́ ́négociations ́ ́ de la terre palestinienne au partage d'une pizza. Israël veut qu'on négocie avec elle tout en mangeant pendant ce temps... la pizza» Un conflit oublié qui refait surface au moment où on s'attend le moins. Les Etats-Unis ont pu convaincre Israéliens et Palestiniens de revenir à la table des négociations. Pour négocier quoi? Sur quelles bases? Est-ce en fonction des multiples résolutions pertinentes des Nations unies depuis plus de 60 ans? Il semble que non, que rien n'est acquis et qu'en fait on discutera de la nécessité de prendre en compte la réalité du terrain. On dit que le leader palestinien n'aurait accepté qu'à la condition que la colonisation s'arrête acceptant implicitement le fait accompli qui a vu s'installer près de 500.000 colons dans les territoires occupés. Il n'empêche! A grands renforts de publicité, de caméras, de crépitements de flash et comme pour Annapolis, pratiquement à la même période, la communauté internationale se met à espérer. On lit sur le Journal Le Monde: «Des pourparlers directs israélo-palestiniens ont repris symboliquement, lundi soir, à Washington autour du repas de rupture du jeûne du Ramadhan, l'iftar, offert par M.Kerry. Les Etats-Unis ont exhorté les deux parties à négocier de ́ ́bonne foi ́ ́ afin de trouver un ́ ́compromis raisonnable ́ ́. M.Erakat a salué les efforts du patron de la diplomatie américaine ́ ́Je suis ravi que toutes les questions soient sur la table [...]. Il est temps pour les Palestiniens d'avoir leur propre Etat souverain ́ ́, a encore dit le dirigeant palestinien. Et Mme Livni s'est elle aussi montrée plutôt optimiste. ́ ́Je crois que l'histoire ne se fait pas par les cyniques. Elle se fait grâce aux réalistes qui n'ont pas peur de rêver ́ ́, a lancé la ministre. Les Etats-Unis, la Russie, l'Union européenne et les Nations unies ont appelé ensemble Israéliens et Palestiniens à ne pas faire échouer les pourparlers.»(1) Le Monde revient sur la position de Israël: «Mais pour le gouvernement israélien, il est exclu de revenir à la ́ ́ligne verte ́ ́ des frontières de 1967, tout comme il est politiquement difficile de mettre un terme à la colonisation. Soit deux points qui étaient des conditions sine qua none pour l'Autorité palestinienne. Comme l'indiquait Le Monde, samedi, les Américains auraient offert la garantie que les discussions se feraient sur la base des frontières de 1967. Tout comme ils auraient fait accepter à Israël un ́ ́gel silencieux ́ ́ de la colonisation, à l'exception de certaines zones existantes. Selon l'agence AP, les Palestiniens auraient pour leur part admis que certaines des colonies construites depuis 1967 au-delà de la ligne verte puissent être acquises à Israël en cas d'accord.»(1) Le rendez-vous est pris pour dans deux semaines entre les négociateurs israéliens et palestiniens, et cette fois au Proche-Orient. Les deux camps ́ ́se rencontreront en Israël ou dans les territoires palestiniens pour des négociations formelles ́ ́, avec pour ́ ́objectif ́ ́ de trouver ́ ́un accord final au cours des neuf prochains mois ́ ́, a déclaré le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, mardi 30 juillet Pour mener à bien ces négociations, John Kerry a annoncé lundi la nomination de l'ancien ambassadeur en Israël, Martin Indyk comme émissaire spécial. Pour rappel, à l'époque, Martin Indyk ne semblait pas plus croire à la paix aujourd'hui qu'hier... «Interrogé en Janvier 2012 par Ido Benbaji de la radio de l'armée israélienne pour savoir s'il était optimiste quant aux négociations, Indyk a dit qu'il n'était pas «particulièrement optimiste, car je pense que le coeur de la question est que le maximum de concessions que le gouvernement d'Israël serait prêt à faire est bien en deçà des exigences minimales d'un Etat palestinien selon Abou Mazen.» En gros, il sait que les négociations vont dans le mur - mais on ne refuse pas un coup de projecteur qui donne toujours plus d'envergure à l'international et un bon gros chèque...»(2) La triste et complexe réalité du terrain Pour le professeur Ilan Pappé, de l'Université de Tel-Aviv, les négociations israélo-palestiniennes ne sont qu'une gesticulation destinée à occuper le temps en empêchant toute initiative palestinienne. Elles ne conduiront nulle part, d'autant que l'opinion publique israélienne a perdu tout contact avec la réalité et ignore désormais la question palestinienne. Nous l'écoutons: «Je ne crois absolument pas que cette nouvelle tentative nous amène quelque part, tout comme les précédentes, depuis les accords d'Oslo (1983). Parce qu'elle part des mêmes bases selon lesquelles il vaut mieux avoir un processus de paix que ne pas en avoir. Même si ce processus ne produira rien. C'est pourquoi il n'y a aucune impulsion réelle de la part des Israéliens et des Etats-uniens à faire davantage pour arriver à des résultats concrets.Aucune nouveauté, du fait aussi qu'il n'y a aucune modification de la base dudit «consensus» qui unit les Israéliens quand ils parlent de la Cisjordanie et de la bande de Ghaza». (3) Le professeur Illan Pappé pense que c'est la pression européenne avec les sanctions d'interdiction d'importation des produits des territoires occupés qui auraient fait plier Israël: «Ces pressions aussi ont convaincu Benjamin Netanyahu qu'il vaut mieux lancer quelque forme de dialogue avec les Palestiniens, pour empêcher que soient adoptées des sanctions contre Israël et ses colonies. Le paradigme est toujours le même, il n'a pas changé et ne changera pas. Et il n'y a aucune raison de penser que ces négociations, en admettant qu'elles se développent dans les semaines qui viennent, puissent amener à quelque solution.»(3) A une question sur le fait que les Palestiniens seraient tentés de s'adresser aux Nations unies, le professeur déclare: «Israéliens et Etasuniens veulent développer ce que j'appelle le «Plan A» et empêcher qu'on ne réalise un «Plan B». Le «Plan A» prévoit que les entretiens avec les Palestiniens avancent avec un Israël maître de la situation dans les Territoires occupés et libre d'étendre ses colonies, et l'Autorité palestinienne d'Abu Mazen engagée à empêcher le développement de toute forme de résistance, pas seulement armée, à l'occupation militaire. Le «Plan B» par contre est celui où les Palestiniens s'adressent aux autorités internationales pour obtenir la réalisation de leurs droits et demandent que soient sanctionnés l'occupation et les crimes qu'elle commet. Le «Plan B» inclut une Europe plus consciente des droits des Palestiniens, et, peut-être, une nouvelle révolte populaire palestinienne contre l'oppression. Pour empêcher que démarre le «Plan B», Washington et Tel-Aviv relanceront toujours le «processus de paix», c'est-à-dire le «Plan A», qui est celui du dialogue pour le dialogue sans perspective de solution fondée sur la légalité internationale».(3) «Je pense poursuit-il, qu'il n'y a pas de différences significatives entre le leadership de 1983 et l'exécutif de Netanyahu. Tous les gouvernements israéliens de 1967 à aujourd'hui (depuis l'occupation des Territoires) ont développé la même stratégie: 1. Jérusalem appartient entièrement à Israël et il n'y aura aucun compromis sur la ville; 2. les réfugiés palestiniens ne rentreront jamais dans leurs villes d'origine; 3. Israël ne peut pas exister sans la Cisjordanie. Le coeur de la politique israélienne était et reste l'idée sioniste que la Cisjordanie est une partie d'Israël, (...) Par exemple, l'annexer entièrement ou la diviser en une zone israélienne et une palestinienne? Concéder ou pas l'autonomie aux Palestiniens? Concéder ou pas un semblant d'indépendance aux Palestiniens en continuant à avoir le contrôle de la souveraineté réelle? Mais ce n'est qu'une tactique. (...) S'il existe une différence entre la direction israélienne des accords d'Oslo et l'actuelle, elle se limite à quelques aspects tactiques. Aujourd'hui, par rapport à 1983, il n'existe plus pour l'opinion publique israélienne un problème palestinien, la question palestinienne est invisible, elle a disparu de tout horizon. Le peuple occupé, tout simplement, a disparu de lesprit de millions d'Israéliens.»(3) Il semble en fait que les désirs des Palestiniens soient plus terre à terre: «Des sources occidentales affirment à la presse israélienne: les Palestiniens veulent l'autorisation de construire un aéroport avant de venir négocier. (...) Mais il servira aussi de joujou à toute la clique présidentielle qui veut se la jouer «grande nation» en se baladant en Air Palestine 1. Dans les discussions préliminaires, les Palestiniens ont en outre demandé qu'Israël leur permette de chercher du gaz naturel devant les rives de Ghaza dans les eaux territoriales de la bande. Les Palestiniens ont aussi demandé que leur soit accordé plus de visas et permis de travail dans les territoires israéliens. Drôle de paradoxe... Doit-on pleurer ou rire? (4) Les pressions européennes L'Union européenne a adopté, mardi 16 juillet, un texte prévoyant d'exclure à partir de 2014 les territoires occupés de sa coopération avec Israël, provoquant la colère de Tel-Aviv, qui y voit un ́ ́diktat ́ ́ sur ses frontières. Israël vient de prendre des mesures de rétorsion à l'égard de l'Union européenne. De quoi l'UE serait-elle «coupable»? écrit Jurek Kuczkiewicz: «D'avoir décidé que ses programmes de coopération avec l'Etat hébreu, et donc l'argent européen, ne pouvaient plus financer des projets israéliens situés en territoire palestinien occupé. En dépit de l'occupation, Israël est le pays partenaire de l'UE qui bénéficie du statut le plus privilégié en matière de coopération, notamment économique et scientifique. La décision récente de la Commission européenne n'a pas consisté à couper ces programmes de coopération: elle permettra seulement d'éviter que cet argent ne finance l'occupation.(5) Malgré cela, la direction palestinienne s'est installée dans les temps morts. Ghaza est plus asphyxiée que jamais. On apprend que les militaires égyptiens ont détruit ou fermé environ 80% des tunnels, vitaux pour l'approvisionnement en nourriture et en carburant et donc pour la survie de la population palestinienne. De plus, l'Union européenne inscrit la branche militaire du Hezbollah islamique libanais dans la liste des «organisations terroristes». Enfin, la nouvelle déléguée américaine auprès des Nations unies, Samantha Power, qui est connue pour sa loyauté au régime sioniste, a dévoilé récemment les efforts déployés par les Etats-Unis pour l'adhésion d'Israël au Conseil de sécurité... Quelles sont les chances pour que cette fois, cela soit la bonne? Comme le professeur Illan Pappé, Pierre Haski, cofondateur de Rue 89, fait la même analyse: «Les chances d'un accord de paix israélo-palestinien sont minces. John Kerry, qui a pris la suite d'Hillary Clinton en janvier, en a fait une de ses priorités, (...) il a déjà produit un résultat inespéré: le feu vert des deux parties à une reprise des négociations. Pour autant, il y a une limite à ce que Washington peut imposer à ses alliés israéliens qui disposent de puissants relais aux Etats-Unis, en particulier au Congrès où Benyamin Netanyahu est plus applaudi que Barack Obama lors de ses apparitions... Mais Netanyahu sait aussi que les colons de Cisjordanie sont impopulaires auprès d'une majorité de l'opinion israélienne (..)Mais ne rêvons pas: il y a bien plus de chances que Netanyahu n'ait accepté de reprendre les négociations que pour gagner une fois de plus du temps.» (6) Parlant des Palestiniens, il écrit qu'ils n'ont aucun atout: «Les Palestiniens ont perdu l'initiative depuis longtemps. Mahmoud Abbas est un Président sérieusement affaibli: il est à la tête d'une moitié de Palestine; il n'a pas de budget digne de ce nom; il est incapable de stopper la progression des colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem-Est; il est confronté à la disparition progressive de la question palestinienne alors que le Monde arabe est en pleine crise, entre les soubresauts égyptiens et la guerre de Syrie. L'initiative de John Kerry est pour lui une planche de salut qu'il ne pouvait pas laisser passer. Mais les Palestiniens attendront de pouvoir le juger sur trois critères:1° Les colonies de peuplement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est: combien seront démantelées? Quelles frontières? Celles de 1967 corrigées par des échanges de territoire? Le sort des réfugiés palestiniens: Israël n'acceptera jamais un «droit au retour» mais comment traiter cette question centrale à l'identité palestinienne?»(6) Conclusion: Depuis le décès de Arafat, les Palestiniens ont fait l'objet de beaucoup de compromissions. Même le Hamas a dévoilé sa vraie nature par son allégeance au Qatar. Il n'y a plus de feu sacré d'une cause palestinienne. C'est un fait que l'expansion des colonies, y compris à Jérusalem-Est, et l'emprise israélienne sur les Territoires occupés, en violation du droit international, témoignent d'un déni des droits territoriaux palestiniens. Paradoxalement, ce qui reste de territoires est en train d'être colonisé avec de l'immobilier de luxe pour les milliardaires palestiniens de la diaspora. Le petit peuple n'est pas concerné. Israël veut être reconnu mais comme un Etat juif, ce qui signifie que ceux qui ne le sont pas ne pourront y rester et l'on observera dès lors une deuxième nakba qui, cette fois-ci, concernera les Arabes israéliens. Elle ne veut pas du retour des réfugiés. Pour le statut de Jérusalem, Israël, veut en faire sa capitale éternelle et ne saurait faire l'objet de négociations. Pourtant, l'initiative arabe de Riyadh de 2002, torpillée par l'Occident, aurait pu donner à Israël et aux Palestiniens, la possibilité enfin de tourner la page de ce conflit centenaire. Si par miracle, -La région s'y prête..- il y a accord, je pense que la politique de l'échange de territoires va primer et que les Palestiniens vont accepter que les Israéliens leur rétrocèdent des territoires du côté du désert du Neguev. Même avec cela, il est impossible pour eux d'établir un Etat viable sur un territoire en confettis. Ils tiendront à ce que Jérusalem-Est soit pour eux la capitale. Il est possible aussi de trouver une solution pour les réfugiés, en leur proposant des compensations financières On s'acheminerait vers une solution financière au profit des petits-enfants des Palestiniens expulsés en 1948, d'autant que ces derniers n'auraient pas le même attachement à la terre. Il restera à effectuer un tracé afin que les Palestiniens aient des terres viables avec de l'eau car l'accès à l'eau est un énorme problème dans la région ainsi qu'un débouché sur la mer. Il reste l'utopie d'un Etat bi-national Des intellectuels palestiniens estiment que la solution à deux Etats n'est plus possible et qu'il faut songer à un Etat binational J'estime que c'est une alternative viable. L'on aurait alors un Etat binational, un Etat de tous les citoyens avec les mêmes droits et les mêmes devoirs quelles que soient leurs nationalités ou leurs confessions. 1. http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/07/29/les-discussions-entre-palestiniens-et-israeliens-vont-commencer-sur-des-bases-modestes_3454928_3218.html 2. Amos Lerah http://jssnews.com/2013 /07/31/martin-indyk-ne-semble-pas-plus-croire-a-la-paix-aujourdhui-quhier/ 3. Entretien avec Ilan Pappé 29 juillet 2013 http://www.voltairenet.org/article179656.html 4. http://jssnews.com/2013/07/18/un-aeroport-du-gaz-la-mer-morte-voic i-les-pre-conditions-hilarantes-des-palestiniens/ 5. Jurek Kuczkiewicz: Israël à l'Europe: payez, puis taisez-vous! Le Soir.7 juillet 2013, 6. Pierre Haski Israël et Palestine vont négocier: quelles chances de succès? Rue 89 21. 07.2013