«Bein Sport était un concurrent aux poches pleines, qui déploie un modèle économique que nous estimons déloyal et qui est mu par des intérêts qu'on ne comprend pas très bien, financés par le fonds souverain d'un Etat.» Directeur des sports de Canal+ Alors que la Coupe du Monde approche, la guerre médiatique entre les deux géants de l'audiovisuel sportif français fait rage. En effet, Canal+ a attaqué Bein Sport (la chaîne du groupe Al Jazeera) en justice pour «concurrence déloyale». La chaîne cryptée, Canal+, estime qu'elle n'est pas sur le même pied d'égalité face à la chaîne qatarie financée par fonds d'Etat et disposant de moyens colossaux pour l'achat des droits audiovisuels. Des moyens qui ont permis à Bein Sport de décrocher la plus importante partie des droits de diffusion d'événements sportifs majeurs que Canal+ avait l'habitude de décrocher facilement pour les programmer sur ces chaînes. Le groupe Canal+ dénonce surtout l'offre commerciale très basse de Bein Sport qui propose un abonnement sans engagement de 11 euros par mois à ses cartes postales de collection contre près de 40 euros pour Canal+. Un tarif que Canal+ dénonce, affirmant qu'elle est «vendue bien plus cher que ce qu'elle coûte» et que la chaîne qatarie vise à casser son offre commerciale. Dans un entretien avec le quotidien économique Les Echos, le directeur des sports de Canal+ affirmait que «ses intentions sont impérialistes. Leurs moyens sont colossaux et notre possibilité de résister à terme ne sont pas infinies». Quant au président de Canal+, Bertrand Meheut, il affirmait que les pertes de Bein Sport «vont être inférieures à 300 millions d'euros la première semaine. Leur ambition n'est pas du tout de faire un résultat économique. C'est regrettable de voir ces dépenses sans fin en face desquelles il n'y a pas de revenus». Les deux chaînes se retrouveront au tribunal de commerce de Paris. Depuis le début de l'aventure qatarie en France, les relations entre Canal+ et la chaîne qatarie étaient tendues. Le premier clash était lancé après le recrutement de son ancien directeur des sports, Charles Biétry. Canal+ avait dénoncé en vain un débauchage abusif après que Bein ait attiré huit permanents de la chaîne française. D'ailleurs, la direction de Canal+ avait approché l'Elysée et le gouvernement pour protester contre cette concurrence déloyale dans l'espoir que les autorités françaises prennent sa défense auprès du Qatar. Canal+ a rappelé son rôle important dans le financement du cinéma français et même ses investissements dans certaines séries américaines qui rehaussent l'audiovisuel et la culture française et offrent une place de choix dans l'univers fermé de l'audiovisuel mondial. Une situation qui a poussé le gouvernement français à déclarer aux Qataris: «Vous êtes les bienvenus, mais c'est catastrophique si vous déséquilibrez le cinéma français.» Les dirigeants du Qatar n'ont pas apprécié la campagne visant leur télévision, indiquant qu'ils sont avant tout en France comme des investisseurs et surtout des sauveurs d'emplois dans un pays en crise financière depuis plus de trois ans. [email protected]