Est-il normal de gracier quelqu'un pour un crime aussi crapuleux que la pédophilie? Qu'a obtenu Mohammed VI en échange? Le roi du Maroc vient de gracier Daniel Galvanu, condamné en 2011 pour abus sexuels sur 11 jeunes enfants. Le pédophile multirécidiviste a vu sa peine de 30 ans de prison se dissiper du coup par la grâce royale. Cette grâce pose plusieurs problèmes et soulève moult questions. La grâce touche en général les détenus dont la peine est légère. Ils doivent, en principe, avoir fait preuve de bonne conduite lors de leur incarcération et ils doivent, en plus, avoir purgé une grande partie de cette peine. Le cas du condamné de nationalité «espagnol» ne répond à aucun de ces critères. Il a été condamné en 2011, donc il n'a pas eu le temps de payer moralement. Sa peine n'est pas légère et il n'a pas eu le temps de faire preuve de bonne conduite. Au contraire, il n'a même pas eu le temps de connaître des regrets. Par ailleurs, la pédophilie constituant une circonstance aggravante, on voit mal comment cet individu a bénéficié de la grâce du roi du Maroc. Les manifestations puis les émeutes des citoyens marocains sont venues, à raison, dénoncer une grâce royale incomprise, douteuse et, par-dessus tout, irresponsable. Pourquoi Mohammed VI a-t-il agi de la sorte? Quelles sont les raisons d'un tel acte? Bien sûr, par le biais de la communication officielle, le souverain marocain essaie de sauver la face en faisant porter le chapeau à d'autres que lui. «Le roi n'a jamais été informé, de quelque manière que ce soit et à aucun moment, de la gravité des crimes abjects pour lesquels l'intéressé a été condamné», se contente d'annoncer un communiqué du Palais royal. Et, bien sûr, comme dit le proverbe arabe, «une justification peut être pire que l'erreur elle-même» car, dans ce cas, on poserait bien la question, sur quelle base le roi du Maroc accorde-t-il sa grâce? Au faciès? A la nationalité? A ce qu'il espère obtenir en échange? Quelle que soit la réponse, il sera toujours difficile au roi de Rabat de soutenir ses arguments. D'autant plus que l'histoire de l'Algérien Islam, le jeune enfant tout innocent et que tout innocente, à commencer par son âge, est là pour rejeter toute excuse du roi marocain et pour jeter à terre toutes ses tentatives d'explication. La colère de la rue au Maroc est si grande que le roi a dû inventer une autre histoire, digne celle-là des palais et à la hauteur des mille et une nuits dont le récit de Chahrazed avait, jadis, enchanté Chahriar. L'ignoble individu en question a été libéré, explique un média marocain, le journal Lakome, parce que les services de renseignements espagnols l'ont demandé. Ah Bon??? Suffit-il que l'on demande pour être servi au Royaume de Mohammed VI? Et depuis quand est-ce que le souverain marocain exécute-t-il les demandes des Espagnols? A moins que l'on ne sache pas ce qui se passe exactement dans le palais! Mais, même en supposant que c'est ainsi que les choses eurent lieu, est-il normal de gracier quelqu'un pour un crime aussi crapuleux que la pédophilie? Qu'a obtenu Mohammed VI en échange? Un silence sur les crimes commis par les soldats de Sa Majesté au Sahara occidental? Une voix à l'ONU contre la sanction de Rabat? Est-il possible qu'on achète des voix avec l'honneur et la chair des jeunes enfants? Au Maroc, ce n'est pas nouveau me dira-t-on, mais, tout de même, lorsqu'on est roi, on devrait d'abord défendre l'honneur et la vie de ses sujets! Le Palais royal a annoncé aussi que le roi a demandé l'ouverture d'une enquête. Dans quel but Majesté? On ne va tout de même, pas mener une enquête pour comprendre dans quelles conditions le signataire de la grâce a-t-il signé car, à vrai dire, ce signataire n'est autre que le roi lui-même! D'ailleurs, la confusion semble régner au palais car si la libération a eu lieu suite à la demande des services de renseignement espagnols, pourquoi mener l'enquête? Et si l'individu a déjà quitté le pays, comme le soutiennent la plupart des médias au courant de la chose, à quoi cela sert-il de faire semblant de vouloir mener une enquête? Y a-t-il vraiment un quelconque «intérêt national» dans cette grâce comme ont voulu le faire croire certains médias? Quel intérêt y a-t-il à libérer un exfiltré (l'autre version) des services irakiens qui aurait collaboré avec les Américains et qui, après coup, est venu déshonorer le Maroc en portant atteinte à la morale de la société et à l'honneur de jeunes citoyens innocents? La honte est si grande au Maroc que les citoyens sont furieux, qu'ils ne veulent plus arrêter les manifestations et que, bien sûr, Sa Majesté a lancé à leurs trousses les policiers avec leurs matraques. La colère est entendue à travers le monde entier. Si seulement cela s'arrêtait à eux, cela aurait sans doute permis au roi de se tirer d'affaires comme d'habitude, mais cette fois les choses vont autrement. En écho à ces manifestations contre la honte royale, est venue s'ajouter la dénonciation par l'opposition espagnole elle-même de cette grâce scandaleuse dont elle a demandé à connaître les secrets et les dessous de coulisses. C'est ainsi que le Psoe vient d'annoncer dans un communiqué qu'il «considère d'une extrême gravité le fait qu'une personne qui a été condamnée à 30 ans de prison pour abus sexuels sur 11 enfants ait pu être graciée. Et exige une explication immédiate du gouvernement espagnol». Le Parlement espagnol va, lui aussi, être saisi pour cette affaire qui n'a pas dit son dernier mot et qui, pour ainsi dire, a mis le roi du Maroc dans de mauvais draps. Une grâce qui met Mohammed VI en disgrâce. Quand on badine avec l'honneur et la chair des enfants de son pays, on s'enfonce certainement dans la boue!