Sofiane Maloufi, directeur de Media Survey, décrypte le programme du Ramadhan Comme chaque Ramadhan, des études d'audience sont réalisées pour évaluer l'impact des programmes télés sur les téléspectateurs. Le patron de Media Survey, Sofiane Maloufi, nous donne son point de vue sur la question. L'Expression: En tant qu'expert en sondage audiovisuel, quelle est votre appréciation du programme du Ramadhan de cette année? Sodiane Maloufi: Ce Ramadhan se voulait particulier du fait de l'enrichissement du paysage audiovisuel algérien avec cinq nouvelles chaînes privées qui ont vu le jour à la veille du mois sacré, ce qui porte à une dizaine le nombre des chaînes privées nationales, même si elles sont de droit étranger. La concurrence, bien évidemment, était déjà annoncée très rude au premier jour du Ramadhan avec la diffusion de programmes variés, allant du divertissement au religieux en passant par les incontournables fictions et sitcoms. A la fin du Ramadhan, on remarque que les chaînes publiques, mais surtout les chaînes arabes satellitaires, après une première lecture en cette fin du mois de jeûn, et avant la publication de notre mesure d'audience spécial Ramadhan, qui interviendra après l'Aïd, ont cédé du terrain au profit des chaînes privées, telles Echourouk TV, El Djazaïria TV et finalement Ennahar TV. Il me semble aussi que les nouvelles venues ont aussi capté une audience, mais il demeure essentiel que celles-ci se positionnent davantage et travaillent aussi davantage leur notoriété. Quel est d'après-vous, le programme qui a le plus capté l'intérêt du téléspectateur algérien cette année? Pour répondre à cette question, j'attire l'attention des professionnels des médias TV, que la tranche horaire du prime time suscite de l'intérêt et capte de l'audience par définition, ce qui complique l'analyse et la perception de la réussite d'un programme tant sur le plan de la performance que sur le plan de la qualité. Cependant, il paraît juste de dire que la seconde partie de soirée des chaînes publiques a été très suivie, à l'instar des émissions style kaâdat, comme Lamat Ramadhan, Nouba bnouba, Twahacht bladi...etc, mais aussi les deux fictions ou feuilletons sociaux diffusés sur les chaînes de l'Eptv tel Nour el fadjr et Assrar el madhi. Pour les chaînes privées, de nouveaux concepts tels El Pais sur Dzaïr TV, Dar Bob...etc ont été proposés au téléspectateur durant ce Ramadhan et bien entendu suivis, il reste à nous de quantifier tout cela et sortir avec une tendance réelle en termes de performance. Pour la tranche du prime, la concurrence était visible entre les trois, quatre chaînes qui ont capitalisé sur le Ramadhan 2012 et tiré les enseignements et ont proposé à partir de là, une grille du prime très agressive, notamment Imarat El Hadj Lakhdar sur Echourouk TV, Rana hkamnak et Hala mlaghma sur Ennahar TV, Djournane el gosto sur El Djazairia et Djarti avec Dar el Bahdja sur A3, Entv et Canal Algérie, qui ont diffusé à elles seules le prime en simultané. Pensez-vous que la diversité des chaînes de télévision a influé sur le choix des téléspectateurs? Le choix a été compliqué davantage cette année, mais c'est une tendance, en somme très normale. La diversité des contenus et des offres va permettre l'atomisation de l'audience et en même temps pousser le téléspectateur à faire un choix de RDV, qui se base sur la qualité du programme. Un effort de communication et de marketing des contenus deviendra un effort supplémentaire que les chaînes devront adopter à l'avenir pour espérer capter de l'audience et assurer la survie d'un concept. On a toujours critiqué le contenu de la Télévision algérienne, mais aujourd'hui on retrouve cette médiocrité sur les télévisions privées. Votre avis? L'absence des lois qui régissent les trois volets de la communication en Algérie, l'audiovisuel, la publicité et les sondages, rendent toute analyse et commentaire caducs. Cependant, il est vrai de dire que la qualité des programmes et leur perception par le grand public demeurent la grande inconnue en l'absence de mesures spécifiques. La qualité des programmes est tributaire d'une chaîne de valeurs, absente précisément, mais soyons justes en disant que l'esthétique de certains programmes a été présente pour ce Ramadhan, des idées nouvelles ont été proposées, certaines chaînes privées ont osé, mais aussi le public a remis au goût du jour certains concepts qui faisaient la renommée et surtout collaient avec la mission de service public, telles les émissions Kaâdat en direct, les talk-shows spécial Ramadhan, comme Bachacha ou Comédia fun et enfin avec un brin de nostalgie diffusée en prime, telle que l'émission Dhikra oua dahka. Dans le monde du sondage audiovisuel algérien, il n'y a que deux études algériennes installées sur le marché algérien. Pensez-vous que c'est suffisant pour étudier le marché audiovisuel? A vrai dire, nous sommes quatre intervenants, Média and Survey est présente depuis 2011 et réalise de nombreuses mesures d'audience médias depuis sa création. C'est vrai que pas mal d'instituts de sondage ne publient pas les résultats de leurs sondages ou mesures d'audience. A mon sens, et à partir de l'observation du marché marocain, tunisien et français des sondages, le nombre d'instituts et d'intervenants sur les sondages devrait être plus important, et plus diversifié. Hélas, l'absence de la culture du chiffre et des outils d'aide à la décision complique davantage l'émergence d'une vraie industrie du sondage. Pourquoi la majorité des études impliquent des télévisions étrangères et écartent le reste des télévisions algériennes dans le top 10 des télévisions les plus regardées en Algérie? C'est l'audience qui classe les chaînes par ordre de performance et nom d'importance et non le contraire. Nous mesurons l'audience des chaînes, des programmes, des tranches horaires, selon une méthodologie précise, acceptée et validée. Souvent, les théories d'échantillonnage permettent de diversifier les méthodologies d'enquête par sondages, mais surtout le mode de recueil, Cati Cawi, face-à-face, permettent ainsi de quantifier de plus en plus juste et rendre cette pratique incontournable dans les économies performantes. Le hit parade des chaînes les plus regardées doit être beaucoup plus centré sur les chaînes nationales, publiques ou privées, puisque la demande est exprimée sur ces chaînes précisément «Versus» des autres chaînes satellitaires. Les annonceurs s'intéressent de très près aux chiffres pour évaluer leur planning stratégique. Pour être plus précis, dès lors qu'une chaîne réalise plus de 0,5 de part d'audience, celle-ci devient intéressante en termes de valorisation en média planning. Est-ce le cas en Algérie? Je n'en suis pas sûr, hélas...