Il a failli brader les ressources naturelles du pays S'il y a un enseignement à tirer de cette affaire Sonatrach 2 et du mandat d'arrêt lancé contre les Khelil and Co, c'est bien la première fois dans l'histoire de l'Algérie qu'un ex-important ministre du gouvernement est inculpé dans une affaire de corruption et même dans une affaire judiciaire tout court. L'Algérie qui avait été classée par Tranparency International au 105e rang sur 107 des pays les plus corrompus, avait la réputation que les membres du gouvernement impliqués dans des affaires de corruption n'étaient pas inquiétés. La mise en cause d'un ancien ministre aussi important que celui de l'Energie et des Mines, est donc une première dans le Maghreb et même dans le Monde arabe. Il faut dire que la région du Monde arabe et plus particulièrement du Maghreb est réputée depuis ces cinq dernières décennies comme un havre de paix pour les maîtres de la corruption à grande échelle surtout dans le domaine du BTP et de l'énergie. Après l'arrestation, il y a deux ans, de Riadh Benaïssa, ancien haut dirigeant de SNC-Lavalin, emprisonné en Suisse pour blanchiment d'argent et corruption en Libye et en Tunisie, la lutte contre la corruption dans la région du Maghreb passe à un autre cap. Car depuis l'indépendance, les ministres algériens de la République sévissaient en toute impunité sans jamais être inquiétés. Le premier à dénoncer cet état de fait était l'ancien Premier ministre sous Chadli Bendjedid, Abdelhamid Brahimi. Ce dernier avait évoqué à la fin des années 1980, la fameuse affaire des 26 milliards de dollars. C'était au cours d'une conférence à l'Université d'Alger, qu'il avait révélé que la corruption représentait 20% du commerce extérieur du pays depuis l'indépendance. C'est en faisant un calcul des importations algériennes depuis 1962, qu'il a abouti au chiffre de 26 milliards de dollars. Depuis, l'ancien Premier ministre vit en exil forcé à Londres et aucun ancien ministre n'a été poursuivi et aucune enquête n'a été déclenchée. Et pourtant, plusieurs affaires de corruption ont éclaté au grand jour dans la presse nationale et sur la place publique: la plus lourde est sans doute l'affaire Khalifa dans laquelle étaient cités plusieurs importants ministres, mais aucun n'a été impliqué dans ce dossier qui ébranla la République. D'autres dossiers de corruption impliquant des ministres ont éclaté ensuite. Le dossier Tonic, la Badr, mais aussi le dossier épineux de corruption de l'autoroute Est-Ouest, la Santé, le foncier agricole et l'immobilier. Mais à ce jour, aucun ministre ou haut responsable algérien n'ont été inculpés, poursuivis ou mis en prison. L'Affaire Khelil sera-t-elle la première à consacrer la justice réelle dans ce pays? Certains observateurs et experts restent sceptiques. Car la justice algérienne n'a réagi qu'après l'explosion de l'affaire en Italie et le lancement du mandat international par Interpol. Pour d'autres observateurs, cette réaction de la justice algérienne est une première et sera confortée quand Khelil and Co seront jugés et mis en prison et les Algériens y croient. Car ce qui est important à retenir, explique un analyste, c'est que la personne impliquée dans cette affaire, n'est pas un petit poisson ou un petit secrétaire d'Etat, c'est l'ex-puissant ministre de l'Energie et P-DG de Sonatrach, qui était dans le passé un très proche du clan présidentiel. L'homme qui avait servi les intérêts algériens et qui travailla dans des organismes pétroliers internationaux et à la Banque mondiale, est une mine d'or pour les enquêteurs. Le quotidien américain Washington Post qui n'a pas encore fait d'analyse sur cette affaire a titré: «L'ex-patron de l'Opep recherché par la Justice pour corruption.» Car le ministre Khelil (citoyen américain au passage) de par sa responsabilité d'ex-patron de l'Opep avait également un statut international à préserver ou à sauvegarder. Et l'information de l'implication pour corruption de Chakib Khelil, puissant responsable du ministère qui rapportait chaque année environ 90 milliards de dollars à l'Algérie, a fait le tour de la planète. La chute de Khelil signifie pour certains la fin d'un système basé sur la corruption et la dilapidation des biens de la République. Car l'éclatement de cette affaire, fait trembler les ministres et met un terme à l'impunité qui a gagné la République. Car après les affaires de sexe, la corruption est devenue depuis quelques années en Europe et en Amérique du Nord, le mal qui ronge certains ministres et qui fait tomber certains gouvernements. En décembre 2012, l'affaire Jérôme Cahuzac, puissant ministre délégué chargé du Budget du gouvernement Hollande, avait provoqué un séisme politique en France. Et la lutte contre la corruption qui a touché l'Italie, la Russie, la Grande-Bretagne et le Canada touche également l'Algérie.