Beaucoup de dépit transparaît à travers les lignes du communiqué rendu public hier par ce candidat illégalement éliminé. Ahmed Taleb Ibrahimi, dans une déclaration rendue publique hier, a réagi à l'importante sortie faite ce mardi par le chef d'état-major de l'ANP, Mohamed Lamari. Sans trop prendre la peine de mâcher ses mots, au regard de la gravité de la situation et de la manière cavalière avec laquelle il a été éliminé de la course à la présidence de la République, Taleb souligne qu'«il est regrettable de constater que les clarifications du chef d'état-major semblent cautionner les conditions illégales dans lesquelles a eu lieu l'opération de collecte des signatures au profit du candidat-président». Taleb reproche également au général Mohamed Lamari, à travers cette sortie, également jugée «tardive» par Mouloud Hamrouche dans notre édition de jeudi, de passer «sous silence le scandale constitutionnel». La sortie s'est faite jour alors que les jeux semblent déjà faits, comme le relève Ahmed Taleb Ibrahimi dans son communiqué. Les «clarifications», de Mohamed Lamari «interviennent alors que le président-candidat a achevé sa tournée électorale, consolidé sur le terrain son dispositif de fraude, choisi ses concurrents, sans tenir compte des aspirations légitimes des Algériens au changement de leur droit non moins légitime, à élire librement leur candidat à la magistrature suprême». Quelles qu'eurent été les raisons de ce retard dans la réaction, Taleb pense qu'elles auront été fortement dommageables pour l'avenir démocratique de ce pays. «En ne réagissant pas à temps, le commandement de l'armée a réduit pour le peuple algérien les chances d'avancer dans la voie de la démocratie et du règlement de la crise de légitimité du pouvoir.» Dans son communiqué, parfaitement clair et fouillé, dans le but de clarifier la situation et situer les enjeux en cours, Ahmed Taleb Ibrahimi, donné comme vainqueur en 1999 avant que ne se mette en place le dispositif de la fraude, au tout dernier moment, revient sur les sorties initiales de cet important personnage dans l'échiquier politique algérien, de par le passé même de notre ANP. Ainsi, l'engagement relatif à la neutralité de l'armée, pour cette fois, réitéré à deux reprises depuis l'été passé, s'est-il révélé insuffisant pour garantir la tenue d'élections «régulières, sincères et transparentes». Il relève ainsi que lors de ses tournées, l'année passée, à travers 23 wilayas, qu'il a régulièrement souligné que «la neutralité de l'Institution militaire resterait lettre morte si elle n'était assortie à d'autres mesures garantissant la neutralité de l'administration et la non-utilisation des deniers publics et des médias lourds par le seul président-candidat». Revenant sur la dernière sortie du chef d'état-major, Taleb reste modéré dans ses analyses et positions, dans lesquelles l'intérêt du pays passe nettement avant celui de sa modeste personne. Aussi, met-il quand même en exergue «les éléments positifs (venus) à première vue dénoter une évolution dans l'attitude de l'institution militaire quant à la levée de sa mainmise sur la volonté populaire». Sur le plan du timing, cependant, elle pêche par le trop grand retard pris, ce qui a induit l'élimination de candidats sans lesquels aucune présidentielle ne saurait être assez crédible et sérieuse. Taleb, non sans quelque regret, relève ainsi que «l'interview, si elle avait été publiée bien plus tôt, et en tous cas au plus tard au début de la campagne de collecte des signatures, aurait pu éviter de nouveaux risques de dérapage au pays, réduire la méfiance des citoyens dans leurs institutions et, par conséquent, contribuer à la consolidation du processus démocratique». De grands points d'interrogation demeurent ainsi en suspens, partant du constat que la sortie de Mohamed Lamari a eu pour finalité de brouiller plus les cartes alors qu'elle était censée clarifier le jeu politique en cours. C'est pourquoi Taleb, qui rappelle que l'armée a été interpellée à plusieurs reprises aussi bien à titre individuel que dans le cadre des activités du groupe des dix, souligne que «ce retard a privé le peuple algérien de certaines candidatures. Celles-ci ont été soit découragées par la confusion entretenue dans les esprits, soit arbitrairement invalidées par le Conseil constitutionnel pour des raisons politiques qui faussent les règles du jeu démocratique». Le déséquilibre dans les rapports de force, qui se sont traduits en une fraude directe et indirecte, allant jusqu'à la tenue d'un «premier tour administratif», ne semble pas prêt d'être levé au regard de l'évolution des évènements constatés sur le terrain. Taleb relève, encore, que «ce silence, lourd de sens (depuis les multiples interpellations de l'institution militaire) a été mis à profit par le président-candidat pour mieux asservir l'administration, instrumentaliser la justice, dilapider les deniers publics et accaparer les médias lourds à des fins électoralistes». Désormais, les jeux semblent faits, et la sortie du chef d'état-major ne donne guère l'air de pouvoir y changer quoi que ce soit.