La sortie de Mohamed Lamari rejoint les grandes lignes de ce qu'avaient exigé la plupart des signataires du fameux «manifeste des Onze». Il n'est un secret pour personne, désormais, qu'une bonne partie du temps consacré aux conclaves des Onze avaient été consacrée à l'attitude que le groupe devrait adopter vis-à-vis de l'armée ainsi qu'au rôle que celle-ci devrait jouer lors du prochain scrutin présidentiel. La plupart des signataires se sont donc montrés «extrêmement satisfaits» par les déclarations faites mercredi par le chef d'état-major de l'ANP, Mohamed Lamari, dans lesquelles il a explicité la notion de «neutralité» telle que prônée par la grande muette. La position, disent des membres du groupe des Onze, «rejoint les grandes lignes de ce que nous revendiquons». Rejetant en bloc les accusations selon lesquelles ils auraient tenté de faire intervenir l'armée afin de déposer Bouteflika ou de favoriser l'élection de l'un d'eux, ils expliquent au contraire qu'ils se sont contentés de «toucher du doigt le grave déséquilibre dans les rapports de force à la suite du retrait de l'armée de la scène politique et de la proclamation publique de sa neutralité lors de la prochaine présidentielle». L'administration, avec à sa tête le président Bouteflika, sont ainsi accusés d'avoir profité de cette aubaine inespérée pour déployer un impressionnant dispositif afin de garantir un second mandat au chef de l'Etat. Le groupe des Onze, dont les membres savent que l'affrontement est devenu inéluctable, se demandent juste à quel moment il aura lieu, avant ou après le scrutin. Ils se demandent aussi s'il prendra les proportions de grandioses manifestations de rues comme cela avait eu lieu en Géorgie dans le cas où le «président réussit son coup de force politique». Tous, en attendant de s'exprimer publiquement sur la question, indiquent «avoir pris acte des déclarations jugées positives du chef d'état-major de l'ANP». Il y est relevé des similitudes importantes entre ce que demande le groupe des Onze et ce que l'armée envisage d'entreprendre dans le cadre de ses missions constitutionnelles. Celle-ci, en décrétant son retrait de la scène politique, n'en continue pas moins de suivre avec attention la scène politique nationale. C'est en ce sens que se cristallise la fameuse notion de «neutralité active» développée pour la première fois par Ahmed Taleb Ibrahimi, avant de constituer un credo pour le groupe des Onze. Dans ce sens, rappellent nos sources, l'armée est sollicitée «pour prévenir les dérapages, rétablir les équilibres entre les différents pouvoirs et en soustraire ceux qui sont aux mains du président-candidat, en train de s'en servir sans retenue afin de régler certains comptes politiques». Nos sources se déclarent également satisfaites du fait que «le général-major Mohamed Lamari indique suivre les activités des Onze, attendre qu'il y ait unanimité politique, puis affinement des revendications qui seront formulées afin d'agir en conséquence». L'opposition politique, pour qui l'espoir demeure permis, prend également acte du fait que «l'armée ait prévu différents scénarios avec des actions et des réactions précises». Un arbitre existe bel et bien. Cela, même si Lamari, dans ses réponses à la presse a affirmé ne pas avoir de preuves sur les actuels dépassements commis, notamment contre le FLN de Ali Benflis, et il y a de cela quelques années, contre le mouvement Wafa de Ahmed Taleb Ibrahimi. La sortie que voici semble, en revanche, avoir créé la panique dans les rangs du mouvement de redressement qui, déjà, s'apprêtait à tenir son congrès la semaine prochaine. Dans un entretien accordé au journal londonien Al-Hayat, Abdelaziz Belkhadem a violemment critiqué ceux qui ont fait appel à l'armée, indiquant qu'il s'agit des mêmes qui voulaient qu'elle rentre dans les casernes. Il a indirectement accusé ceux qui appellent l'armée à imposer une salutaire neutralité de l'administration lors du prochain scrutin, de craindre le verdict des urnes et de ne pas oser mesurer publiquement son poids au sein de la société algérienne. Belkhadem, qui est résolument contre une quelconque intervention de l'institution militaire dans les affaires politiques, ignore cette situation absolument exceptionnelle pour soutenir que «l'ANP est neutre, qu'elle se conforme à la Constitution et que c'est une armée républicaine dont les prérogatives sont définies par la Constitution».