La nébuleuse islamiste qui a profité de l'anarchie provoquée par les événements annonciateurs de la chute de Mouammar El Gueddafi a mis à sac les arsenaux de l'ex-Jamahiriya libyenne. La conjoncture politique qui régnait en Libye en 2011 avait permis à la branche maghrébine d'Al Qaîda de renouveler ses stocks d'armes et de munitions. De se doter d'un arsenal militaire ultrasophistiqué qui lui a servi à se redéployer au Sahel et dans la région du Maghreb pour mettre à genoux le Mali, le menacer d'implosion et faire preuve d'une audace sans précédent en s'attaquant au site gazier de Tiguentourine à In Amenas (Algérie). Pour mener des actions de cette envergure, il est inutile de souligner qu'il faut trouver des sources de financement particulièrement colossales. Les groupes terroristes qui ont fait des prises d'otages et essentiellement des enlèvements d'étrangers, leur terrain de chasse de prédilection, n'ont certainement pas perdu de vue qu'ils pouvaient bourrer leur coffre-fort à moindres frais en s'adjugeant une part des formidables revenus que constitue la commercialisation informelle du pétrole libyen. Un scénario qui est loin de constituer une simple vue de l'esprit ou une hypothèse farfelue. Qui dit qu'il n'est déjà pas en train de se jouer? Au mois d'août dernier, le Premier ministre libyen avait déclaré que «la marine libyenne ouvrirait le feu sur tout cargo pétrolier - même sous pavillon étranger - s'il tentait de pénétrer dans les eaux territoriales sans contrat officiel avec une compagnie pétrolière». Ali Zeidan avait accusé les gardiens des ports de vouloir «exporter le pétrole pour leur propre profit». Qui sont ces gardiens chargés de la sécurité des exportations de pétrole libyen? «Dans l'Est, ces groupes se sont constitués sur des bases claniques et idéologiques, dans la mouvance islamiste», explique Patrick Haimzadeh, ancien diplomate à Tripoli et spécialiste de la Libye. Pas besoin de douter sur les accointances de ces groupes jihadistes. Qui mieux qu'Al Qaîda peut les incarner? La plupart d'entre eux portent son ADN et lui demeurent inféodés. Comme ceux de l'Est libyen qui ont fait main basse sur un trafic qui a ses bases en Cyrénaïque. Une région qui produit près de 80% du pétrole libyen. Un business qui profite aussi aux tribus locales qui se sont soulevées contre Mouammar El Gueddafi en 2011, aux organisations islamistes qui y sont implantées et aux unités de garde-côtes dans les ports disposant de terminaux pétroliers à l'instar de Ras Lanouf, Brega, Sedra et Zoueitina. C'est par ces canaux que transite la majeure partie du pétrole libyen, avant de «s'évaporer». A qui est-il destiné? A qui profite t-il? Aux trafiquants s'accordent à dire des observateurs avertis de la scène politique libyenne. Les trafiquants de Cyrénaïque ont pris le contrôle de la situation et du flux pétrolier écrit sur son site Ria Novosti. «Ce n'était pas difficile: cette province de l'est, là même où la révolte contre Kadhafi a commencé en février 2011, n'est plus contrôlée depuis longtemps par les autorités centrales. Les véritables 'patrons'' sont les tribus locales et les organisations islamistes radicales», souligne l'agence russe d'information internationale. Les Occidentaux quant à eux s'inquiètent. La production du brut libyen a chuté à moins de 100 000 barils par jour alors qu'elle tournait autour de 1,5 à 1,6 million de barils par jour en temps normal. Dans un communiqué commun, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Italie ont exprimé leur inquiétude de plus en plus profonde et ont réitéré leur soutien aux «efforts du Premier ministre, Ali Zeidan et de son gouvernement pour trouver, le plus rapidement possible, des solutions pacifiques au blocage des exportations pétrolières libyennes». Pendant ce temps-là, Al Qaîda doit se frotter les mains.