Les médiateurs de la crise politique tunisienne dont le puissant syndicat UGTT ont accusé hier les islamistes au pouvoir, Ennahda, d'avoir par leurs «ambiguïtés» paralysé leurs efforts pour sortir de l'impasse provoquée par l'assassinat d'un opposant. Ennahda a pourtant indiqué vendredi accepter la feuille de route proposée par les médiateurs de l'UGTT, du patronat Utica, de l'Ordre national des avocats et de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme. «Nous considérons que le communiqué d'Ennahda est ambigu et permet des manoeuvres, des interprétations et des lectures diverses», a estimé lors d'une conférence de presse Houcine Abassi, secrétaire général du syndicat. «On ne peut accepter leur acceptation car la moitié de la feuille de route n'a pas fait l'objet d'une réponse précise» des islamistes a-t-il ajouté. «Nous tenons à notre initiative et nous allons oeuvrer à la faire appliquer en nous appuyant sur nos propres forces et sur notre peuple avant tout», a souligné M. Abassi. La coalition d'opposition, le Front de salut national, n'a pour sa part pas exprimé publiquement de position sur cette initiative, mais, selon M. Abassi, ils «l'ont accepté». La feuille de route demande aux deux camps de se réunir pour «un dialogue national» avec le président Moncef Marzouki et le Premier ministre Ali Larayedh pour annoncer solennellement que le gouvernement dirigé par Ennahda sera remplacé sous trois semaines par un cabinet d'indépendants. Parallèlement, l'Assemblée nationale constituante (ANC) doit en un mois à compter de cette annonce approuver une loi et une commission électorale, fixer le calendrier des scrutins à venir et adopter la Constitution dont l'élaboration est en panne depuis des mois. Dans son communiqué, Ennahda évoque l'adoption de la Constitution «dans un délai ne dépassant pas trois semaines», des élections dans les six mois suivant la formation d'une commission électorale et la mise en place d'un nouveau gouvernement. Les islamistes ne disent cependant pas expressément accepter le calendrier pour la formation d'un gouvernement de technocrates pour remplacer celui qu'ils dirigent. L'opposition a jusqu'à présent réclamé sans succès la formation d'un gouvernement d'indépendants avant que le reste des contentieux fassent l'objet de pourparlers. La vie politique et institutionnelle est paralysée par le bras de fer entre Ennahda et l'opposition depuis l'assassinat du député Mohamed Brahmi le 25 juillet. Faute de Constitution et de loi électorale 23 mois après l'élection de l'ANC et deux ans et demi après la révolution de janvier 2011, la Tunisie est toujours privée d'institutions pérennes et de calendrier électoral.