Pas un mot n'est «pipé» sur Israël qui n'a ni signé ni paraphé les conventions internationales sur les ADM... «Je ne m'étonne jamais de voir des hommes mauvais, mais je m'étonne souvent de ne les point voir honteux» Henri Lacordaire Et ainsi, par le biais de cet alibi qui se perpétue à travers le temps, les ennemis du Monde arabe redoublent de provocation et fomentent toutes les stratégies qui leur conviennent pour mettre à exécution leurs programmes dans une région qui a perdu, hélas, ses repères devant la faiblesse et la décrépitude des siens. Ainsi, à travers ces complots répétés, on veut également faire de la Syrie, une terre de prédilection qui s'ouvre aux provocations perfides, aux mises en scène éhontées, aux accusations gratuites et à tous les usages belliqueux..., cette terre qui donnait l'exemple de l'éducation et de la culture, en somme de la civilisation dans sa dimension la plus large et la plus concrète. Et ces deux dernières années de guerre civile, qu'on lui a imposées, sont le résultat, avant tout - c'est-à-dire avant de porter des jugements sur les autres - de l'indifférence ou la peur, c'est selon, d'un Monde arabe qui se recroqueville dans la honte, et qui, malheureusement, devient la main-d'oeuvre qualifiée pour appliquer des «stratégies de guerre» qui se concoctent à l'extérieur et à ses dépens. Oui, de ce Monde arabe, le nôtre, qui se divise en deux parties distinctes. Il y a d'abord, les plus actifs dans cet imbroglio qui veut, à tout prix, «couler» la Syrie; ce sont les «stipendiés» qui bravent la règle du «métier», parce que c'est eux-mêmes qui payent la facture pour appliquer les basses besognes des nouveaux maîtres du monde. D'ailleurs, ils ont bien payé celle des Américano-Européens, quand il a fallu détruire l'Irak..., n'est-ce pas? Il y a ensuite les «silencieux» - le reste du Monde arabe -, traduire par «satellisés» ou, pour être plus conciliant, par ceux qui «tiennent le bâton au milieu», comme dit l'adage de chez nous. Ceux-là ne déclarent pas leur position à l'égard d'une situation aussi dramatique que celle que vit le peuple frère de Syrie au risque de soulever l'ire de l'Oncle Sam ou d'indisposer les Grands de l'Europe. Le Monde arabe avec sa «Ligue», une caisse de résonance, ou plutôt une coquille vide Ceux-là ne s'expriment jamais, à haute et intelligible voix, dans des rencontres internationales pour faire de leurs convictions une «position arabe commune», ferme et, on ne peut mieux, respectable. Personne, par exemple, n'a démontré courageusement, en parlant de l'utilisation des armes chimiques, «la responsabilité des grandes puissances, seules fournisseuses des ADM et de leur prolifération». Il n'y a dans ce tohu-bohu - qui dit véritablement son nom - que les positions claires, jugées «impertinentes» par ailleurs, de jeunes journalistes qui ahanent pour dire la vérité sur des événements qu'on essaye d'occulter pour diverses raisons. «On se focalise sur les armes chimiques que détient la Syrie, on se focalisait - c'est toujours le cas en fait - sur le nucléaire iranien - prêtant à l'Iran l'intention de fabriquer la bombe atomique - sur des pays, dits du ́ ́seuil ́ ́ et susceptibles d'acquérir un savoir-faire scientifique et technologique qui, à l'évidence, leur est interdit. Ce qu'il faut relever en revanche, c'est que pas un mot n'est ́ ́pipé ́ ́ sur Israël qui n'a ni signé ni paraphé les conventions internationales sur les ADM...», écrit Karim Mohsen dans l'éditorial du quotidien L'Expression. Il continue: «La Syrie possède, certes, des armes chimiques, ce que le régime syrien n'a jamais nié, mais de là à l'accuser d'en avoir fait usage dans la guerre que l'Occident - par rebelles et islamistes interposés - lui impose, le pas a été vite franchi de faire porter à Damas les exactions que la rébellion, soutenue par l'Occident, commet au quotidien en Syrie. Israël a usé des armes chimiques contre les Palestiniens de Ghaza et les Libanais. On n'a pas entendu les gouvernements américains et/ou français s'émouvoir du fait et convoquer le Conseil de sécurité pour ce faire.» Au regard de tout cela, disons-nous franchement: ah! ce Monde arabe avec sa «Ligue», une caisse de résonance, ou plutôt une coquille vide, qui ne fait que de la figuration navrante et pitoyable pendant ces conflits qu'on nous impose sur nos territoires, devenus hélas, des champs d'expérimentations pour diverses stratégies du chaos... Où sommes-nous aujourd'hui, quand on se remet à Dieu qui nous prescrit: «Vous êtes la communauté la meilleure qui ait surgi parmi les hommes; vous commandez le bien, vous interdisez le mal, vous croyez en Dieu.» (Coran, verset 3, chapitre 110)? Ne nous a-t-il pas recommandé que l'union est l'un des principaux traits de la foi, et que les membres de notre société se doivent d'être solidaires, de veiller au bien-être et aux intérêts de chaque individu, de maintenir l'édifice social sur des bases correctes autour d'une communauté (oumma) exemplaire? D'accord, on ne peut présentement créer cette union tellement clamée dans nos slogans, parce que tant de différences et de considérations de clochers s'y opposent, mais ne pouvons-nous pas nous solidariser lors de conjonctures importantes, comme des êtres humains, par instinct fraternel, selon les liens du sang et... de la géographie? Cela n'a pas été notre impératif en tout cas, au cours de cette guerre imposée à la Syrie, de même que pendant les précédentes. Tout simplement parce que nous vivons encore - pour la plupart - avec des réflexes de colonisés. Et c'est de notre faute, puisque nous n'avons rien fait pour évoluer, ne serait-ce que mentalement, pour être au rendez-vous avec l'Histoire. Ainsi, nous avons, maintes fois, démontré notre faiblesse au cours d'événements où nous aurions dû être plus solidaires pour pouvoir répondre à toute éventualité, confiants en nous-mêmes et forts de notre unité de pensée. Nous aurions pu prendre en charge nos problèmes, nous-mêmes, afin de ne pas laisser intervenir les «autres» en notre lieu et place, comme ils l'ont toujours fait, et nous mépriser de la manière la plus arrogante qui soit. N'avons-nous pas suffisamment de moyens pour devenir des potentialités de progrès et, du coup, persuader les «autres» à accepter notre propre politique, au lieu de nous humilier, d'accepter tous les compromis, d'endurer toutes les dégradations, d'agir contre nous-mêmes en allant vers des alliances incongrues, et enfin nous montrer dans un piteux état d'allégeance et de sujétion, suspendus au bon vouloir d'un tel président américain ou d'un tel autre français? Dans ces conditions, nous démontrons que nous ne respectons ni les recommandations de Dieu, ni la logique de la nature, car les premières nous apprennent que la beauté de la Création divine est perçue en chaque être humain, ainsi, tout être a droit au respect et à la dignité, la seconde exige de nous d'aller à la recherche du bien commun partagé, au-delà de l'individualisme. Mais où sommes-nous de tous ces enseignements, quand plusieurs parmi nous ne disent mot sur une guerre imposée à un peuple frère ou que certains s'associent à sa destruction, comme c'est le cas de quelques zélés qui attisent le feu et exigent le recours aux frappes militaires, pour soutenir, en «dégoûtants laquais», l'aventure franco-américaine? Pour différentes raisons, assurément! Car, si sur le plan des moyens, les Arabes en ont suffisamment, sur celui du courage nous avons un handicap sérieux - pour parler à la première personne du pluriel. Nous avons une sérieuse carence de cette vertu nécessaire qui doit nous secouer pour nous faire comprendre que nous sommes en train de faire tout faux, pour nous faire admettre notre constat d'échec par rapport à l'avance des «autres», dans tous les domaines. Nous devenons de par nos échecs, la risée de tout le monde, y compris de nos peuples qui savent estimer notre faiblesse et, le plus souvent, notre absence de responsabilité. De ce fait, nous avons perdu des points, énormément de points, dans la bataille du développement qui a été imposée au monde par le temps, c'est-à-dire par les exigences de l'évolution qui nous a surpris en plein sommeil. L'Occident, grand bien lui fasse, a su se joindre au train du progrès et de la modernité. Il en a fait bon usage en le prenant au bon moment, et c'est à partir de là qu'il a trouvé le bien-être de son monde tout en pensant à l'avenir de ses générations futures. Alors la question qui nous vient à l'esprit, nous la posons clairement: «L'Occident est-il plus condamnable que les Arabes, au regard de la situation que vit notre communauté aujourd'hui?» Absolument pas! Et pourquoi le serait-il, puisque de par son comportement vis-à-vis de nous, il est en train d'appliquer sa propre politique, son programme pour ainsi dire... Et, de plus, il a le droit de ne pas nous aimer..., bon sang! Où est son mal? L'échec nous vient d'abord de nos différents régimes Par contre, c'est nous qui sommes condamnables, puisque nous n'avons rien fait pour montrer au monde que nous existons réellement sur la scène internationale ou, à tout le moins, que nous sommes maîtres de nous-mêmes, dans notre propre communauté. Rien de rien, même si certains parmi nous, ceux nommés les «pétrodollars», jouent aux bailleurs de fonds (dans son expression la plus vile) pour plaire en soutenant des programmes belliqueux, élaborés dans les officines étrangères contre leurs propres frères, comme déjà expliqué. Ont-ils pensé un jour, entreprendre avec ces sommes astronomiques des programmes intéressants au profit de la communauté, c'est-à-dire pour son avance dans tous les domaines, notamment ceux de la science et du progrès? Que dalle! Aujourd'hui, nous sommes à la traîne de cet Occident. Nous sommes, pour ainsi dire, ses inféodés... En effet, les inféodés de cet «Occident lointain qui est entré dans l'horizon des Arabes» et qui, ce fut un temps, les regardait avec envie, car ébahi par leur avance dans tous les domaines. Ecoutons Roger Garaudy dans ce contexte: «C'est dans l'Espagne d'Alphonse X et dans la Sicile de Fréderic II, tous deux admirateurs passionnés de la culture musulmane, qu'est né l'Occident moderne, dont la civilisation arabo-islamique fut l'accoucheuse et la mère nourricière.» Aujourd'hui, notre «communauté du juste milieu»..., qui était porteuse de culture pendant longtemps, a cédé la place à cet Occident qui a parfait ce que nous avions réalisé depuis des siècles - je retourne à ma première personne du pluriel -, quand la science nous appartenait et quand les recherches et les découvertes s'imposaient en maîtres mots au sein de l'intelligentsia de nos pays qui faisaient croître et briller la civilisation arabo-islamique. Hélas, nous avons fait trop de pas en arrière - après cet âge d'or - et les conséquences sont là, pour nous déconsidérer, pour nous dauber et nous faire comprendre que tout ce qui nous arrive est de notre faute. En effet, et l'échec nous vient d'abord de nos différents régimes qui, au regard des autres à travers le monde, n'ont rien qui puisse nous hisser au diapason de l'égalité, de la justice, en un mot, qui puisse proclamer nos Etats, comme étant des «Etats de droit». Le népotisme, dans nos pays malheureusement, va directement à l'encontre de ce qu'est, par définition, la démocratie. Et de la..., tout est permis, selon notre Prophète Sidna Mohammed (Qsssl) qui nous a laissé cette sagesse: «Si tu n`as pas de pudeur, fais ce que tu veux.» Ainsi, notre façon de gérer est moyenâgeuse, nos souverains et présidents sont éternels, car ils sont de nature contre l'alternance, de même que contre la promotion des jeunes et leur désir de se former et de s'intégrer dans le monde des responsabilités. Nos systèmes de gouvernance sont obsolètes, nos économies, dans la plupart des cas, les suivent et sont toujours au stade des intentions non réalisées. De toute façon, de la manière dont elles sont conduites, elles ne répondent à aucune norme qui nous mette en face de la concurrence internationale. Par la même, il faut dire que les économies de bazar deviennent un drame, partout dans nos Etats arabes, au moment où la jeunesse est livrée à elle-même. La corruption, une véritable «gangrène», comme la désignait le regretté Kaïd Ahmed, se déploie le plus normalement du monde avec son potentiel de nuisance qui est considérable et qui peut constituer une menace sérieuse à n'importe quel processus de réforme que nos pays décident d'engager pour l'avenir. Quant à la justice, elle est «sans appel», parce qu'elle est constamment violée par des aménagements malheureux. La justice dans le Monde arabe est loin de se faire prévaloir et de respecter ses engagements. Alors, en l'évoquant dans cette partie de notre écrit, la nécessité nous oblige à donner cet exemple pour témoigner qu'elle est bel et bien bafouée en nos pays. En Algérie - et nous n'avons certainement pas l'exclusivité de ces pratiques misérables - un tribunal de banlieue, faisant office de «Tribunal administratif» annule une décision du Conseil d'Etat. Tout ceci se déroule dans le silence le plus total et le consentement le plus lâche. C'est dramatique...! Le moins que l'on puisse dire. Ainsi, on peut se poser la question: où sommes-nous par rapport au sérieux de la justice et de sa stricte application quand Dieu déclare dans le Saint Coran: «Ô vous qui croyez! Soyez fermes dans l'application de la justice et soyez les témoins d'Allâh, quand bien même ce serait contre vous-mêmes ou contre vos parents ou vos proches parents. Que ce soit un riche ou un pauvre, Allâh est plus attentif à eux que vous ne l'êtes», (chap. 4, verset 136)? Notre langage demeure démagogique, inaudible et sans goût. Nos discordes, nos dissensions et nos alliances contre nature enveniment notre atmosphère déjà souillée par nos compromis, nos compromissions, nos renoncements, et enfin nos reniements. Notre Islam vit la même situation dès lors que nous avons perdu cette arme qui nous permettait d'avancer. Nous avons occulté l'«Idjtihed», cet effort d'interprétation, et nous l'occultons constamment, sinistrement... Nous privilégions l'exclusion et la pratiquons, comme un précepte sacré, car nous suivons des rites cultuels où abondent l'ignorance et l'obscurantisme. Alors, en agissant de la sorte, nous avons figé la pensée dans une dialectique n'ayant aucune base concrète de sérieux et de désir de s'améliorer, en d'autres termes, nous avons refusé le changement et, par delà, nous avons arrêté le progrès. Notre Islam est mal compris, et c'est pour cela que nous assistons, stupéfaits, à des polémiques sur son fonctionnement, polémiques qui ne cessent de s'amplifier au sein des fondamentalistes, imbus d'arrogance et de violence. Et les querelles vont train sur la manière de porter le «djilbab», (le voile), sur les «nawaqidh el woudhou», (ce qui invalide les ablutions), sur la manière de croiser ou de baisser ses bras lors de l'office, sur l'utilisation du «siwak», sur les différents étages de la géhenne (l'enfer), réservée aux mécréants, enfin autour d'un discours exprimant l'Islam radical, qui exacerbe les passions et crée des intégrismes. (*) Auteur et ancien ambassadeur d'Algérie en Syrie