Face aux protestations contre la levée des subventions sur les carburants, qui a fait bondir les prix de 60%, Omar El Bechir a défendu une décision visant à éviter «l'effondrement» de l'économie. Le président soudanais Omar El Bechir est resté intraitable face aux manifestations sans précédents depuis son arrivée au pouvoir en 1989, mais va devoir entamer un minimum de réformes pour retrouver un semblant de légitimité, estiment des analystes. Les manifestations spontanées contre la hausse du prix du carburant en marge desquelles des dizaines de personnes - 34 selon les autorités, peut-être 200 selon Amnesty International - sont mortes, soulignent l'urgence de réformer pour un régime déjà aux prises avec des guerres, des dissensions dans ses rangs, une crise économique et un isolement sur le plan international. «Pour l'instant, ils ont gagné du temps en mettant un terme aux protestations de façon très ferme», estime un diplomate africain sous couvert d'anonymat. «En gouvernant d'une main de fer, ils vont rester (au pouvoir, ndlr) mais pour combien de temps?», s'interroge de son côté un poids lourd de l'opposition, qui a également refusé d'être identifié. Si le gouvernement n'est pas sorti affaibli du mouvement, les manifestations ont cependant tiré «la sonnette d'alarme», estime-t-il. Le Parti du congrès national (au pouvoir) doit réaliser que les problèmes sont trop graves pour qu'il s'en charge seul, ajoute l'homme politique, qui souhaite un gouvernement d'union nationale. Face aux protestations contre la levée des subventions sur les carburants, qui a fait bondir les prix de 60%, Omar El Bechir a défendu une décision visant à éviter «l'effondrement» de l'économie. Mais pour les manifestants, pauvres pour la plupart, leurs conditions de vie peuvent être difficilement pires qu'actuellement. Depuis deux ans, les Soudanais subissent une inflation galopante, une monnaie en chute libre et un taux de chômage au dessus de 30%. La majeure partie du budget de l'Etat est consacrée à la sécurité et à la défense, selon des analystes, et depuis 1997, le Soudan est sous le coup de sanctions américaines qui limitent l'accès aux financements extérieurs pour aider son économie endettée. La levée des subventions fait partie du programme de stabilisation de l'économie, fragilisée par la partition avec le Soudan du Sud en 2011 à l'issue de laquelle Khartoum a perdu des milliards de dollars de revenus du pétrole. Mais les mesures «sévères» du gouvernement ne sont pas suffisantes, relève Khalid Tigani, analyste et rédacteur en chef de l'hebdomadaire économique Elaff. «Le gouvernement risque, littéralement, la banqueroute», explique-t-il, et «la situation économique va continuer à se détériorer». Si la popularité du gouvernement «est proche de zéro», il ne va cependant pas tomber immédiatement, ajoute M.Tigani, «mais le processus de démantèlement a commencé».Quelque 31 responsables du parti d'Omar el-Béchir ont d'ailleurs fait part au président, dans une lettre rendue publique, de leur désaccord face à la répression des manifestations, qui trahit selon eux les fondations islamiques du régime. Cette lettre risque fort de pousser le gouvernement vers des réformes, estime Safwat Fanous, professeur de sciences politiques à l'université de Khartoum.