Selon un sondage OpinionWay pour la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), rendu public hier, 61% des enquêtés pensent qu'il est plus difficile d'être musulman qu'il y a trente ans. Racisme: la France fait son bilan. Pour la patrie des droits de l'homme, la situation est alarmante. Pour les associations de défense des droits de l'homme, cette enquête retentit comme une claque. «Nos concitoyens nous envoient un grand coup de pied dans les fesses», reconnaît le président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, Alain Jakubowicz, même si 74% d'entre eux jugent que le racisme représente un danger pour la société. Un constat d'échec qui a pratiquement mis dans l'ombre trente années de lutte pour l'égalité et contre le racisme qui ont pris leur essor avec la fameuse «Marche des Beurs» partie de Marseille le 15 octobre 1983 pour s'achever le 3 décembre à Paris. Elles ont tourné en eau de boudin. Preuves par les chiffres. 55% des Français jugent le rôle des associations antiracistes «important», loin derrière l'école, les médias, le monde du sport et les personnalités politiques, mais 74% des sondés avouent «mal les connaître» alors que 86% ne portent pas d'intérêt à leur action. 70% ne les trouvent carrément «pas efficaces». Un fiasco que reconnait et assume Alain Jakubowicz. «Dans les années 1980, on était un peu les rois des dîners en ville. Aujourd'hui, il y a un mythe d'associations liberticides, déconnectées des réalités qui pompent l'argent de la société», constate amèrement le président de la Licra. Place à l'islamophobie. Les Algériens, les Marocains et les Tunisiens sont les plus visés. Selon un sondage OpinionWay pour la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) réalisé en ligne les 2 et 3 octobre auprès d'un échantillon représentatif de 1 003 Français, 61% des enquêtés pensent qu'il est plus difficile d'être musulman ou d'origine maghrébine, pour 56% d'entre eux, qu'il y a trente ans. «C'est clairement la minorité pour laquelle c'est le plus difficile à vivre aujourd'hui en France... Cela s'explique par des événements comme le 11 septembre et les conséquences d'un terrorisme revendiqué par une infime minorité d'islamistes. «En France, les musulmans sont les premières victimes de l'islamisme radical», fait remarquer le président de la Licra. Cinq années de matraquages médiatiques quasi ininterrompus qui ont eu pour vecteurs des débats qui se sont focalisés sur l'identité nationale, la laïcité, le port du voile, la consommation de viande halal... ont exacerbé et fait le lit des comportements islamophobes. Des thèmes sur lesquels ont surfé et proliféré les idées et les réactions xénophobes. La communauté musulmane s'est retrouvée contre son gré au coeur d'échanges et de déclarations verbales dont elle était la cible privilégiée. Des femmes et des hommes politiques de droite et d'extrême droite et même de gauche en mal de réponses aux difficultés économiques auxquelles fait encore face la France (suppressions d'emploi, envolée des chiffres du chômage de celui de la dette publique...) ont entretenu ce type d'amalgame. «Les différents débats sur le halal, les minarets, la burqa, la laïcité, l'identité nationale, l'immigration et les prières des rues ont libéré la parole des extrémistes sans compter les déclarations d'hommes politiques soucieux de se maintenir au pouvoir en déclarant que les musulmans sont un problème pour la France», avait souligné, indigné, Abdallah Zekri, au mois de juillet 2012, le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie. La France n'est apparemment pas près de se débarrasser de ses démons.