Les différentes tentatives d'amener cette région à de meilleurs sentiments ont échoué. Bouteflika fera cette semaine deux escales aussi importantes que symboliques dans le cadre de sa campagne électorale. Le président-candidat sera aujourd'hui à Béjaïa et mercredi à Tizi Ouzou dans une tentative de charmer un électorat pas comme les autres. Il aura tout le mal du monde à troquer sa casquette de président pour celle de candidat à la présidentielle. Les Kabyles recevront cette semaine donc, l'homme dont le règne a été marqué par l'apparition d'une grave crise qui bouclera bientôt sa troisième année. Cette visite intervient également à un moment où le climat électoral est chargé d'électricité. Après un début relativement calme, la violence devient de plus en plus palpable, disputant aux candidats la Une des médias. Des attaques contre les permanences des trois candidats Benflis, Bouteflika et Saïd Sadi font que la violence a pris des proportions alarmantes. Des agressions physiques ont étés signalées visant cette fois-ci les militants et même les candidats. La Kabylie qui constitue le fief de la contestation en Algérie, succombera-t-elle à cette atmosphère? La coordination inter-wilayas des archs a donné le ton en appelant à une grève générale et à des rassemblements pour «contrer la visite de Bouteflika». Les citoyens vont-ils suivre ces mots d'ordre? Il est évident que ce mouvement n'est plus ce qu'il était. Il n'a plus la même vigueur qu'au début de la protestation. Cela est sans doute dû à l'usure et à la lassitude des citoyens qui, après trois ans de crise, n'ont pas vu poindre l'entame d'une véritable solution. Face à cet état de fait, les observateurs en sont à s'interroger sur la teneur du discours que tiendra Bouteflika aux citoyens de Kabylie. Plus précisément quel sort réservera-t-il à l'officialisation de tamazight, puisque c'est précisément sur ce détail qu'a achoppé le dialogue entre le gouvernement et les archs. Au niveau de la direction de campagne du président-candidat, on demeure aussi dans l'expectative. «Nous ne pouvons pas anticiper sur cette question. Le candidat seul détient la réponse», nous a déclaré M.Abdesselam Bouchouareb. Mais la réponse, déjà dévoilée de Bouteflika, n'est pas pour satisfaire ni les archs dialoguistes ni une population qui refuse qu'on «soumette une composante essentielle de notre identité à un référendum». A l'occasion de son intervention dans l'émission «Baramidj», diffusée sur la chaîne de télévision nationale, le président-candidat n'a laissé paraître aucun signe de fléchissement. «L'officialisation de tamazight ne se fera pas sans un référendum.» Bouteflika s'est même permis un point de vue en affirmant: «Je ne connais pas un pays qui possède deux langues officielles.» Bouteflika a-t-il changé d'avis depuis? Notons que le président-candidat s'est déclaré, en 1999, dans le cadre toujours de la campagne électorale à partir de Tizi Ouzou, contre la constitutionnalisation de cette langue. Trois années après, il est revenu sur sa décision en proposant aux deux chambres du parlement le texte portant la constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale. Mais les citoyens gardent toujours en mémoire la mort des civils, la répression de la protestation, notamment la marche de 14 juin 2001, le silence de Bouteflika et «les lapsus» de Zerhouni. Les différentes tentatives d'amener cette région à de meilleurs sentiments ont échoué. Certes, depuis la nomination d'Ahmed Ouyahia, des avancées ont été réalisées, notamment dans la satisfaction «des six incidences». Contre toute attente, le pouvoir a cédé sur la question de la révocation des élus, ou «indus élus» comme se plaît à les qualifier le mouvement des archs. Ce faisant, ce dernier a ouvert les portes à un autre foyer de tension dans la région avec comme nouvel adversaire le parti le plus imprégné dans la région, le FFS, lequel mène de son côté une campagne antivote qui se veut «pacifique». Les «concessions» du pouvoir et le dernier appel du gouvernement n'ont pas eu l'effet escompté. La division qui déchire le mouvement des archs n'a fait qu'exacerber une situation déjà très complexe. Enfin, du côté de la direction de campagne, on se veut rassurant. «Toutes les escales du président sont importantes», nous dira notre interlocuteur.