Aziz Z. est surpris par son patron en train de voler... Il reconnaît... Le juge suit l'avocat... Avant d'énoncer des questions préjudicielles concernant la détention abusive, le client de Maître Lamouri n'ayant pas été programmé dans la semaine, l'avocat s'avança de Khaled Benyounès le président de la section correctionnelle du tribunal d'El Harrach (cour d'Alger) qui avait pris la précaution de remettre au juge une requête et une copie à Fadel Moslem, le procureur. Aziz Z. 21 ans est un employé indélicat qui s'est amusé à fouiner dans le bureau de son patron qui le poursuit pour vol. Et si Maître Benouadah Lamouri s'était préparé pour se jeter dans la «mare» des demandes de l'octroi des circonstances atténuantes, le juge, lui, comme d'habitude, prend des gants blancs en s'adressant à l'inculpé de vol, détenu par ailleurs, depuis un bon bout de temps. «Je suis outré pour plusieurs raisons. L'une d'elles est que vous êtes jeune. La deuxième est que vous avez bousillé votre avenir. Quel est le patron d'une entreprise qui va vous offrir du pain après cette sortie funeste, dévastatrice, honteuse et catastrophique? Que vous a donc sifflé à l'oreille le diable? Parce que je sais par expérience que vous allez dénoncer Satan comme complice.» Alors que le magistrat s'était épongé le front déjà dégarni en cette journée du lundi humide, Maître Lamouri acquiesçait de la tête comme s'il encourageait le juge qui avait été, rappelons-le, c'est utile pour l'histoire de notre justice, stagiaire chez le rusé Maître Lamouri qui devait somme toute être heureux que son ancien poulain d'il y a une dizaine d'années s'en sorte plutôt bien, assis sur le siège du juge. Aziz Z. le détenu était certes debout, mais avait une folle envie de se voir affalé au box des accusés, car il sentait probablement le son d'une cloche du XXVIIIe siècle résonner et donc sur le point de l'étourdir. Fadel Moslem, le parquetier griffonnait sur une feuille volante, on ne saurait vous préciser quoi. Ce qui est certain, c'est qu'il avait un oeil sur son volumineux Code pénal (bilingue) ouvert à la page 108 bis, chapitre III: Crimes et délits contre les biens - Section I - Vols et extorsions et, particulièrement l'article 350 (loi n°06-23 du 20 décembre 2006) qui dispose que: «Quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol et puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans. La même peine est applicable à la soustraction d'eau, de gaz et d'électricité. Le coupable peut, en outre, être frappé pour un an au moins et cinq ans au plus, de l'interdiction d'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 9 bis 1 et d'interdiction de séjour dans les conditions prévues aux articles 12 et 13 de la présente loi. La tentative du délit prévue à l'alinéa précédent est punie des même peines que l'infraction consommée.» Et ce sera le cheval de bataille de Maître Lamouri que cet article de loi bien étoffé. Il s'exclame que son client avait avoué le délit: «Pris par les policiers, il s'est mis de suite à table. Lors de la présentation, il a confirmé l'aveu en ajoutant les regrets. Dans la foulée, il a perdu son poste de travail. Il est jeune. Le procureur a requis un an ferme, le minimum de peine. Faut-il le prendre? le fusiller? Non, M. le président, tout El Harrach, tout Hussein Dey, tout Bab El Oued connaissent votre magnanimité, votre courage pour tendre la perche aux égarés. Aujourd'hui, la défense ne demandera rien. Non je ne demanderai pas la tolérance ni l'indulgence, je supplie le tribunal d'accorder les circonstances atténuantes à cette créature (il dit en arabe: el makhlouq!) qui mérite d'être mise à l'épreuve. Laissez donc son casier vierge. Il a fauté. Il ne le répètera plus avec cette période de détention préventive aux Quatre-Ha», c'est sûr et même certain. Regardez sa mère. Ses yeux sont taris. Elle ne fait que pleurer depuis qu'elle avait appris la très mauvaise nouvelle et surtout aux yeux des voisins et des proches, des proches qui ne demandent qu'à ricaner et à casser du sucre sur le dos de ce pauvre Aziz, oui, un pauvre mec qui n'a jamais songé aux fâcheuses conséquences de son geste!», avait presque hurlé Maître Lamouri qui bombera le torse, tard dans l'après-midi, en apprenant le verdict d'une année d'emprisonnement assortie du sursis. «Un détenu de moins ce soir» soufflera Maître Akila Teldja de passage ce lundi à El Harrach pour une visite de courtoisie à Fethia Benghanem...