A chaque audience de la correctionnelle ou de la crim, Maître Benouadah Lamouri emballe l´assistance. Un récital, un régal, un gala, ce dimanche. Lorsque Maître Lamouri avait été invité à plaider la cause, Abdelghafour D., 25 ans tout rond, avait l´oeil larmoyant, car il venait d´entendre la jeune représentante du ministère public de la section correctionnelle du tribunal de Rouiba (cour de Boumerdès) requérir une peine d´emprisonnement ferme de deux ans pour vol à l´arraché. L´oeil était larmoyant, car durant tous les débats, le jeune détenu n´avait de cesse de clamer son innocence dans ce dossier noir que les éléments des services de sécurité avaient pris en main dès que la victime, Fethia R., étudiante était venue déposer plainte contre une jeune qui venait de lui arracher son portable au niveau des arrêts de bus. Sur le carnet de photos de délinquants, Fethia avait reconnu le malfaiteur. Facile comme B.A., le jeune est vite cueilli à la suite d´une ronde de police dans les environs. Et à la barre, le jeune inculpé aura le même comportement que devant la police judiciaire et le procureur: «Il y avait à mes côtés un autre jeune. C´est lui le voleur. Je l´ai vu opérer. Je ne le connais pas. Je n´ai pas envie d´être la source d´ennuis pour un jeune que je ne connais pas», avait-il martelé plus de dix fois. Et ce sera cette déclaration que choisira Maître Benouadah Lamouri pour combattre l´inculpation. Il s´en servira avec le secret espoir de semer le doute dans les esprits de Belaraoui, le procureur avant qu´il ne cède le siège à Ouahiba Chebaïki qui est toujours sur ses gardes. Il faut vite préciser que sans crier sur tous les toits que la correctionnelle, c´est surtout et avant tout la preuve du délit ou encore les témoins d´un délit. Et ici, la victime venue à la barre persister et signer que le voleur était à sa droite, à la barre et sera plus tard «contrée» par une exclamation comme seul Maître Lamouri sait en «pondre» lorsqu´il s´agit pour lui de défendre un innocent, jeune par-dessus, avec cependant un point noir: que son client soit «fiché» au commissariat de police. «Ce n´est pas pour cela que c´est un délinquant», soulignera le défenseur. Il est bon tout de même de signaler que l´avocat de Dar El Beïda avait cette flamme de tout brûler à cause de ce qu´il qualifie «d´atteinte à la liberté humaine. On ne doit jamais jouer avec la liberté et la dignité des gens.» Et le défenseur de dire toute sa colère devant cette fâcheuse situation qui voit un jeune, certes, connu des services de police, mais point un grand malfaiteur qui fait dans tous les délits. Et de poursuivre avec beaucoup de conviction à l´intention du tribunal et en ayant sa main gauche sur l´épaule de son jeune protégé du jour qui se trouve réellement mieux à la suite de ce geste paternel: «Que l´honorable tribunal nous permette de nous étonner devant les poursuites engagées à l´encontre de mon client. La défense s´étonne, car depuis le début des débats, aucune preuve, ni témoin ne sont venus conforter la position du parquet. A-t-on pris ce jeune avec le portable? A-t-on couru après lui et maîtrisé? Que non! On a montré des photos à la jeune fille qui a été volée, c´est sûr, mais pas par Abdelghafou D.! Et la jeune étudiante a reconnu celui qui se trouvait dans les parages avec le vrai voleur», s´était exclamé le conseil qui allait presque en vouloir aux éléments de la police judiciaire de ne pas avoir mieux poussé les investigations. Il a alors fait l´impasse et le sous-entendu sifflé en direction du juge qui avait suivi presque mot à mot la plaidoirie qui ne s´égosille jamais pour rien. C´est pourquoi, juste après que Abdelghafour D., eut réclamé la relaxe car avait-il articulé, «mon seul crime c´était d´être au mauvais endroit au moment des faits. Quant au voleur, je ne suis pas près de l´oublier. Je n´oublierai jamais son rictus». Maître Lamouri était, lui, en train de s´éponger son large front «victime» d´une méchante calvitie témoin de ses tranchantes interventions, souvent bruyantes mais payantes. Et à l´issue de l´audience, Abdelghafour est relaxé au bénéfice du doute, le juge n´ayant qu´un seul choix: libérer ce jeune...