Un intellectuel allait sortir sa voiture. Mais un 4x4 barre la sortie du garage... Boualem B. est cité à comparaître à El Harrach. L´adversaire, Fatima Zohra, une secrétaire à Air Algérie, elle, pseudo- victime de menaces, est absente à la barre. Cette fâcheuse situation va devoir pousser Maître Mohamed Fethi Gueritli, l´avocat de l´inculpé à protester poliment face à cette redoutable Selma Bedri, la présidente de la section correctionnelle du tribunal d´El Harrach (cour d´Alger). De quoi signifier à la magistrate et surtout au sympathique Moslem Hadef, le représentant du ministère public que lorsque quelqu´un dépose plainte, il a le minimum d´humanisme en se présentant le jour du procès pour signer et persister sa plainte avec éventuellement une confrontation à la barre. Il est vrai que l´article 284 du Code pénal -i-e les menaces, est un gros morceau. Puisque ses termes que nous allons étaler pour une meilleure compréhension de la «chose», sont plus qu´éloquents si le délit s´avérait exact. En effet, l´article en question, issu de l´ordonnance n°75-47 du 17 juin 1975 dispose que: «Quiconque menace par écrit anonyme ou signe, image, symbole ou emblème d´assassinat, d´emprisonnement ou tout autre attentat contre les personnes, serait punissable de la peine de mort ou de la réclusion perpétuelle, et, dans le cas où la menace est faite avec ordre de déposer une somme d´argent dans un lieu indiqué, ou de remplir toute autre condition, puni d´un emprisonnement de deux ans à dix ans et d´une amende de cinq cents à cinq mille dinars. Le coupable peut, en outre, être frappé pour un an au moins, et cinq au plus de l´interdiction d´un ou plusieurs des droits mentionnés à l´article 14 de l´interdiction de séjour.» Or, en l´espèce, la victime a - si on peut écrire - «survolé» sa plainte du fait qu´elle soit employée à Air Algérie, une plainte où les deux nécessaires témoins oculaires ont brillé par leur absence à la barre. Et là, ce n´est pas Bedri la juge qui va souffrir. Loin de là...Et c´est justement à cause d´une bonne lecture de ces lignes que l´avocat de Boualem K. avait regretté que cette secrétaire employée à Air Algérie avait appliqué l´adage bien apprécié des bonnes gens: «Elle me bat, pleure, se précipite et se plaint.» Le défenseur qui s´était défendu d´outrager quiconque a vu que Bedri, la chevelure tombante sur son front dégagé, était très attentive à l´intervention du conseil qui allait alors appuyer sur l´accélérateur: «Madame la secrétaire a été coupable en garant son 4x4 juste devant le rideau métallique du garage de mon client qui avait certes, élevé le ton mais dans la limite de la correction. Eh bien, non! madame, a répondu d´une façon négative et a refusé de déplacer son véhicule comptant sur on ne sait quelques larges épaules pour l´aider à narguer le pauvre Boualem qui ne voulait pas de scandales avec une voisine», a expliqué l´avocat qui haussera les épaules lorsque le procureur avait requis une peine de prison ferme de six mois. Misant sur le bon sens de la juge, maître Gueritli eut tout de même le réflexe de réclamer la relaxe pour une histoire où, si le monde était monde, c´est Boualem la victime d´empêchement de sortie de son véhicule et de stationnement interdit sur les lieux. Rapide comme toujours, Bedri, la présidente prend sa célérité légendaire et proclame la relaxe sur le siège prenant en considération les mots percutants du plaideur qui a su, succinctement poser la problématique de l´arroseuse qui sera déboutée si l´on peut dire, car l´absent ayant toujours tort, Fatma Zohra a raté le vol d´El Harrach - Baraki pour venir confirmer la plainte de menaces. La relaxe prononcée en fin de rôle et d´audience a surtout ravi Maître Gueritli qui ne cessait de s´éponger le front et sa tête chauve.