Vendredi, l'Algérie a commémoré le 59e anniversaire de la Glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954. En vérité, un événement considérable qui a participé à la mutation de la vie des Algériens en leur redonnant leur dignité et en les sortant de la condition «d'indigènes», dans laquelle les avait enfermés la puissance coloniale. Un événement donc mémorable, de dimension universelle, qui a bouleversé la donne coloniale induisant un combat pour les libertés devenu la priorité de la communauté des nations. De fait, ce n'est pas tous les jours que l'on célèbre un tel événement marqué du sceau de l'indélébilité, lorsque l'on sait que ce rituel de la célébration de notre Glorieuse Révolution, a induit la réappropriation de la Nation et notre liberté retrouvée. Evénement devenu épopée, la guerre d'Algérie a fait école. Pourtant, vendredi 1er Novembre 2013 aura été un jour ordinaire en Algérie comme tous ceux qui l'ont précédé ces dernières années: ni manifestation officielle, ni festivités populaires. Les Algériens semblent même totalement désintéressés de l'événement qu'ils n'arrivent pas, sans doute, à le replacer dans la symbolique de notre nation. En un mot, comme en mille, cet anniversaire du déclenchement de la Révolution a encore une fois été placé par pertes et profits. Déprimant! Nous avons évoqué le côté festif - défilés des travailleurs, des contingents de l'Armée nationale populaire (partout dans le monde ce genre d'occasion reste propice pour montrer sa force et ses réalisations) - car les générations des années 1980, 1990 et 2000 n'ont pratiquement pas connu ces moments d'exaltation qui ont réuni les Algériens dans la communion de la liberté retrouvée. Aussi, la coupure a-t-elle été brutale et les nouvelles générations restent sevrées de ces moments singuliers qui disent l'appartenance à une nation. Or, ce 59e 1er Novembre on n'a ni chanté ni dansé, comme il n'y eut ni conférence, ni discours appropriés pour expliquer le sens de notre Révolution. Une Révolution prise en exemple par tous les peuples soumis au joug du régime colonial et quasiment méconnue par les Algériens, toutes générations et conditions confondues. De fait, un sondage organisé pour l'occasion par le quotidien An Nasr (édition du 31 octobre) est révélateur de cette méconnaissance profonde des Algériens de l'histoire de la Révolution et de ses symboles. Très peu des sondés - parmi eux des professeurs, des médecins, des députés et même des moudjahidine et... journalistes - ont été capables de citer les noms des «22» à l'origine de la Déclaration de Novembre et le nombre d'entre eux encore en vie. Faut-il s'étonner de cette ignorance des faits qui participèrent à la libération du pays quand l'histoire - la vacuité des manuels scolaires en témoignent largement - est restée silencieuse autant sur les faits que sur les hommes qui ont été derrière ce bouleversement géopolitique qui a changé la donne coloniale? Notre Histoire est demeurée muette au grand dépit de générations d'Algériens maintenus dans l'ignorance de la grandeur de notre Révolution. Qui en a décidé ainsi? Pourquoi? La question est et reste posée! 1954-2013, combien de livres, de films, de pièces de théâtre, de tableaux picturaux, de conférences et de débats pour dire, montrer et expliquer les cinquante neuf ans d'une Révolution qui a, outre d'avoir changé l'Algérie, imposé dans la nomenclature universelle le thème de la décolonisation? Rien, le néant! En fait, c'est pitié que de voir «l'Unique» donner et redonner des documentaires et films datant de quarante ans! Nonobstant cela, où sont les études historiques, sociologiques, politiques, les conférences et débats censés consacrer cet événement d'une part, raviver les mémoires sur une période charnière du vécu des Algériens d'autre part? Qui sont les hommes qui ont été derrière ce grandiose défi: braver l'alors la quatrième puissance mondiale? Quel a été leur destin avant la Révolution, après l'Indépendance? Quel film, quel tableau de peinture, quelle pièce de théâtre les ont immortalisés? Combien de conférences et débats pour dire, exalter cette oeuvre invraisemblable de révolutionnaires qui ont mis en échec une grande puissance: la France? Beaucoup de questions en vérité, peu de réponses sur des faits qui intéressent au premier chef les Algériens et singulièrement la génération post-indépendance tenue dans l'ignorance de ces pages glorieuses de l'Histoire de l'Algérie écrites avec le sang des Martyrs de la Révolution. Résultat à tout le moins attristant: les Algériens - toutes générations confondues - ne savent pas la valeur de Novembre et sa Révolution qui les élevèrent du rang «d'indigènes» et de «parias» à celui de citoyens libres et leur nationalité rétablie. Attendons 2014 et le 60e?