«Gouverner, c'est tendre jusqu'à casser tous les ressorts du pouvoir.» Georges Clemenceau Alors que Laurent Ruquier, l'animateur de l'émission On n'est pas encore couché ose critiquer un président de la République en exercice et le comparer à une grosse momie maintenue en vie par des fils, un documentaire diffusé sur France 3 a montré que la France aussi possède des présidents malades en exercice. Et c'est un documentaire sérieux que nous avons découvert et qui a été écrit et réalisé par Philippe Kohly, coécrit avec Françoise Fressoz. L'émission raconte leur histoire, celle qu'ils ont, pour la plupart, vécue depuis le début du XXe siècle. Cette histoire est aussi celle des grands hommes, dans l'intimité des événements majeurs qui ont marqué leur époque. Pour la première fois, une émission française de fond braque le projecteur sur la maladie, la capacité réelle des présidents de la Ve République. Le sujet est tabou selon les concepteurs du produit. Le Dr Claude Gübler qui osa proclamer l'incapacité de François Mitterrand dans son livre Le Grand Secret le paya cher: quatre mois de prison avec sursis, radié à vie de l'Ordre des médecins, radié de la Légion d'honneur et de l'Ordre du Mérite. La Cour européenne des droits de l'homme condamna la France pour un tel acharnement. Pour la production, la maladie du pouvoir, c'est d'abord la déraison du roi-président qui s'accroche toujours au trône quel que soit son état physique ou mental. C'est la maladie réelle qui se développe derrière les doubles portes calfeutrées de l'Elysée. C'est enfin la faiblesse de nos institutions face à un risque qui n'est pas théorique: que se passera-t-il le jour où le président, victime d'un infarctus, d'un grave AVC ou d'un attentat, sortira de l'hôpital en gardant des séquelles? De De Gaulle à Pompidou, en passant par Mitterrand et Chirac et enfin Sarkozy, tout est dit sur leurs maladies. Le film les fait vivre de l'intérieur et surtout éclaire leurs conséquences sur le fonctionnement de l'Etat. On parle notamment des derniers Conseils des ministres de Pompidou et de De Gaulle, qui était en fonction, mais surtout de Mitterrand dont le cancer a été déclaré alors qu'il était au pouvoir. Pour donner une force au film, plusieurs ministres, fonctionnaires et hommes politiques ont brisé leur droit de réserve pour s'exprimer sur ce dossier brûlant. On voit apparaître des suppléants: Premier ministre ou secrétaire général de l'Elysée - qui sauvent la face, décident pour le président, mais sans avoir été élus. La question est brûlante et oppose radicalement les témoins, ceux de l'intérieur, les hommes de pouvoir: Edouard Balladur, Hubert Védrine, Frédéric Salat-Baroux, Robert Badinter, et ceux de l'extérieur: les journalistes historiques comme Alain Duhamel, Michèle Cotta, Jean-Pierre Elkabbach, Franz-Olivier Giesbert ainsi que les médecins de François Mitterrand, Claude Gübler et Claude Kalfon de parler. Comme quoi, rien ne sert d'autres pays, il faut d'abord regarder dans sa cour. [email protected]