Depuis le début de l'été, le pouvoir mène une répression implacable des pro-Morsi. Depuis dimanche un nouveau front s'est ouvert, avec le mouvement laïc de la jeunesse, fer de lance de la révolte du début 2011. Les autorités égyptiennes, qui mènent déjà une répression sanglante des islamistes, se sont lancées dans un nouveau bras de fer avec les militants pro-démocratie dont la justice a ordonné l'arrestation de deux figures de proue accusées d'avoir organisé des manifestations. Le 3 juillet, le général Abdel Fattah al-Sissi, commandant en chef de l'armée, destituait le président islamiste Mohamed Morsi disant répondre aux millions de manifestants qui réclamaient trois jours plus tôt le départ du premier chef de l'Etat élu démocratiquement du pays. Dimanche toutefois, le président par intérim promulguait une loi obligeant les organisateurs à prévenir les autorités trois jours avant la tenue de leur rassemblement et réservant au ministère de l'Intérieur le droit d'interdire une manifestation. Décrié par de nombreuses organisations des droits de l'Homme, ce texte prévoit une réponse «graduée» des forces de l'ordre, autorisées à disperser toute manifestation non autorisée. Depuis le début de l'été, le nouveau pouvoir mène une répression implacable des pro-Morsi. Le 14 août, soldats et policiers avaient dispersé des milliers de manifestants lors d'une journée sanglante ayant fait plus de 600 morts selon un bilan officiel. Depuis dimanche un nouveau front s'est ouvert, avec le mouvement laïc de la jeunesse, fer de lance de la révolte du début 2011, qui se lance dans la bataille. Hier, deux militants en vue, Alaa Abdel Fattah et Ahmed Maher, faisaient les frais de cette loi. La justice a ordonné leur arrestation pour avoir organisé mardi deux manifestations illégales, l'une réclamant des sanctions pour les membres des forces de l'ordre ayant tué des manifestants et l'autre, tenue devant le Sénat où siège le Comité chargé de réviser la Constitution, dénonçant le maintien d'un article autorisant les militaires à juger des civils. Le procureur les accuse d'avoir «incité à manifester en contravention de la loi», selon l'agence Mena. Outre MM.Abdel Fattah et Maher, 24 autres manifestants seront placés en détention dans le cadre de l'enquête sur les deux manifestations dispersées avec des canons à eau et des lacrymogènes, dans le premier incident au Caire depuis la promulgation de la loi. Une soixantaine de personnes ont été arrêtées, dont la militante Mona Seif, qui avait lancé dès 2011 une «campagne contre les procès militaires de civils». En signe de protestation, 10 des 50 membres de la Constituante suspendaient leurs travaux, menaçant le calendrier de la transition imposé par la feuille de route annoncée par l'armée le 3 juillet. Quelques heures après, Mme Seif était relâchée, avec 15 autres femmes au milieu de la nuit, à une dizaine de kilomètres au sud du Caire. Douze hommes se trouvaient également avec elles. «Le ministère de l'Intérieur affirme que chacune d'entre nous a été déposée chez elle. Cela veut dire que nous vivons toutes dans le désert», écrit sur un ton ironique Mme Seif sur Twitter. Selon Naglaa Bedeir, mère d'une manifestante, les manifestantes «ont été tabassées avant d'être mises dans un camion. Elles ont roulé longtemps, pour les effrayer, et ont ensuite été abandonnées sur une route désertique». Hier, la police a dispersé à coup de grenades lacrymogènes une manifestation à Alexandrie contre la nouvelle loi, ont rapporté des responsables des services de sécurité. Le gouvernement était pour sa part réuni pour examiner «les événements dans la rue» et «la mise en place de la loi sur les manifestations», rapportait Mena. En adoptant cette loi, «le gouvernement s'est créé des ennemis dans son propre camp», estiment des experts.