Amr Moussa, président du «Comité des 50» pour la révision de la Constitution Depuis septembre, 50 personnalités représentant les différentes institutions du pays - églises, institutions islamiques, armée, police ou syndicats - et plusieurs figures politiques ou de la société civile planchent sur cette révision. Le Comité chargé de réviser la Constitution en Egypte entamait hier son vote final sur le texte qui sera ensuite soumis à un référendum, première étape d'une transition lancée par l'armée lorsqu'elle a destitué le président islamiste Mohamed Morsi. Parmi les 247 articles soumis au vote, plusieurs font polémique en Egypte, notamment parce qu'ils maintiennent les privilèges accordés à l'armée, qui dirige de fait les autorités qu'elle a elle-même installées après l'éviction et l'arrestation le 3 juillet du seul chef de l'Etat jamais élu démocratiquement du pays. Dans la foulée, les militaires suspendaient la Constitution adoptée sous Morsi, accusée d'ouvrir la voie à une islamisation de la législation, et chargeaient les autorités intérimaires de réviser la Loi fondamentale et d'organiser des élections législatives puis présidentielle d'ici la mi-2014. Depuis septembre, 50 personnalités représentants les différentes institutions du pays - églises, institutions islamiques, armée, police ou syndicats - et plusieurs figures politiques ou de la société civile planchent sur cette révision. Les islamistes sont les grands absents de ce «Comité des 50», nommé et non élu, avec deux représentants seulement: un dirigeant du parti salafiste Al-Nour qui a soutenu le coup de force contre M. Morsi, et un intellectuel ayant quitté la confrérie du président destitué, les Frères musulmans, actuellement cible d'une implacable et sanglante répression. Après plus de deux mois de travail, «le comité constitutionnel est parvenu à se mettre d'accord sur l'ensemble de la Constitution, qui a été sensiblement révisée», a affirmé le président du Comité des 50, Amr Moussa, ex-patron de la Ligue arabe et ancien ministre des Affaires étrangères de Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire début 2011. Le vote, qui débutera plus tard samedi doit durer jusqu'à dimanche au moins, a-t-il ajouté. Le texte final sera ensuite remis au président par intérim qui, selon le calendrier de la transition, a un mois pour annoncer un référendum. Plusieurs articles ont déclenché la polémique dans le pays, militants et défenseurs des droits de l'Homme dénonçant notamment l'article 203 qui prévoit qu' «aucun civil ne peut comparaître devant des juges militaires sauf en cas d'attaque directe contre les forces armées (...) leurs équipements (...) et leur personnel». Alors que les militants redoutent une interprétation très large de ces termes, M. Moussa s'est félicité de la reformulation de cet article - déjà présent dans la Constitution précédente -, estimant qu'il «posait clairement» le cadre dans lequel de tels procès pouvaient avoir lieu. La fin des procès de civils par la justice militaire était au coeur des revendications de la révolte de 2011 et le maintien de cette mesure a déjà provoqué des remous. Mardi, 10 membres du Comité avaient ainsi suspendu leurs travaux pour protester contre la dispersion par la force et l'arrestation de dizaines de manifestants réclamant l'abrogation de cet article. Le célèbre militant Alaa Abdel Fattah, déjà inquiété sous le régime Moubarak et sous la junte militaire qui a assuré l'intérim à sa suite, a été arrêté à son domicile, accusé d'avoir organisé ce rassemblement, qui tombe sous le coup d'une nouvelle loi controversée interdisant tout défilé n'ayant pas obtenu l'aval du ministère de l'Intérieur. Hier, c'est un autre militant en vue, Ahmed Maher, fondateur du mouvement 6-Avril à la pointe de la révolte contre Moubarak, qui a dû se rendre à la justice pour répondre d'une autre manifestations mardi, dénonçant notamment la mort de manifestants lors de défilés fin 2011 contre le puissant Conseil suprême des forces armées (CSFA), alors au pouvoir. Le CSFA conserve d'ailleurs dans la nouvelle Constitution un droit de regard sur le choix du ministre de la Défense. Mais, a précisé Mohamed Salmaoui, porte-parole du Comité des 50, cette disposition prévue à l'article 234 ne s'appliquera que durant deux mandats présidentiels, soit huit ans. L'actuel ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée et vice-Premier ministre, est le véritable homme fort du pays où les islamistes, qui avaient remporté les législatives fin 2011, sont réprimés dans le sang. A ce sujet, la future Constitution «interdit la formation de partis religieux ou sur des bases religieuses», a déclaré M. Moussa, précisant qu'un parti pouvait «avoir une identité religieuse mais devait respecter les lois, la Constitution et l'Etat civil égyptien».