L'effacement «palestinien» Le Musée d'art moderne et contemporain accueille depuis samedi une exposition déclinée en trois parties dont la thématique est orientée «contre l'absence». Déclinée en trois parties, elle est compartimentée entre sous-sol, premier et deuxième étage. Le premier espace qui nous introduit dans cette «galerie» des images, indépendantes les unes des autres, est l'exposition consacrée à l'oeuvre de l'architecte Niemeyer, mais revisitée. En effet, Andreas Helmut Rost a, dans une première partie, choisi d'immortaliser avec son appareil photo des pans d'architecture de l'université de Bab Ezzouar dont la conception échoit à Niemeyer. Ses photos exhalent une certaine évanescence vaporeuse autant que d'ombres humaines qui se faufilent au milieu de ces arcs ou toitures qui constituent l'armature ou l'ossature de cette bâtisse. Entre jeux d'ombre et de lumière, l'artiste y insuffle un brin de poésie, un rien de légèreté intime. En face, les cimaises du Mama abritent, une fois n'est pas coutume, des reproductions des gribouillages que les étudiants ont étalés ou produits sur les murs même de cette université. Au départ, nous sommes tout de même surpris par cette démarche incongrue d'autant que les oeuvres n'ont ni nom ni semblent être l'oeuvre originale d'un artiste. Au premier étage officient des photos d'Alger, entre ses passants et marchands, leurs regards expressifs et étonnement dans une déambulation libre à Alger. Que ce soit à l'intérieur de la Grande-Poste ou au niveau de la Casbah, l'artiste Charles Gaines Martin, déjà venu en Algérie par trois fois, notamment en 2009 à l'occasion du Festival international culturel panafricain, y appose un regard extérieur complètement vierge sur notre quotidien banal et effacé. C'est, disons-le, la vision que porte un étranger sur l'Algérie donnant ainsi à voir sans doute pour lui des perceptions émouvantes de notre ville, mais pour les gens d'ici, des photos qui peuvent faire mouche tout simplement. Pas très captivantes en réalité, tant rien de merveilleux ne semble s'en dégager. La beauté réside dans la simplicité dit-on parfois, oui mais là rien ne raisonne en nous lorsqu'on regarde ces photos. Des photos qui s'adressent plus communément, incontestablement au visiteur européen, du moins à un public autre qu'algérien qui trouvera, lui, dans ces photos contemporaines, certes, une piètre fixation classique de notre présent. La seule valeur que l'on pourrait attribuer à ces photos est sa plus-value qu'elle pourrait apporter plus tard, quand elle finira par constituer un document d'archives sur les années écoulées. Notons que Charles Gains Martin a choisi d'intituler son expo Becasue of Algiers (parce que l'Algérie). Un regard sans doute bien tendre, empli d'émerveillement, constamment renouvelé, en perpétuelle découverte. Un coup de coeur pour l'Algérie? Pourquoi pas. Enfin, troisième étape de cette villégiature au sein du Mama et c'est là où réside enfin le degré d'importance de «Contre l'absence» est le Momerta (Museum of manufactured response to absence). Il est composé de plusieurs objets ou pièces d'art relatifs au départ des Palestiniens du Koweït alors qu'une forte communauté y a vécu et participé à sa renaissance entre médecins, architectes, savants et artistes. Dans les années 1990, environ 400.000 Palestiniens en sont partis pendant la guerre d'Irak. Cette expo fait écho ainsi à l'arrivée des Palestiniens au Koweït entre 1936 et 1948 jusqu'aux années 1990. Chaque objet exposé représente une histoire bien particulière, met en relief ou en exergue l'effacement progressif du peuple palestinien ainsi. Une métaphore bien singulière, illustrée notamment par différents outils symboliques, notamment cet aquarium dans lequel gît un livre ouvert aux pages blanches, des figurines faites de craie représentant deux célèbres personnages de divertissement télé pour enfants réalisés avec de la craie susceptible de fondre donc de disparaître. Aussi, ce livre blanc qui se noie correspond à l'effilochement de la mémoire koweïtienne qui n'a su retranscrire cette partie de son histoire. Aussi, la liesse palestinienne de jadis est racontée en filigrane par cette orange géante réalisée en pâte d'amande, comme symbole de l'agriculture palestinienne et ses joies d'antan. Aussi, chaque objet renvoie de façon abstraite à une halte dans le temps mettant en situation un des moments forts de la présence palestinienne au Koweït. Différents objets insolites sont ainsi exposés suscitant réellement la surprise et l'amusement et pourtant leur qualité réside dans le fait d'être rehaussée d'une profondeur inouïe. On retiendra la cocote-minute, la grande lampe noire collée au plafond ou encore ce double robinet qui vient échouer sous un seul tuyau. Notons enfin que le Fiac qui se tient au Mama sera agrémenté de deux autres activités, à savoir une chorégraphie contemporaine de l'Algérienne Nacéra Belaza et une journée d'étude consacrée à ce thème. Ces activités sont prévues les 15 et 16 du mois en cours.