Etre ou ne pas être d'accord avec le président ne constitue franchement pas le propos quand il s'agit de respecter la souveraineté populaire en se présentant à la cérémonie d'investiture de ce dernier. C'est une notion dont le sens, axiomatique, paraît échapper à certains dont le sens de l'opposition politique se passe, si besoin est, du peuple lui-même. La démocratie, puisqu'il faut passer par des rappels dont on aurait pu faire les frais, passe également par le respect et l'acceptation de l'autre. Or, ce sont ceux qui, à en croire les mauvaises langues, seraient inscrits dans le camp des «extrêmes» qui nous ont montré les plus belles leçons dans le domaine démocratique. Louisa Hanoune, prônant l'extrême gauche, et Abdallah Djaballah, connu pour être un islamiste radical, étaient assis côte à côte, hier, au Palais des Nations, à l'occasion de la prestation de serment de Bouteflika. Tous deux candidats malheureux à la présidentielle, conscients d'avoir tout fait pour obtenir de meilleurs scores, ils ne s'en sont pas moins pliés au verdict des urnes, et allés assister à l'investiture du président de tous les Algériens. Les autres candidats ont boycotté la cérémonie, adoptant une position difficilement tenable puisque la sanction, si tant est qu'il y en ait une, ne vise pas tant Bouteflika que le peuple qui a voté pour lui. Cette belle leçon de démocratie ne réduit en rien de la crédibilité et des idées de ces deux partis qui ont chèrement payé leurs lettres de noblesse. Louisa Hanoune, avec sa même liberté de ton qui a fait son succès, notamment lors de cette campagne électorale, a clairement affiché ses «réserves» et ses «appréhensions» par rapport au discours du président. En effet, tout en se montrant satisfaite du fait qu'il indique que chaque problème a forcément sa solution, elle ne se déclare pas moins inquiète de ce nouvel appel au dialogue avec on ne sait qui, et dans quel but. Idem pour les options économiques qui, en attendant d'être explicitées dans le futur programme gouvernemental, mettent en avant la volonté de mettre en oeuvre les privatisations déjà annoncées. Bouteflika, certes, tempère la «manoeuvre» en évacuant les bradages et en insistant sur la préservation des intérêts suprêmes de la nation ainsi que la mise en place d'une plus grande justice sociale dans le pays. Idem pour la politique extérieure du président. Tout en appréciant ses prises de position courageuses par rapport à la Palestine et à l'Irak, Louisa Hanoune attend de voir les actions concrètes allant dans le sens de ces orientations. Seul point absolument positif pour peu qu'il soit suivi rapidement par les actes, aux yeux de cette dame qui n'a jamais compris comment la Constitution peut permettre à une femme de devenir président de la République tout en permettant à une loi inconstitutionnelle d'en faire une mineure à vie, c'est l'insurrection contre le code de la famille et la volonté clairement affichée par Bouteflika de donner tous ses droits (ou presque?) à la femme algérienne. Abdallah Djaballah, souriant, plus sûr de lui que jamais, a préféré ne pas s'attarder dans les coulisses, préférant réserver ses jugements à un communiqué rendu public incessamment par la direction nationale du mouvement El-Islah. Djaballah justifie ainsi sa présence par le fait que son parti «a le même comportement avec tous les chefs d'Etat, quels qu'ils soient, et aussi mal élus soient-ils». Il qualifie le discours de «généraliste, manquant cruellement de points précis attendus par les citoyens algériens». Le mouvement El-Islah, en revanche, s'insurge contre la réforme du code de la famille, tout en souhaitant que la réconciliation nationale ne se confine pas à l'unique volet sécuritaire. Toujours est-il que la présence à la cérémonie de ces deux grandes figures de l'opposition politique algérienne a été fort bien appréciée, y compris par le cercle présidentiel, qui n'a pas manqué de le faire savoir en coulisses.