Les Etats-Unis d'Amérique resteront toujours les Etats-Unis d'Amérique. Avec ou sans Bush. Avec ou sans Obama. On peut tout reprocher aux Américains sauf leur respect, jusqu'à la sacralisation des institutions du pays, de la volonté populaire, des principes de l'alternance et pour tout dire, des règles du jeu démocratique. Quelle belle leçon de pédagogie politique et du vivre ensemble, au-delà des différences de race, de religion et de convictions politiques que les Américains, peuple et dirigeants, ont offert au monde mardi à l'occasion de la cérémonie officielle d'investiture du premier président noir des Etats-Unis. Voir côte à côte, trônant à la tribune officielle, le président sortant George W. Bush et son successeur Barack bérézina, entourés de leurs épouses respectives, l'ancienne et la nouvelle première dame des Etats-Unis échangeant, dans une ambiance de grande convivialité politique, des propos ponctués de larges sourires, c'est plus qu'un rituel dicté par des considérations d'ordre protocolaire. L'image relève d'une grande symbolique qui confère à l'exercice de la politique ses lettres de noblesse. Le président Bush, en bon Texan rocailleux, aurait pu inventer n'importe quel prétexte pour ne pas être de la fête. Non ! Même si au fond de lui-même il n'avait pas le cœur à la fête après la bérézina qu'a connue son camp lors de la dernière élection présidentielle – un échec dont il porte une grande responsabilité de par sa gestion chaotique au cours de ses deux mandats successifs – le respect des urnes et de l'éthique politique faisaient qu'il ne pouvait pas se dérober à ses obligations. Il était là, bien présent, assumant pleinement sa fonction de chef de l'Etat jusqu'à l'ultime instant solennel de la passation du pouvoir, officialisée par la prestation de serment et l'exécution de l'hymne national américain. Il n'y avait aucune fausse note de sa part, aucun geste, aucune moue incontrôlée pouvant être interprétés politiquement. Obama, le nouveau maître des Etats-Unis et du monde aurait pu, lui aussi, tout auréolé de sa victoire éclatante, se comporter en maître de cérémonie, toisant ses adversaires politiques et se délectant jusqu'à l'extase et la provocation de ses instants mémorables. Non ! Il s'est comporté dignement, respectant ses adversaires politiques et la fonction présidentielle dont il hérite à son tour. Le respect du choix populaire et des institutions a été même poussé jusqu'à la caricature et à la théâtralisation. C'est aussi cela, les Etats-Unis d'Amérique ! Mais force est de reconnaître que lors de la cérémonie d'investiture, tout n'était pas que show et effets spéciaux dans le style hollywoodien. L'image était politiquement saisissante et fortement connotée : lorsque les caméras de télévision se braquèrent sur le fauteuil roulant de Dick Cheney, vice-président sortant, se dirigeant vers sa limousine faisant face à la tribune officielle, sous les regards de Bush, d'Obama et des invités, c'est toute l'Amérique, vainqueurs et vaincus, qui se réconcilie avec elle-même. Qui pouvait rester insensible devant cette symbolique qui n'est pas courante dans les mœurs politiques de nos jours, où l'adversaire malheureux qui a trébuché devant l'urne a tenu, bien que souffrant, par sa présence à la cérémonie, à rendre hommage au nouveau locataire de la Maison-Blanche ? L'image était très forte comme l'est la foi et la maîtrise des Américains en leur destin, érigés en droit constitutionnel que rien ni personne ne peut remettre en cause. La meilleure preuve de cette conscience citoyenne élevée en est ces milliers d'Américains, de toutes conditions sociales, métissés comme jamais, venus des quatre coins du pays pour immortaliser ce moment historique de l'investiture d'Obama, malgré le froid et le poids de la crise qui affectent les Etats-Unis et le monde.