Aujourd'hui, il y a lieu de poser une identité algérienne moderne en mouvement. Beaucoup de fantasmes et d'idées fausses ont été construits à dessein à propos des événements sanglants ayant endeuillé la Kabylie, mais aussi à propos de ce qu'il est convenu d'appeler la quête identitaire berbère en Algérie qui remonte à la fin des années trente. Ainsi, la revendication de la reconnaissance officielle de tamazight comme langue nationale «ne pose aucun problème particulier hormis le refus idéologique net des islamo-conservateurs qui, les coudes bien serrés, exploitent admirablement le fonds de commerce du complexe de l'unité nationale menacée et celui du mythe de l'unité panarabe», notera le Dr Dourari. De ce fait, l'officialisation de tamazight passe par une seule condition, à savoir «trouver une réponse à une seule difficulté qui est de l'ordre du scientifique et du sociologique. Cette difficulté s'inscrit dans un cadre formel, une langue commune entre berbérophones.» Pour les spécialistes en la matière et tenant compte des travaux effectués jusqu'à ce jour, «l'idée consisterait à promouvoir au statut de langue officielle, ce qu'on appelle tamazight - générique référant à une langue polynomique (variétés plurielles dont l'unité se retrouve au plan structurel) - en gardant au plan communicationnel et dans le système éducatif, les variétés actuelles telles quelles, car la garantie de la compréhension est fondamentale». Dans ce cadre, la première action à entreprendre consiste en une décision à caractère politique déclarant tamazight, langue officielle suivie par l'instauration d'un centre d'aménagement linguistique de cette langue bien outillé qui obéira aux contraintes scientifiques dictées par le système, mais aussi aux besoins exprimés par la société amazighe. Ce centre aura aussi pour tâche «de construire un registre de tamazight commun à tous les berbérophones» et qui sera employé notamment, dans le domaine formel «car les apprenants seront amenés à l'apprendre», comme ils apprendraient une seconde langue à côté de leur langue maternelle. La mise en place d'un système d'écriture de tamazight qui pose «des problèmes symboliques» d'identification pourrait être tranchée en adoptant les deux alphabets (latin et arabe) pour le début puis «laisser le temps dépassionner» cette question. Ainsi, le mérite de la mise à disposition du savoir est de recoller «les morceaux éclatés» de la mémoire algérienne en la bâtissant sur «un socle culturel et linguistique berbère». Il est évident cependant, qu'il y a lieu de poser une identité algérienne moderne «en mouvement», stable et citoyenne qui intègre les différences, ne les nie pas, «mais n'en fait pas un culte», avancera Dourari.Pour cela, la reconnaissance du plurilinguisme actuel hiérarchisé, mais «évolutif», est un premier jalon dans la voie de la stabilisation identitaire algérienne par la réappropriation de sa mémoire plurielle et par l'ouverture sur le monde dans le contexte décisif de la mondialisation. Finalement, au plan de la philosophie politique, il n'y a aucun problème à ce que les citoyens détenteurs de la souveraineté et de la légitimité exigent de démettre un instrument de leur Etat. Les institutions sont créées, «dans un Etat de citoyens, non pas en vertu d'un acte anthologique extérieur à leur volonté, mais pour répondre aux besoins des citoyens, en tout état de cause, pas pour s'imposer à eux», conclura ce professeur d'université.