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L'Algérie des "valeurs" en deuil
LE MAGICIEN DU FOOT, MUSTAPHA ZITOUNI, NOUS A QUITTES
Publié dans L'Expression le 09 - 01 - 2014

Les Monégasques avec Mustapha Zitouni reçus par les responsables FLN, Ahmed Boumendjel et le commandant Kaci
«Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie. Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau. Toute gloire près d'eux passe et tombe éphémère; Et, comme ferait une mère, La voix d'un peuple entier les berce en leur tombeau! Chaque jour, pour eux seuls se levant plus fidèle, La gloire, aube toujours nouvelle, Fait luire leur mémoire et redore leurs noms!» Victor Hugo (Hymne)
L'ancien footballeur international Mustapha Zitouni est mort dimanche 5 janvier. Nous voulons saisir cette opportunité pour rendre hommage à ces géants, ces révolutionnaires sans médaille sans m'as-tu-vu sans course aux privilèges, qui humblement affirment qu'ils n'on fait que leur devoir. Des milliers d'Algériens se sont battus de toutes les manières possibles pour l'indépendance du pays et l'immense erreur à l'indépendance a été de dicter la norme de ceux qui appartiennent à la famille révolutionnaire et de ceux qui n'y sont pas... Mustapha Zitouni qui avait tout pour être intégré à la société française en tant que brillant footballeur professionnel a préféré de tout laisser tomber et de repartir à zéro pour une certaine idée de l'Algérie.
Il était une fois la Révolution. Rabah Saâdallah et Djamel Benfars débutaient leur ouvrage: «La glorieuse équipe du FLN» de la façon suivante: «Il était une fois des hommes qui sont allés jouer au foot loin de leur pays pour y gagner leur vie. Mais un jour, un des leurs a voulu les réunir, pour cela ils devaient partir, tout quitter, tout abandonner pour servir leur pays. Dès lors, ces joueurs se retrouvèrent comme métamorphosés par l'élan de générosité et de solidarité. Ils ont tout quitté tout laissé et ont suivi la direction que leur dictait leur destin. Destin qui les a conduit au terme d'un long voyage au pays merveilleux de la fraternité où la joie a explosé avec la liberté retrouvée. Leur épopée ne fait pas figure de légende et ses héros en sont presque oubliés. Peut-être vont-ils entrer dans l'Histoire? Une certaine histoire du football algérien. Tout commence avec les architectes de cette épopée, Arribi et Boumezrag chargés par le FLN de mobiliser les joueurs internationaux algériens évoluant en France et connus et reconnus pour leurs talents. La réaction des joueurs professionnels est unanime: «Si Zitouni est d'accord, alors on est d'accord!» C'est dire s'il était une référence.
Mustapha Zitouni et l'aveu des responsables de la FFF
Nous lisons sur le journal Le Monde comment le départ de Mustapha Zitouni a traumatisé le landerneau français à la fois par la perte d'un défenseur pour l'équipe nationale mais aussi par l'immense publicité pour la cause de la Révolution: «Défenseur rugueux et puissant, il faisait partie des dix joueurs qui ont choisi de partir en clandestinité, en avril 1958, pour former la première équipe de football d'Algérie, quatre ans avant l'indépendance du pays, à l'appel du Front de libération nationale (FLN). A l'époque, Mustapha Zitouni, 30 ans, était un des piliers de l'équipe de Monaco, et une valeur sûre de l'équipe de France, aux côtés de Raymond Kopa ou de Just Fontaine. Retenu à quatre reprises dans l'équipe tricolore, il devait faire partie de la sélection française pour la Coupe du monde 1958, disputée en Suède.» (1)
«Contacté par le FLN, comme la plupart des footballeurs d'origine algérienne évoluant en métropole, Mustapha Zitouni avait finalement choisi d'abandonner ses ambitions en équipe de France et de quitter de nuit Monaco pour rejoindre la direction du mouvement clandestin à Tunis. Sa défection, en compagnie de celles d'autres internationaux français comme Rachid Mekhloufi ou Abdelaziz Bentifour, provoquera une tempête dans l'opinion publique française et contribua à médiatiser le conflit algérien, but ouvertement recherché par la direction du FLN. Pendant quatre ans, Mustapha Zitouni a vécu l'épopée de cette équipe nationale non reconnue par la Fédération internationale de football (FIFA), qui disputa plus de quatre-vingts matchs de propagande pour la cause algérienne dans le monde entier. Mustapha Zitouni a porté, de 1958 à 1964 près de cent fois le maillot de l'équipe d'Algérie.» (1)
Même hommage du côté de la Fifa, nous lisons cet hommage: «Quelques heures après Eusebio, légende portugaise née au Mozambique, la famille du football a perdu un autre de ses enfants nés sur le sol africain... Exemplaire et incontournable sur le Rocher, Zitouni se voit logiquement récompensé par une sélection en équipe de France. Il a presque 30 ans lorsque, le 6 octobre 1957, il porte pour la première fois le maillot bleu contre la Hongrie. Trois autres convocations viendront par la suite, dont une en mars 1958 face à l'Espagne (2:2) restée dans les mémoires pour le duel qu'il livra à l'illustre Alfredo Di Stefano, alors considéré comme le meilleur attaquant du monde. La légende raconte que le Real Madrid fut tellement impressionné que ses dirigeants tentèrent de recruter le défenseur français. Mais l'opération ne prendra jamais forme, tout comme l'avenir doré qu'on lui promettait en sélection. Devenu concurrent du pilier du Stade de Reims Robert Jonquet, Zitouni semble destiné à prendre sa place dans la défense tricolore lors de la Coupe du Monde de la FIFA, Suède 1958. Mais le destin avait d'autres plans pour Zitouni qui, une nuit d'avril 1958, quitte clandestinement l'Hexagone pour rallier la Tunisie où ils forment l'équipe du Front de Libération Nationale algérien. Avec cette formation dont la seule motivation est la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, (...) C'est sur la Côte d'Azur, où il avait écrit les premières pages de sa carrière sportive, qu'il a également vécu les dernières années d'une vie qui ont fait de lui une légende du sport roi algérien et français.» (2)
Le FLN historique sur tous les fronts
Devant l'anomie actuelle de ce qui reste de ce parti mythique du parti, devenu synonyme de passe-droits, de combines en tout genre pour s'accaparer le pouvoir et les prébendes qui vont avec... je veux porter témoignage qu'il n'en a pas été toujours ainsi et le FLN n'était pas ce qu'il est. Non! Mille fois non! Je ne veux garder du FLN que l'héroïsme de chacun pendant la révolution. A côté des glorieux combattants du maquis, il y eut aussi les autres, qui ont affronté la mort, dans les maquis, dans les prisons qui ont péri sous la guillotine, qui ont donné une aura à la cause au plan diplomatique ou sur des terrains de foot où ils ont fait vibrer une centaine de fois l'hymne dans toutes les capitales du monde
Je veux rapporter deux facettes de ce FLN mythique: d'abord, la glorieuse équipe du FLN. Nous lisons sur l'encyclopédie Wikipédia: «L'Equipe du Front de libération nationale algérien de football surnommée aussi le onze de l'indépendance, est une formation constituée principalement de joueurs professionnels qui évoluent en France métropolitaine avant de rejoindre le mouvement révolutionnaire pour l'indépendance de l'Algérie, le Front de libération nationale (FLN), et de l'aider en organisant entre autres des matchs de football. L'équipe est fondée le 13 avril 1958. Le rôle de cette équipe est avant tout psychologique pour montrer aux Français de métropole que même des footballeurs professionnels s'impliquent dans cette cause, quitte à renoncer à leur statut. L'équipe du FLN signe une tournée mondiale d'environ quatre-vingts rencontres, notamment en Europe, en Asie et en Afrique. Ces matchs font connaître à travers le monde la cause algérienne et sa guerre d'indépendance. L'équipe existe de 1958 à 1962, laissant place en 1963 à l'équipe d'Algérie de football.. Selon le FLN, le sport peut être exploité pour l'indépendance de l'Algérie, comme cela a déjà été fait dans le secteur militaire, syndical, étudiant ou culturel en créant des organisations ou des syndicats autonomes et musulmans. De plus, afin d'établir une équipe de football capable de se confronter aux meilleures équipes du monde, il semble nécessaire qu'elle se compose de joueurs professionnels. Le communiqué du FLN du 15 avril 1958 qualifie ces joueurs de patriotes prêts à tout sacrifier pour l'indépendance de leur nation et les présente comme un exemple de courage pour les jeunes Algériens. Effectivement beaucoup de joueurs qui avaient fait une carrière, exceptionnelle ont, du jour au lendemain tout abandonné (confort, carrière, voire provisoirement leur famille). Dans son ouvrage Rabah Saâdallah a tenu à rendre hommage, à sa manière, à cet irrésistible ambassadeur du peuple algérien que fut l'équipe de football du Front de libération nationale. On comprend Omar Boudaoud le responsable de la Fédération de France quand il déclare: «Ça a eu un retentissement extraordinaire. Je peux dire que les joueurs algériens ont quitté le territoire français et que les journaux ont en parlé alors, c'était dans les cafés, dans toutes les bouches de métros, partout à Paris, partout en France on ne parlait que de cela, c'était un grand évènement!». (4)
Mekhloufi une autre gloire de la glorieuse équipe du FLN, en parle: «Pour l'Algérie, il avait même décliné une offre du Real Madrid» «Parce qu'il avait muselé Di Stefano, Santiago Bernabeu lui avait offert un chèque en blanc» Le football algérien a perdu un de ses grands symboles historiques. (...) C'est que, répondant à l'appel du devoir, il prit une décision patriotique historique: renoncer au Mondial pour rejoindre l'Equipe du FLN afin de faire entendre, sur les terrains de football, la voix de l'Algérie combattante, renonçant ainsi à une brillante carrière internationale».(5)
«L'Algérie a perdu un monument. C'était un grand joueur, l'un des meilleurs défenseurs de tous les temps, mais aussi un homme au grand coeur, aussi discret dans la vie qu'il était efficace sur les terrains.» Contre l'Espagne, il avait complètement étouffé Alfredo Di Stefano, meilleur attaquant au monde à l'époque, et le patron du Real a estimé qu'un défenseur qui réussit à museler son meilleur joueur mérite de jouer pour son équipe. Zitouni a refusé, préférant défendre la cause de l'Algérie combattante. Au total, 83 matches ont été livrés contre les sélections des pays frères au cours desquels 57 victoires ont été signées par les footballeurs-moudjahidine, dont (6-1) face à laYougoslavie et (5-2) devant la Roumanie. On sait que la Fifa refusa de reconnaître les matchs sous les pressions de la France...
Pour Mekhloufi: «Politiquement, le premier match de l'Algérie en Tunisie marquant fut celui, lors d'un tournoi maghrébin au stade Zouiten de Tunis, un terrain en terre battue. Il y avait des maquisards avec leurs armes dans les tribunes. Pour la première fois, l'hymne algérien, le drapeau, les maquisards, ça fait quelque chose... C'était le Maghreb uni, en mai 1958. En Pologne, où on n'a fait qu'un seul match. Les dirigeants polonais ne voulaient ni hisser le drapeau algérien ni faire jouer Kassaman, notre hymne national, auquel on tenait avant chaque match. Hors de question! On a prévenu nos dirigeants: ́ ́Dites-leur qu'on ne joue pas! ́ ́ Et les Polonais ont cédé. Ces matchs, il fallait qu'on les gagne.»
Mekhloufi regrette une chose: le manque de reconnaissance nationale à l'égard des footballeurs ayant servi le pays de manière désintéressée. «Le Portugais Eusebio est mort également dans la nuit de samedi à dimanche, comme Zitouni, mais lui a vu son corps exposé au stade de la Luz de Lisbonne et un deuil national de 3 jours décrété. Quant à Zitouni... Wal fahem yefham...»
Où en sommes-nous maintenant?
S'il est vrai que le football est un soporifique puissant, outre l'Etat, les médias écrits et audiovisuels ont participé à la déification de martiens qui, en définitive, non seulement n'ont rien apporté au pays ni sur le plan éthique, ni sur le plan de l'identité, mais aussi ont durablement rayé le logiciel du vivre-ensemble, du travail bien fait, du mérite dans la durée et non pas dans l'éphémère d'un match de foot où le jeune conditionné à consommer du virtuel se trouve dégrisé avec des lendemains qui ne chantent pas pendant que les mercenaires du ballon rond rentrent chez eux dans les banlieues françaises pour aller frimer aux frais du contribuable algérien ou plutôt de la rente qui est de ce fait bradée à toute vitesse croyant de ce fait perpétuer une paix sociale basée sur un malentendu. (6)
Dans le même ordre d'idées de ceux qui ont fait la Révolution, il y eut aussi la troupe artistique du FLN qui eut un rôle important en ce sens qu'elle devait combattre la tabula rasa et affirmer l'identité algérienne à travers son histoire. Cette troupe a été créée en 1958 par feu Mustapha Kateb, qui en a assuré la direction, pour dire, jusqu'à l'indépendance. Ces exemples ne sont pas fortuits, ils sont là pour montrer que le moteur des actions des Algériens de ce temps était l'amour du pays et non une quelconque position sociale pour l'accès au râtelier de la République pour en user et en abuser. La considération symbolique de ces étoiles est telle que cinquante ans après, Mekhloufi a sa place à vie dans la tribune d'honneur au stade de Saint Etienne et de Lyon. Plus près de nous on dit que les joueurs de l'équipe du Mondial de 1982 digne héritière de l'équipe du FLN se virent gratifiés de téléviseurs Sonacat ou de réfrigérateurs Eniem! C'est dire si le drapeau et l'hymne avaient un signifiant.
Les marchands de rêve qui nous amènent les Messi, les Maradona dont on a acheté à prix d'or leur déplacement en Algérie ont rendu un très mauvais service à l'Algérie de ce XXIe siècle qui va chercher sa légitimité ailleurs. Il faut restituer le FLN marqueur indélébile de la dignité et de l'Histoire de l'Algérie, à toutes les Algériennes et tous les Algériens sans exception et non le laisser otage d'une «évanescente famille révolutionnaire». La vraie identité des Algériens est ce droit et ce devoir de «vivre ensemble que l'on soit de l'Est ou de l'Ouest, du Nord ou du Sud.» A quand alors, la reconnaissance des vraies légitimités, la transition graduelle vers la légitimité de la compétence, seule capable de faire sortir l'Algérie des temps morts et du piège du roukoud multiforme qui fait son miel d'une rente gaspillée frénétiquement? Reposez en paix Si Mustapha, l'Algérie profonde vous admire.
1. http://www.lemonde.fr/sport/article/2014 /01/06/l-ex-footballeur-mustapha-zitouni-est-mort_4343405_3242.
html#xtor=EPR-32280630-[Avosmarques]-20140106-[titres_principaux]
2. http://fr.fifa.com/classicfootball/news/newsid=2257486/
3. http://www.lexpressiondz.com/chroniques /analyses_du_professeur_chitour/180227-de-quoi-sera-fait-l-avenir.html
4. Rabah Sa^zdallah, Djamel Benfars: La glorieuse équipe du FLN. p. 100. Enag Alger 2010
5.http://www.liberte-algerie.com/dossiers-sportifs/un-glorieux-revolutionnaire-nous-quitte-mustapha-zitouni-213337
6.http://mobile.agoravox.fr/tribune-libre/article/pour-en-finir-avec-le-canular-145544


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