Les toiles exposées, couvrant la période allant de 1958 à 1992, étaient un témoignage vivant de toutes les périodes qu'a traversées cet artiste- peintre. Plus d'une quarantaine de toiles de l'artiste-peintre Choukri Mesli, trônaient mercredi dernier majestueusement, sur les murs de la galerie du Centre culturel algérien (CCA), à Paris, à la faveur d'un vernissage organisé en hommage à cet artiste de renommée mondiale, et un des fondateurs de la peinture moderne algérienne. Oeuvres de jeunesse, jusqu'à la maturité, les toiles exposées, couvrant la période allant de 1958 à 1992, étaient un témoignage vivant de toutes les périodes qu'a traversées cet artiste- peintre qui fit de la représentation de la femme le thème central de son inspiration, traversant l'histoire et la portant comme un étendard pour exprimer la sensualité, la sensibilité, mais aussi la violence. Scrutant chaque oeuvre sur papier, réalisée à la gouache ou à la craie, en noir et blanc, le public ne cachait pas son admiration devant le génie d'un artiste dont la pudeur et la discrétion, ne révélent pas moins la présence majeure d'un homme qui raconta les états d'âme d'un peuple dont il revendiquait l'appartenance. Il subit et exprima, aussi bien les blessures infligées par la période coloniale, que les meurtrissures de l'exil provoqué par une période de violence terroriste, faite de soubresauts et de déchirements, et qui faucha des milliers d'intellectuels dont certains se comptaient parmi ses amis. Son âge avancé et sa santé très précaire, ne lui ayant cependant pas permis de se déplacer pour constater et mesurer l'hommage chaleureux qui lui a été rendu en cette soirée, c'est son fils Tarik qui lut le message qu'il a transmis au public venu honorer son oeuvre. «La peinture a été pour lui à la fois une passion, avec ses doutes, ses souffrances et ses joies et un instrument de libération», dira son fils. «Si son oeuvre témoigne de son combat pour s'affranchir de l'académisme et des présupposés de sa formation à l'époque coloniale, elle affirme le droit aussi d'exister dans sa différence dans une Algérie diverse, égalitaire et fraternelle, telle qu'il l'a rêvée», ajouta-t-il. «Plus particulièrement, elle appelle au dévoilement, et à l'émergence des femmes sans lesquelles son pays ne saurait exister dans son intégrité», a-t-il souligné. A l'occasion de ce vernissage, le film- documentaire Choukri Mesli, peintre et passeur de rêves du réalisateur Mostéfa Djadjam, produit en 2012, a été projeté en avant-première devant le public du CCA. D'une durée de 60 mn, ce documentaire dessine le portrait et retrace le parcours militant et artistique de ce peintre qui s'empara des pinceaux pour traverser le temps et témoigner de son époque. Avec rigueur et sans fioritures, Mostéfa Djadjam, mis face à la caméra, aussi bien Choukri Mesli que d'autres artistes-peintres aussi brillants les uns que les autres, tels que Denis Martinez, Bachir Yelles, de même que des écrivains qui témoignèrent des nombreux combats que Mesli mena et qui trouvèrent une résonance dans ses oeuvres multiples. Qu'il s'agisse de son parcours militant anticolonial, de son implication dès l'indépendance pour la réouverture de l'Ecole des beaux-arts où il a longtemps enseigné, ou encore la fondation avec d'autres artistes du Mouvement Aouchem (tatouage), le documentaire retrace avec force détails, la vie passionnante de cet artiste issu d'une famille d'intellectuels et de musiciens et qui contribua à l'épanouissement de la peinture algérienne après avoir suivi une formation académique aux Beaux-Arts d'Alger et de Paris.