Tout le monde aura remarqué le tapage qui a été fait en France autour de l'affaire de l'humoriste Dieudonné. Tout le monde aura aussi remarqué le silence sidéral observé par le monde de la culture dans cette affaire. Pourquoi? Elémentaire, voyons!... L'affaire de l'humoriste français, Dieudonné M'Bala M'Bala n'en finit pas de faire des vagues en France. Lors de sa conférence de presse, mardi dernier, le président français, François Hollande, a expliqué sa position contre le spectacle de Dieudonné intitulé Le mur plusieurs fois interdit par la justice française. Pour lui, l'interdiction de ce spectacle qui, selon toutes les informations, est jugé antisémite, est dictée par «les troubles majeurs à l'ordre public» auxquels s'expose son pays. Des «troubles majeurs» qui faisaient craindre des émeutes, vu les contre-manifestations prévues dans toutes les villes de France où devait se produire Dieudonné. Ce qui laissait entrevoir un «printemps arabe» dans l'Hexagone. Moins direct que nous, Hollande a préféré ajouter qu'il ne permettrait à personne de s'en prendre «ni aux juifs, ni aux musulmans, ni aux chrétiens». Vu sous cet angle, la détermination du président français est plus que justifiée. D'ailleurs, Dieudonné, au cours de sa longue carrière, n'a épargné aucune de ces trois religions. En 2002 et alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle française, il a déclaré au magazine Lyon Capitale «Juifs et musulmans pour moi, ça n'existe pas». Deux années auparavant, il s'en était pris, dans une interview à France-Soir, à «l'Eglise catholique (qui) cautionne l'argent, la différence et le racisme». Après on peut disserter sur le pourquoi de sa condamnation seulement pour ses propos anti-juifs et jamais lorsqu'il s'en est pris aux deux autres religions. C'était avant la présidence de François Hollande. Visiblement, désormais Dieudonné est dans le collimateur de l'Etat français qui est décidé à ne plus le laisser s'attaquer à l'une ou l'autre des trois religions. Voilà qui éclaire mieux la position du président Hollande qui tient à la sécurité dans son pays. Dans le même temps, la ligne éditoriale de Dieudonné s'obscurcit. On sait qu'il faisait la paire en 1990 avec Elie Semoun, un autre humoriste, juif d'origine marocaine et qu'ils se sont séparés en 1997 pour un litige financier. On sait aussi que Dieudonné traitait, à la fin des années 1990, le parti Front national de «cancer» et qu'aujourd'hui il s'est rapproché de cette formation des Le Pen. Un parcours sinueux que celui de Dieudonné. Sa seule ligne droite en matière de combat politique reste ses attaques contre l'esclavage des Noirs dont il a voulu faire un film qui n'a pas été possible à cause des «autorités sionistes» accuse-t-il. Difficile de se faire une idée précise sur ce personnage très complexe. Ce n'est, de toute manière, pas notre but. Par contre, nous avons été frappés par le silence sidéral du monde de la culture durant toute la semaine qu'a duré le «match» qui a opposé Dieudonné aux tribunaux français. Pas un acteur, pas un musicien, pas un écrivain, pas un cinéaste, pas un humoriste, rien, aucune voix d'intellectuel français ou résidant en France n'a été entendue. Ni pour soutenir Dieudonné, ni pour le condamner. Au pays des droits de l'homme, mille fois rabâché, c'est tout de même étonnant. D'autant que lorsqu'il y a eu l'affaire des caricatures antimusulmanes publiées par la revue Charlie Hebdo, tous ces valeureux hommes de culture ont défendu, à qui «mieux mieux», le droit à la liberté d'expression. Le même courage et la même intensité que pour défendre Sulman Rushdie et son livre satanique quelques années auparavant. Il faut savoir que dans le milieu culturel français, c'est la pensée unique qui a cours. Un milieu aux codes non écrits mais connus et respectés par tous les membres. Comme dans toutes les sectes. Pas un homme de culture, qu'il soit peintre, musicien, acteur, cinéaste, écrivain ne peut connaître la gloire s'il ne s'y soumet pas totalement. Peu importe que le talent soit au rendez-vous ou pas. Le navet et le chef-d'oeuvre ne se «décident» qu'au degré d'allégeance et de soumission de son auteur. Ce n'est un secret pour personne. Tous les Français le savent. L'intérêt d'une telle information pour les Algériens est lié au fait que nous avons des compatriotes parmi les «brillants» hommes de culture qui réussissent en France. Croire qu'il n'y a aucune contrepartie pour avoir droit au succès et à la célébrité en France dans le «show-biz» comme on dit, c'est verser dans l'angélisme. Dans tous les cas, les hommes de culture venant de l'étranger ne «réussissent» que pour un temps en France. C'est la pratique du «kleenex». On l'a vu pour le raï. On l'a vu pour le terrorisme et ses «spécialistes». Le «tarif» est le même pour le cinéma. Pour la littérature. Pour toutes les productions culturelles. Ceci dit, on peut, sans risque de se tromper dire que le silence sidéral, face à l'affaire Dieudonné, de ce monde de la culture n'étonne que les non avertis. On voit mal des artistes se levant pour défendre la liberté d'expression et partant, l'humoriste. Ce ne serait plus du courage, mais un suicide. Comme nous ne sommes plus à l'ère du commerce des idées mais à celle du commerce sans les idées, il n'y a plus de dignité qui tienne. Dieudonné? Qui c'est «çui là»? [email protected]