Les négociateurs du régime syrien et de l'opposition ont été réunis brièvement hier dans un salon du siège de l'ONU à Genève pour la toute première tentative de négociations directes visant à régler le conflit syrien. Les deux camps se sont retrouvés peu après 09H00 GMT dans la même pièce pour écouter pendant une trentaine de minutes le discours d'introduction du médiateur de l'ONU pour le conflit syrien, Lakhdar Brahimi. Représentants du régime syrien et opposants sont entrés dans la pièce par des portes différentes, se sont assis face à face et ne se sont pas adressé la parole. Leur rencontre s'est tenue à huis clos, loin des caméras et de la presse. Tout le monde devait se retrouver dans l'après-midi pour réellement entrer dans le vif du sujet. Les négociateurs des deux camps ennemis pourront alors se parler «par Lakhdar Brahimi». Le négociateur en chef, côté régime, est Bachar al-Jaafari, ambassadeur de Syrie à l'ONU. Celui côté opposant est Hadi al-Bahra, ingénieur de formation et intellectuel. Les chefs des délégations, le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem et le chef de la Coalition syrienne Ahmad Jarba, ne participent logiquement pas aux négociations. «Nous sommes prudemment optimistes», a réagi Anas al-Abdé, un des opposants présents dans la salle de négociations juste après la rencontre. «Lors de la deuxième rencontre, il s'agira de parler de cessez-le-feu et des problèmes humanitaires», a estimé Anas al-Abdé. «Dans les premiers jours ou les premières semaines, les négociateurs en chef parleront à M. Brahimi, mais pas directement l'un à l'autre», a souligné M. Abdé. Selon un autre responsable de l'opposition présent à Genève, Ahmad Ramadan, les négociations se concentreront d'abord sur le sort de Homs, ville du centre de la Syrie assiégée par les troupes loyalistes depuis presque 600 jours. Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Moqdad a admis que la «situation à Homs, à Alep et ailleurs mérite d'être discutée». «Mais aujourd'hui, nous ne discuterons pas de ces thèmes qui ont besoin de temps et de consultations. On parlera de questions générales, de questions essentielles qui ne divisent pas les Syriens», a martelé le dignitaire syrien. Les négociations auraient dû commencer vendredi, mais l'ONU et les Syriens ont perdu 24 heures après le refus de l'opposition de s'asseoir à la même table que le chef de la diplomatie syrienne. La raison? Damas n'a pas accepté ce qui constitue une ligne rouge pour l'opposition et les Occidentaux: la reconnaissance par le régime du principe d'un gouvernement de transition conformément au texte adopté par les Russes et les Américains en juin 2012 lors de la conférence de Genève 1. Après d'intenses discussions avec les deux délégations, Lakhdar Brahimi avait finalement convaincu les protagonistes d'être présents hier pour une première rencontre. Vendredi, le refus de l'opposition avait entraîné les menaces du gouvernement syrien de plier bagage. Artisan de ces négociations visant à trouver une issue à la guerre en Syrie qui a tué plus de 130.000 personnes depuis mars 2011, M. Brahimi a exclu qu'une délégation quitte la négociation précipitamment. Régime et opposition divergent sur l'interprétation du contenu de Genève 1, signé entre les grandes puissances en 2012 et prévoyant une période de transition. Les opposants à Bachar al-Assad réclament que celle-ci implique nécessairement un départ du président, tandis que Damas rejette ce scénario et parle d'un gouvernement d'union. Le premier cycle de négociations est censé durer «jusqu'à la fin de la semaine prochaine», soit le 31 janvier. Les chances de succès sont plus que minimes de l'avis des diplomates et observateurs tant le fossé est grand entre opposants et partisans du régime. Une partie de l'équation tient également à la capacité des «parrains» des deux camps, les Etats-Unis pour l'opposition et la Russie pour le régime syrien, à peser et à manoeuvrer en coulisses.