Les pourparlers de paix pour la Syrie sont partis sur de mauvaises bases vendredi à Genève après l'échec de l'ONU de réunir dans la même pièce les délégations syriennes au tout premier jour des négociations. L'émissaire de l'ONU pour le conflit syrien, Lakhdar Brahimi, souhaitait réunir émissaires du président Bachar al-Assad et membres de l'opposition en exil à 10H GMT pour une réunion, dans la même pièce, où seul le diplomate onusien aurait pris la parole. Mais c'est finalement en ordre dispersé que la conférence de paix de Genève II va commencer. Lakhdar Brahimi aura donc des entretiens à 10H GMT avec la délégation de Damas conduite par le très chevronné ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem, selon une porte-parole de l'ONU à Genève Alessandra Vellucci. Il rencontre les opposants conduits par le chef de la Coalition syrienne Ahmad Jarba à 15H GMT, selon Mme Vellucci. "Il faut être patient et voir le processus se développer", a ajouté la porte-parole. "Il faut d'intenses discussions pour savoir quelle procédure nous allons suivre", a-t-elle souligné. Selon des sources dans les deux délégations, l'opposition a refusé de s'assoir à la même table que le régime en arguant du fait que le gouvernement syrien devait accepter le principe d'un gouvernement de transition sans Assad avant toute négociation directe. "Le problème de ces gens est qu'ils ne veulent pas faire la paix, ils viennent ici avec des pré-conditions", a accusé le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Moqdad. Arrivés jeudi à Genève après une conférence sous tension à Montreux qui réunissait une quarantaine de pays et d'organisations, les deux délégations devaient enfin entamer un face-à-face pour tenter de mettre fin au chaos meurtrier qui a déjà fait plus de 130.000 morts en Syrie et a forcé des millions de civils à abandonner leurs maisons ou à s'exiler. Diplomates et observateurs se font peu d'illusions sur l'issue de ces négociations mais rappellent que le simple fait que les deux camps acceptent de venir à Genève est en soi un événement. Le premier cycle de négociations est censé durer "jusqu'à la fin de la semaine prochaine", soit le 31 janvier. "Nous savons que cela prendra du temps, et si cela doit prendre un jour de plus, cela prendra un jour de plus. Nous savions que ce ne serait pas un processus facile", a également indiqué un haut responsable du Département d'Etat américain. La question du sort de Bachar al-Assad reste le principal motif de désaccord, l'opposition posant comme principe son départ et la constitution d'un gouvernement transitoire où il ne jouerait pas de rôle, le régime rejetant cette idée. Faute de consensus sur cette question centrale, Lakhdar Brahimi pourrait se concentrer, ainsi que les Occidentaux et les Russes, sur la recherche de premières mesures visant à soulager la population. M. Brahimi a évoqué des "indications" sur une disponibilité des délégations à discuter de l'acheminement de l'aide humanitaire, de cessez-le-feu localisés, notamment à Alep, et d'échanges de prisonniers. Selon une source diplomatique, l'opposition pourrait mettre sur la table l'idée d'"aide humanitaire couplée à des cessez-le-feu localisés" dès le début de la négociation. Une partie de l'équation tient également à la capacité des "parrains" des deux camps, les Etats-Unis pour l'opposition et la Russie pour le président Bachar al-Assad, à peser et à manoeuvrer en coulisses. Mercredi à Montreux, le chef de la diplomatie américaine John Kerry n'a pas mâché ses mots contre Damas et réitéré son exigence qu'Assad quitte le pouvoir. La Russie pour sa part a montré un soutien ferme mais sobre au régime. Et nul ne sait comment dans ce "grand jeu" de luttes d'influence et de bluff diplomatique, Occidentaux, Russes, monarchies du Golfe et Syriens vont avancer leurs pions.