L'Institut international de la presse (IPI) a demandé hier aux autorités judiciaires égyptiennes d'abandonner les charges de terrorisme contre 20 journalistes d'Al Jazeera, dont le procès doit s'ouvrir aujourd'hui. «L'IPI a demandé aujourd'hui aux juges égyptiens d'abandonner les charges relatives au terrorisme contre 20 journalistes d'Al-Jazeera et de libérer immédiatement ceux qui sont encore détenus», a expliqué l'organisation dans un communiqué. Le parquet égyptien avait annoncé le 30 janvier que 20 «journalistes d'Al Jazeera» allaient prochainement être jugés. La date de leur procès a été fixée au 20 février. Il avait précisé que 16 reporters égyptiens étaient accusés d'appartenance à une «organisation terroriste» et quatre étrangers - deux Britanniques, un Australien et une Néerlandaise - de leur avoir fourni «argent, équipements et informations» afin de «diffuser de fausses nouvelles» faisant croire à une «guerre civile dans le pays». Sur les 20 accusés, seuls huit sont détenus, les autres étant recherchés par les autorités, avait indiqué le parquet. L'IPI a réalisé une visite en Egypte du 25 au 29 janvier. Selon ses conclusions, les forces égyptiennes de sécurité ont «systématiquement» accusé les journalistes d'aide au terrorisme et de diffuser de fausses nouvelles, «dans le but d'effrayer tous les journalistes et d'entraver une couverture indépendante», a regretté une responsable d'IPI, Barbara Trionfi, citée dans le communiqué. La chaîne égyptienne de télévision privée Al Tahrir a diffusé une vidéo amateur de l'arrestation de deux journalistes d'Al Jazeera, le 29 décembre dernier dans un hôtel du Caire. Sur une bande-son dramatique, on y voit le chef du bureau du Caire de la chaîne qatarie, l'Egyptien-Canadien Mohamed Fahmy, dont le bras est en écharpe, et le journaliste australien Peter Greste, qui réclame un interprète. Ils sont interrogés, probablement par des policiers, qui ne se montrent pas. Les journalistes admettent ne pas avoir d'accréditation pour travailler en Egypte, mais affirment avoir déposé une demande de carte de presse. Leur matériel de travail est aussi filmé dans la suite de l'hôtel Marriott qui leur tenait lieu de bureau, le temps de trouver des locaux pérennes, comme l'explique Mohamed Fahmy. A la fin de la vidéo, on peut voir les deux journalistes embarquer à bord d'une camionnette. Al Jazeera a condamné la diffusion de cette vidéo. La chaîne qatarie précise que ses journalistes ne travaillaient pas dans le secret, mais au grand jour et que le fait de ne pas encore avoir d'accréditations ne justifiait aucunement leur arrestation. Elle exige leur remise en liberté. Les bureaux d'Al Jazeera au Caire ont été perquisitionnés et fermés par la police après léviction du président Mohamed Morsi, le 3 juillet. L'hôtel Marriott ayant servi de bureau improvisé à la chaîne, certains médias égyptiens ont parlé de «Cellule du Marriott» pour évoquer ces journalistes. Le parquet annonçait que 20 journalistes d'Al Jazeera seraient jugés, 16 Egyptiens pour «appartenance à une organisation terroriste» et quatre étrangers pour diffusion de fausses informations faisant croire à une «guerre civile» en Egypte. Le Comité pour la protection des journalistes du Proche-Orient et d'Afrique du Nord s'insurge de ce précédent. L'Egyte accuse Al Jazeera de diffuser les orientations politiques du Qatar, proche des Frères musulmans. En sept mois, la répression des pro-Morsi a fait plus d'un millier de morts. [email protected]