Malgré les sanctions occidentales, le président russe, Vladimir Poutine, sort plutôt renforcé de la crise en Ukraine A Kiev, le porte-parole de la diplomatie ukrainienne Evguen Perebyïnis a déclaré que l'Ukraine ne reconnaîtrait «jamais la soi-disant indépendance et le soi-disant accord sur le rattachement de la Crimée à la Russie». Le président Vladimir Poutine a signé hier un traité historique rattachant la Crimée à la Russie, avec effet immédiat, faisant fi des sanctions occidentales décrétées la veille contre Moscou, ce qui a été aussitôt dénoncé par Kiev et les Occidentaux. A l'issue d'un discours sous les ors du palais du Kremlin, M.Poutine a signé avec les nouveaux dirigeants pro-russes de Crimée un accord entérinant l'entrée dans la Fédération de Russie de deux nouveaux sujets, la Crimée et la ville de Sébastopol qui a un statut spécifique dans la péninsule. Le Kremlin a peu après précisé que le document entrait en vigueur dès hier, même si le Parlement russe doit encore ratifier une loi en ce sens, ce qui est une simple formalité. La signature a été chaudement applaudie par l'assemblée de parlementaires, gouverneurs et membres du Parlement russe réunie au Kremlin. A Sébastopol, environ 2.000 personnes qui ont regardé M.Poutine sur un grand écran dans le centre-ville ont crié «Hourra» et «Russie! Russie!» A Kiev, le porte-parole de la diplomatie ukrainienne Evguen Perebyïnis a déclaré que l'Ukraine ne reconnaîtrait «jamais la soi-disant indépendance et le soi-disant accord sur le rattachement de la Crimée à la Russie». Le parti de l'ancien champion de boxe et candidat à la présidentielle du 25 mai Vitali Klitschko a réclamé la rupture des relations diplomatiques avec la Russie. Le vice-président des Etats-Unis Joe Biden a qualifié hier à Varsovie le rattachement de la Crimée de «confiscation de territoire», et menacé Moscou de nouvelles sanctions. «L'isolement politique et économique de la Russie ne peut qu'augmenter si elle poursuit dans la même voie», a-t-il ajouté. Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a annoncé la suspension de toute coopération militaire avec Moscou, jugeant «regrettable» que la Russie ait «fait le choix de l'isolement». Le chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt a pour sa part estimé sur Twitter que M. Poutine confirmait ainsi «sa volonté de défier le droit international et l'ordre mondial». Dans son discours, marqué par des élans de patriotisme et un ton très anti-occidental, M. Poutine a joué sur la fibre émotionnelle et assuré que la Russie ne voulait pas d'une scission de l'Ukraine, deux jours après un référendum en Crimée qui a plébiscité un rattachement de cette région à la Russie. «Dans le coeur et la conscience des gens, la Crimée était et reste une partie intégrante de la Russie», a-t-il lancé, affirmant que Moscou aurait «trahi» les habitants de la péninsule si elle n'avait pas répondu à ses appels à les protéger face à la contestation à Kiev qui a abouti à la destitution du président Viktor Ianoukovitch. La Crimée, qui appartenait à la Russie au sein de l'URSS, avait été offerte en 1954 à l'Ukraine par le numéro un soviétique Nikita Khrouchtchev, une décision prise selon M.Poutine «en violation des normes constitutionnelles» de l'époque. «Ne croyez pas ceux qui vous font peur au sujet de la Russie, qui vous disent qu'après la Crimée, vont suivre d'autres régions», a déclaré M.Poutine à l'adresse de ceux qui s'inquiètent d'une éventuelle répétition du scénario criméen dans l'est russophone de l'Ukraine. «Nous ne voulons pas la scission de l'Ukraine, nous n'en avons pas besoin», a-t-il ajouté. Le chef de l'Etat russe s'est aussi livré à une dénonciation en règle des Occidentaux, estimant qu'ils avaient «franchi la ligne rouge» et s'étaient comportés de «manière irresponsable» dans la crise ukrainienne. Il les a accusés de faire preuve de «cynisme» et d'agir selon «le droit du plus fort». M.Poutine avait déjà signé lundi soir un décret reconnaissant l'indépendance de la péninsule séparatiste ukrainienne de Crimée, ignorant les sanctions décrétées dans la journée par les Européens et les Américains. De telles sanctions sont inédites dans l'histoire des relations UE-Russie depuis l'effondrement de l'Union soviétique en 1991. Le président russe, sorti cependant renforcé du référendum et dont la cote de popularité en Russie a battu un record depuis sa réélection à la présidence en mai 2012, a clairement montré qu'il restait imperturbable face aux menaces occidentales.