Le ministre de la Justice Il était venu dans cette contrée pauvre de l'Ouest, marteler sa volonté de voir la loi rigoureusement appliquée pour tous. La visite dimanche dernier de Tayeb Louh à Relizane a été incontestablement un franc succès. Et un succès sur tous les plans. La météo, d'abord, 29° est le signe révélateur d'un déplacement sans histoire. L'accueil de la population, ensuite, a salé cette journée de travail qui a vu Louh et son staff inaugurer le nouveau siège de la somptueuse cour ainsi que du tribunal administratif (à titre provisoire) en attendant la future nouvelle bâtisse de l'administratif. Tous les magistrats, Mohamed Khellafi en tête, étaient là, certains enchantés de serrer la main au réformateur, d'autres pour se plaindre auprès de confrères autour des mauvaises conditions de travail avec, comme cerise sur le gâteau, un salaire insignifiant (!?!?). Précisons de suite que ce sont de jeunes magistrats qui évoquent ce problème, niveau de vie oblige. Louh, lui, était venu dans cette contrée pauvre de l'Ouest, marteler sa volonté de voir la loi rigoureusement appliquée pour tous, tout en rappelant les lourds tributs versés par les magistrats (34) et les journalistes (plus de 100) durant les années de larmes, de feu et de sang. «Je rappelle avec conviction que l'indépendance de la justice et la liberté de la presse vivent sous le même toit. Elles sont liées naturellement tout comme il n'y a pas de justice forte sans défense forte», avait articulé le ministre. Ce dont profitera le bâtonnier de Relizane pour s'adresser à Louh qu'il a connu, il y a un quart de siècle, en murmurant presque d'émotion. «Je m'adresse au ministre de la Justice, au stagiaire de Dar El Beïda, à l'étudiant d'Oran, au jeune magistrat fougueux, rebelle qui a tant fait pour l'indépendance de la justice et nous étions témoin à vie pour tout ce que vous aviez risqué à l'époque. C'est pourquoi, cher Si Tayeb, M.Louh, M. le ministre, je vous demande de nous aider à aménager un siège du «club de l'avocat», car nos moyens débutent et s'arrêtent aux cotisations de la poignée d'avocats de notre région!» Et Louh, un large sourire illuminant son visage, de lancer en regardant en direction de Kada Kadi, le wali de Relizane: «Dans la mesure de nos moyens...» Avançant dans les locaux majestueux de la nouvelle cour ou ceux du tribunal administratif, Louh prendra, à chaque fois, la parole pour réaffirmer son attachement à l'application de la loi, à son respect et surtout à la bonne gestion des cours. Sautant sur l'entretien des lieux, Tayeb Louh allait envoyer des signaux de ce que demain sera fait: «J'attire votre attention que la patience a des limites pour ce qui est du maintien du respect de la justice. Nos salles sont très mal aérées. La poussière y règne sans vergogne. Les justiciables n'entendent pas les magistrats et ces derniers n'arrivent pas à suivre les parties à la barre. C'est facile d'ouvrir une salle d'audience respectable, propre, digne d'être fréquentée.» Et Louh aura une autre occasion de vouloir sauter un verrou: «Les témoins! Il faut que je dise un mot sur les témoins. Savez-vous pourquoi ces importants acteurs d'un procès ne veulent pas répondre aux convocations du juge? Simple. Ils n'ont rien d'agréable d'offert pour qu'ils puissent venir peut-être sauver un prévenu. Offrons-leur au moins une salle digne de son rôle. Evitons-leur les longues et harassantes attentes.» S'adressant toujours aux robes noires et aux autres présents à cette cérémonie, sans prendre une minute pour s'asseoir, le ministre de la Justice, garde des Sceaux déclarera: «Les zizanies, les luttes fratricides, émanent souvent de la violence verbale. Il est temps que ce fléau cesse tout comme ces insupportables attentes des avocats qui arrivent très tôt dans les juridictions pour voir le juge renvoyer le dossier. C'est à proscrire comme méthode de travail. Abordant le côté technique de l'application de la loi et après avoir rappelé le nombre appréciable et louable de chantiers au niveau de la tutelle, le ministre s'est attardé sur le chantier relatif à l'aide aux enfants mineurs vivant avec la maman divorcée et bénéficiaire de la garde: «La caisse que nous préparons l'est à l'intention uniquement des enfants en bas âge et dont le papa ne peut subvenir à leurs besoins!» a précisé le ministre qui se montrera optimiste quant à la protection des enfants, mais aussi à la protection des libertés: «Les individuelles et les collectives!» a martelé Louh. Passant sur la «passerelle» du pseudo-manque de magistrats, il rétorquera sur la mauvaise utilisation des gens et surtout de veiller à une meilleure organisation. «L'Etat a beaucoup fait en direction de la justice. La modernisation en est la meilleure illustration. Dans la foulée, le ministre de la Justice a annoncé: «Prochainement, vous serez surpris en matière de gain de terrain pour la modernisation. La signature électronique, par exemple, permettra de retirer les documents à distance. Il y aura en quelque sorte une carte: Adala, comme ce fut le cas pour la carte Chifa. Et le lien fut vite fait par les présents qui ont suivi Louh, affirmant qu'il ne restait qu'un détail à régler en concertation avec le ministère des Finances pour voir comment donner naissance à une carte «prépayée» en vue d'obtenir les timbres exigés par la loi. La multiplication des chambres pénales, par exemple, a été évoquée par Louh qui a vécu deux minutes d'émotion au moment où la veuve de Maître Abderrahim Touati (un ancien compagnon du ministre) l'aborda pour lui dire que «son défunt mari avait pour lui la plus grande des estimes». Notons que Kadi, le wali, a comme toujours, promis dans la mesure du possible, l'aide de la wilaya en direction de la cour et des tribunaux de Relizane, Oued R'hiou, Zemoura, Ami Moussa et Mazouna. Les deux chefs de cour ont pris acte. Notons enfin l'inévitable cohue à la sortie de la cour où des justiciables étaient en embuscade pour sauter au cou du ministre, pas pour une bise, mais pour remettre une lettre - pas d'amour - mais de... protestation autour d'une décision de justice rejetée avec force par le débouté! Comme quoi, la visite à Relizane restera comme un moment fort pour Louh qui a eu l'audace d'ouvrir de sensibles chantiers, peut-être pas tous «ouvrables», mais tout au moins gérables à souhait pour peu que les peaux de bananes ne soient pas savamment placées sous les semelles d'un Tayeb Louh en marche vers une justice meilleure si elle ne devrait pas être indépendante au vu de la qualité des magistrats à former, selon le souhait du ministre.